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Voyage à bord du COVID-19 express, un autobus devenu unité de dépistage

Même pas besoin d'un titre de transport pour y prendre place.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« Bienvenue chez nous! », lance le chef d’équipe Réjean Savard, en accueillant les passagers qui l’accompagnent aujourd’hui à bord d’une des unités mobiles de dépistage aménagée dans un autobus de la STM, déployée depuis quelques jours dans les zones chaudes de la Métropole. URBANIA a pris part au voyage avec eux.

L’embarquement était prévu à 9h devant l’organisme La Tohu dans le quartier Saint-Michel, où plusieurs travailleurs de la santé s’affairaient déjà aux préparatifs.

Le port du masque est obligatoire pour quiconque entre dans la salle de spectacle afin de ramasser le matériel et écouter les consignes du jour.

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Des zones délimitées au sol à l’aide de ruban adhésif vert accueillent l’équipement alloué pour chaque clinique mobile. Il y a du Purell, des sacs poubelles, du désinfectant, des combinaisons bleues, des caisses remplies de matériel de dépistage, des tentes rétractables qui serviront au triage, etc.

À l’heure actuelle, trois autobus sillonnent différents quartiers touchés par la COVID-19, dont celui déployé à Montréal-Nord pour la première fois ce matin. Dans quelques jours, ce nombre grimpera à six, soit un par territoire desservi par le CIUSSS et un supplémentaire pour aller en renfort dans les zones les plus touchées par le virus. Les emplacements seront divulgués sur le portail santé Montréal.

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« On va aller à Verdun pour la quatrième fois. On commence à être rodé et faire partie du paysage. Ça reste tranquille, on pourrait en faire plus », résume Camille Bouchard-Lalonde, l’adjointe à la responsable de la clinique désignée de dépistage du site Centre-Sud.

Elle et la plupart des employés affectés aux autobus ont l’expérience du dépistage de brousse, après avoir travaillé dans la clinique aménagée à la Place des festivals au début de la pandémie.

Les autobus s’inscrivent dans une démarche visant à intensifier le nombre de tests dans la population, en l’élargissant parmi les gens asymptomatiques dans les quartiers chauds. À l’heure actuelle, le ministère de la Santé et des Services sociaux dit réaliser environ 7000 tests quotidiennement, mais les autorités aimeraient doubler ce nombre au cours des prochaines semaines.

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Chaque autobus peut réaliser environ 225 tests par jour. « Mais on pourrait faire plus! », insiste Camille, qui invite toute personne symptomatique ou asymptomatique ayant des contacts avec des gens atteints de la COVID-19 à se présenter aux portes des autobus.

Prochain arrêt : dépistage

L’autobus s’ébranle vers 9h30. D’importants réaménagements ont été effectués à l’intérieur du véhicule, découpé en trois mini-stations de prélèvement isolées par des panneaux de coroplast. L’équipage masqué prend place tout au fond.

Le chef d’équipe et infirmier Réjean établit le plan de match en route. Autour de lui, il y a Marie-Noël l’intervenante sociale, Jean-Pierre l’aide au prélèvement, Patrick l’étudiant en renfort, Marie-Claude l’infirmière, ainsi que Rachel et Johannie, les agentes administratives. Tous sont volontaires, à commencer par Patrick et Johannie, qui ne travaillent même pas dans le milieu hospitalier.

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L’ambiance est décontractée. On rit un peu des crocs fluos jaunes de Rachel, mais elle les assume tellement dans ses bas blancs, qu’on lui pardonne un peu.

Réjean, lui, en a vu d’autres. Après tout, il s’est porté volontaire pour épauler les victimes du 11 septembre 2001, de l’ouragan Katrina et de Lac-Mégantic, avec la Croix-Rouge.

Le bus tourne dans le stationnement du Centre communautaire Marcel-Giroux. Une dizaine de personnes attendent déjà en file sur la rue Bannantyne, devant des ouvriers qui mènent bruyamment des rénovations d’envergure sur un immeuble résidentiel.

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La clinique s’installe à une vitesse impressionnante. En moins de dix minutes, une tente de triage est érigée, trois postes de dépistage sont opérationnels et le siège avant du chauffeur s’est transformé en station informatique où Johannie pianote les informations de base relatives à chaque patient. « J’imprime ensuite les étiquettes d’inscription pour les coller sur les éprouvettes », souligne l’étudiante en communications, qui a tout simplement décidé de faire sa part.

Dehors, la file s’allonge rapidement, au point d’être réorientée dans le stationnement. Un agent de sécurité est là pour s’assurer que le processus se déroule dans l’ordre.

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La chauffeuse de bus qui nous a conduits ici brise la glace en se soumettant au premier test. Un responsable de son syndicat présent sur place me demande de ne pas immortaliser le moment. « On ne veut pas que ça lui nuise et que les gens pensent qu’elle a le COVID-19 », m’explique-t-il.

Au triage, Sylvie, une résidente de L’Île-des-Soeurs décrit au même moment ses symptômes à Rachel, qui griffonne des notes. « Mon médecin m’a envoyé parce que je tousse, mais je me sens bien et je ne voulais pas poireauter huit heures dans un hôpital », raconte la dame, avant d’entrer dans le bus par l’avant pour s’inscrire auprès de Johannie.

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Le dépistage est rapide, une minute tout au plus. L’infirmier(ère) confirme l’identité du patient, plonge une languette de bois (un abaisse-langue) pour prélever des sécrétions au fond de la gorge, puis répète la même opération, cette fois dans la narine avec un coton-tige (écouvillon). À en juger par le visage grimaçant de certains patients, l’expérience, même rapide, semble plutôt désagréable.

Les échantillons sont ensuite déposés dans les éprouvettes dûment identifiées, avant d’être entreposés dans une glacière qui prendra plus tard la route de l’hôpital où ils seront analysés. Chaque patient recevra ensuite une réponse – positive ou négative – dans les 24 à 48h.

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« L’organisation est vraiment parfaite ici!»

En tête de la file, la pimpante intervenante sociale Marie-Noël pique une jasette avec chaque patient avant le triage. Une façon de les faire ventiler souligne la principale intéressée. « Je leur demande d’abord comment ça va. Plusieurs vivent seuls et n’ont parlé à personne depuis un moment », remarque-t-elle.

Au triage, on enfile les visiteurs à la chaine : un employé de la Ville testé positif qui veut savoir s’il peut retourner travailler, une infirmière à la retraite qui a des maux de tête, un employé du CIUSSS local qui a un collègue testé positif, etc.

Plusieurs semblent travailler dans le milieu de la santé et souhaitent un résultat négatif pour retourner au travail après avoir été testés positifs une première fois.

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D’autres, comme Annie Jutras et sa soeur, viennent pour des raisons personnelles. « Nous sommes proches aidantes naturelles de notre père et on veut juste avoir accès à lui le plus tôt possible », explique la jeune femme, qui signale avoir la gorge enrouée depuis quelques jours. Leur père est mourant et les deux soeurs veulent être à son chevet dans ses derniers moments. « L’organisation est vraiment parfaite ici, je ne m’attendais pas à ça! », louange Annie, qui travaille comme entraîneure au Pro-Gym.

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Sur le trottoir tout près, la responsable de la clinique ambulante, Geneviève Alarie, s’émerveille à la vue de sa petite fille Juliette venue lui faire coucou avec sa fille. « Ça fait deux mois que je suis isolée », explique, émue, Mme Alarie, une gestionnaire à la retraite qui a repris du service en temps de crise.

À bord du bus, les troupes ne chôment pas. Les infirmier(e)s Réjean et Marie-Claude enchainent les tests, avec l’aide de leur consoeur Ariane venue à la rescousse. « 50% des gens sont stressés », admet le chef d’équipe, ajoutant que les symptômes sont rarement imprimés dans le visage des gens. « C’est plus subtil, il y a des gens complètement asymptomatiques qui se présentent », note Réjean, avant d’aller rassurer un enfant venu passer le test avec sa mère. « Ça chatouille! », tranche finalement le petit Sawyer.

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Le rôle de l’aide au prélèvement Jean-Pierre aussi est crucial dans l’autobus. D’une part il est là pour simplifier la vie aux dépisteurs en répondant à leurs demandes, de l’autre il est là pour détendre l’atmosphère et calmer les angoisses à l’aide d’un éventail assez impressionnant de blagues.

Ses classiques: Souhaitez aux gens la bienvenue à bord du COVID Express numéro 19, envoyer des ondes négatives aux gens qui attendent leurs résultats qu’on souhaite, vous l’aurez compris, tout aussi négatif et adapter une chanson pour boire au contexte pandémique.

« Il est des nôoooootres, il a fait son test comme les auuuuutres! »

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En fin d’avant-midi, un employé de Med-Express se présente au bus pour recueillir la glacière contenant les 24 premiers tests. « Je vais la porter au CHUM ou à l’Hôtel-Dieu pour les analyses », souligne Iamen, qui répétera le même manège plusieurs fois dans la journée.

Avant de partir, je décide de passer le test une première fois. Je n’ai aucun symptôme, mais ça fait deux mois que je raconte des histoires liées à la COVID-19 sur le terrain. J’ai certainement croisé des gens qui ont été en contact de près ou de loin avec le damné virus, à commencer par ma jeune collègue Jasmine qui s’est fait embaucher une semaine dans un CHSLD.

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Et même si j’ai cru que le coton-tige dans ma narine allait me sortir par le cerveau, je vous invite – en cas de doute – à grimper dans l’autobus du dépistage pour en avoir le coeur net.

La victoire sur la pandémie passe peut-être par un portrait fidèle de la situation, avec ou sans symptôme.

En attendant les résultats dans quelques heures, l’adaptation de la chanson de Jean-Pierre roule toujours dans ma tête.

« Il est des nôoooootres, il a fait son test comme les auuuuutres! »

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