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« J’ai eu une année marde ».
Avouez que les fois où vous avez pensé ça dans le passé ne frôlent pas le petit orteil de ce que nous avons collectivement vécu ces derniers mois.
Non, cette fois, tant les amoureux des faits, les pessimistes et les gens qui vivent une période difficile s’entendent: on vit une cr&*%$ d’année de marde à date.
Tellement, qu’on se surprend à s’ennuyer de cette époque bénie où le coton ouaté de Catherine Dorion, le crucifix à l’Assemblée nationale ou les cartes-cadeaux refusées de PO dans un taxi faisaient les manchettes. Même le débat sur le port du voile me manque, c’est dire.
Pas convaincu? À vous qui vivez dans un monde de licornes ou une grotte sans réseau, j’offre cette convaincante recension de 2020, histoire de vous rappeler en pleine face les malheurs qui nous affligent depuis le dernier décompte.
Janvier
L’Australie brûle, aux prises avec de violents incendies dans lesquels plus d’un milliard d’animaux auraient péri. Les images du sauvetage héroïque d’un koala deviennent virales, mais moins qu’un certain virus qui commence à se propager en Asie (les premiers cas sont identifiés en décembre dans la ville de Wuhan). Un Boeing rempli de Canadiens est abattu par erreur près de Téhéran (176 morts) et le joueur-vedette de la NBA Kobe Bryant se tue avec sa fille dans un accident d’hélicoptère.
Chez nous, l’annonce débute avec des tweets controversés de l’ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec, le décès de maman Dion à l’âge de 93 ans, l’expédition mortelle de vacanciers français au Lac-Saint-Jean et le meurtre crapuleux d’une travailleuse du sexe dans un motel de Saint-Foy.
Les images du sauvetage héroïque d’un koala deviennent virales, mais moins qu’un certain virus qui commence à se propager en Asie.
Sinon, la loi 21, le 3e lien, Trump, le déménagement du prince William au Canada et le fait qu’on a un hiver de cul jouent souvent du coude dans l’actualité. Ah oui, un jeune humoriste fait une sortie à la radio pour se plaindre que des insinuations d’inconduites sexuelles ont failli lui faire perdre sa carrière… quelques mois avant de se faire accuser d’inconduites sexuelles.
Au moins le monde apprécie le Bye Bye et le premier bébé de l’année s’appelle Henri.
Février
Le combat des autochtones de la nation Wet’suwet’en pour bloquer un projet de gazoduc en Colombie-Britannique devient un enjeu national. Au Québec, les Mohawks bloquent la voie ferrée à Candiac et la route 344 à Oka, ce qui paralyse la circulation ferroviaire jusqu’à ce que la compagnie Canadian Pacific obtienne une injonction de la Cour pour démanteler les barricades. Le premier ministre François Legault affirme que les Mohawks de Kahnawake sont en possession de AK-47.
De son côté, Bombardier se départit des actifs de sa section aéronautique (les anciens CSeries) et vend sa division ferroviaire à l’entreprise française Alstom.
La marde est sinon à nouveau pognée en Syrie, où l’escalade des tensions laisse entrevoir un conflit entre la Turquie et la Russie. Océane Boyer, une adolescente de treize ans, se fait battre à mort par un ami de la famille. Son corps est retrouvé dans un secteur isolé de Brownsburg-Chatham. Un texte de Félix Leclerc est banni d’une école après la plainte d’un parent niochon, une Youtubeuse vend des photos d’elle à poil sur la plate-forme OnlyFans, le procès d’Éric Salvail débute, Guy Nantel se lance dans la course à la direction du PQ et les alertes au smog sont plus fréquentes que d’habitude.
En toile de fond, le coronavirus fait de plus en plus jaser et fait déjà les manchettes ailleurs dans le monde. Plusieurs Québécois en croisière – dont le couple Ménard – reçoivent des diagnostics positifs à la COVID-19 sur le Diamond Princess, un bateau en quarantaine au large du Japon. À Montréal, un premier cas positif est testé sur une femme revenant d’un voyage en Iran. Plusieurs de nos ressortissants sont aussi rapatriés de la Chine. Une paranoïa envers les citoyens d’origine asiatique commence sinon à se faire ressentir. De son côté, Trump dénonce la panique propagée par les médias au sujet du coronavirus.
Mars
L’épidémie de coronavirus s’intensifie drastiquement et bascule au stade pandémique.
Au Québec, un deuxième cas de COVID-19 est décelé à Mont-Laurier chez un dude qui revenait de l’Inde. Environ deux semaines plus tard, le gouvernement décrète la fermeture des écoles jusqu’à nouvel ordre.
Plusieurs pays d’Europe se placent en confinement et les morts se comptent chaque jour par centaines, surtout en Espagne ou en Italie. Le rapatriement passe en quatrième vitesse et touche l’ensemble des ressortissants canadiens en voyage à l’étranger. Les États-Unis dorment au gaz mais certains états se placent en confinement, à commencer par la Californie. Trump vit toujours dans le déni, une attitude qu’il conservera jusqu’en juillet. La frontière terrestre avec le Canada ferment jusqu’à nouvel ordre, même chose pour les vols commerciaux. Au Québec, un deuxième cas de COVID-19 est décelé à Mont-Laurier chez un dude qui revenait de l’Inde. Environ deux semaines plus tard, le gouvernement décrète la fermeture des écoles jusqu’à nouvel ordre. Tous les commerces jugés non essentiels suivront une semaine plus tard. À la fin du mois, les déplacements sont contrôlés dans les régions et 2498 (22 décès) sont rapportés à travers la province (principalement à Montréal).
Le Québec découvre l’existence du télétravail / 5 à 7 sur Zoom et se sent obligé de partager des photos de son expérience sur les réseaux sociaux. La PCU débarque dans nos vies comme un symbole que ça va vraiment plus mal que mal, les baby-boomers sont réticents à se confiner et la légende du hockey Henri Richard perd la vie.
Le chef d’orchestre hongrois Zoltan Pesko meurt aussi, mais personne ne le connaît. Seul point positif, le docteur Arruda partage sa recette de tartelette portugaise.
Avril
Après le «buzz» du confinement arc-en-ciel et un taux encore relativement bas de victimes du virus, place à la désillusion.
Les bilans grimpent en flèche (presque 2000 morts et 30 000 cas à la fin du mois, le pire rendement au pays), tous les festivals annulent un à un. Dans les CHSLD, c’est l’hécatombe, à commencer par le CHSLD Herron où « de la grosse négligence » coûte la vie à 31 aînés. À l’échelle du continent, les sports professionnels sont mis aux arrêts et un bébé de six semaines meurt aux États-Unis, ce qui amplifie le désespoir ambiant.
D’ailleurs les cas de COVID-19 continuent d’exploser au sud de la frontière. Le masque devient obligatoire à New York, épicentre de la crise. Le Canada s’enlise dans une crise économique, des entreprises fleurons se placent sous la protection de la Loi sur la faillite et les autorités craignent des pénuries de masques. Des détenus attrapent le coronavirus, à l’instar du premier ministre britannique Boris Johnson.
Le site du Panier Bleu plante au premier jour et les policiers commencent à donner des tickets pour la distanciation sociale. La délation est omniprésente et le climat devient rapidement toxique sur les réseaux sociaux, théâtre des déchirements entre les proconfinements et les jumeaux Tadros. Les zinzins de la 5G commencent aussi à s’exprimer souvent, sans oublier tous les crackpots qui se filment dans leur sous-sol accusant Bill Gates d’avoir mis des micropuces dans le virus.
La consommation de cannabis est en hausse, des gens ne peuvent pas saluer leurs proches mourants une dernière fois et les producteurs laitiers jettent du lait. La COVID emporte l’acteur Ghyslain Tremblay et l’animateur Claude Lafortune. Sinon la chaîne McDonald’s retire plein d’affaires délicieuses (les McCrêpes!) de son menu, l’armée débarque en renfort dans les CHSLD et les mots « deuxième vague » commencent à se faire entendre.
Pendant ce temps et dans l’indifférence quasi générale, la Nouvelle-Écosse est le théâtre de la pire tuerie de l’histoire du pays, lorsqu’un homme de 51 ans abat 23 personnes dans plusieurs municipalités de la province entre le 18 et 19 avril (on l’avait presque oublié, c’est dire).
Mai
La COVID-19 continue de monopoliser l’attention. Le gouvernement reporte l’école en septembre, le nombre de morts atteint des sommets (au milieu du mois, on annonce plus de 100 morts par jour, pour environ 40 000 cas). Des autobus de la STM sont d’ailleurs transformés en laboratoire de dépistage pour tester le plus de gens possible dans des épicentres, notamment Montréal-Nord.
La fin du mois est marquée par une canicule extrême de plusieurs jours au Québec, mais surtout par un puissant éveil collectif en marge du meurtre de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis.
La chanteuse Renée Claude meurt de la COVID-19 et la comédienne Monique Mercure s’éteint d’un cancer. Un couple de solides douchebags est arrêté pour avoir mis le feu à sept tours de télécommunication en pensant que c’était des tours de 5G. Le Québec n’a que 24 heures pour savourer l’ouverture des campings avant qu’André Boisclair ne se fasse accuser d’agression sexuelle armée. La fin du mois est marquée par une canicule extrême de plusieurs jours au Québec, mais surtout par un puissant éveil collectif en marge du meurtre de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis. La vidéo du crime entraîne des manifestations un peu partout sur la planète, incluant Montréal où des pillages surviennent (chez Steve’s notamment, mais le proprio relativise comme un chef en rappelant qu’une guitare, ce n’est pas une vie humaine).
Sinon, Georges Laraque se joint au club sélect des « pas de vaccin, libarté!», Martin Matte est en vedette dans une pub grossophobe, les Ciné-Parcs deviennent le nouvel El Dorado de la culture, Dan Bigras se pète la gueule en VTT, la mère de Magnotta s’inquiète que son fils pogne le virus en prison, Arruda s’excuse de son rap, les fake news pullulent sur Facebook, la ministre Nathalie Roy demande au milieu culturel de se réinventer et six militaires canadiens meurent dans un écrasement d’hélicoptère en Grèce.
Juin
La débat fait rage autour du racisme – sur les réseaux sociaux notamment – et force le gouvernement à créer un « groupe d’action » sur le sujet. La guerre est ouverte entre les « Oui le racisme systémique existe » et « ben non, j’ai un ami noir pis tout est chill ».
Ce qui retient aussi beaucoup l’attention, c’est le destin funeste d’une baleine à bosse égarée et retrouvée morte (une collision avec un bateau apparemment) dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Varennes, après avoir fait courir les foules durant plusieurs jours dans le Vieux-Port de Montréal.
Les voix d’Homer Simpson (Hubert Gagnon) et celle de Bruce Willis (Patrick Poiver) s’éteignent à quelques jours d’intervalle, Lucie Laurier sort une toune, Roch Voisine ressemble vaguement à Gandalf et les chutes Rawdon sont prises d’assaut par des armées de gigons, ce qui force les autorités municipales à interdire leur accès. Comme les bars ont rouvert, un phénomène semblable est observé au Miles Public House du quartier Dix30, où plusieurs clients seront ensuite contaminés à la COVID-19. Le gouvernement annonce que la province est dans le trou de 14,9 milliards à cause du virus, sans oublier les 820 000 emplois perdus depuis mars. Le Cirque du Soleil annonce la mise à pied de 3500 employés et se place à l’abri de ses créanciers.
Le déconfinement se pointe le bout du nez, mais on parle de plus en plus de deuxième vague. Les complotistes veulent s’ouvrir les veines devant l’annonce que le masque sera obligatoire dans les transports en commun dès juillet. À part ça, le Québec est aux prises avec une grave crise du logement, les chalets sur le bord de l’eau se louent des fortunes, on crève de chaleur, le Voir ferme, le doc Mailloux poursuit le Collège des médecins et il y a plein de noyades dans des piscines.
Vivement juillet.
Juillet
À peine a-t-on le temps de reprendre son souffle qu’une nouvelle vague massive de témoignages de violences à caractère sexuel débarque sur les réseaux sociaux.
Plusieurs vedettes de la télévision, du web, du cinéma, du milieu littéraire, de la restauration, des médias et du tatouage (?!?) y passent, dénoncées par leurs victimes qui les call out publiquement sur Instagram et Facebook. Des listes de potentiels abuseurs sont rendues publiques et l’expression « grainer un verre » se propage aussi vite qu’une vidéo d’excuses peu convaincante.
Il reste encore 198 jours à 2020.
Comble de tristesse, la découverte des corps des petites Norah et Romy Carpentier dans un boisé de Saint-Apollinaire bouleverse le Québec au complet (le discours de la mère restera douloureusement gravé dans notre mémoire) et la traque pour retrouver le père/suspect est toujours en cours.
La canicule ne fait pas souvent relâche et Legault annonce le masque obligatoire dans tous les endroits publics fermés le 18 juillet, ce qui pourrit encore plus le climat virtuel déjà excessivement lourd.
Et il reste encore 198 jours à 2020.