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Le top 50 des artistes québécois par ordre d’importance culturelle
La rentrée, c’est une sorte de no man’s land entre la Saint-Jean-Baptiste et le gala de l’ADISQ. La saison des festivals tire à sa fin, les gens sont trop cassés de l’été pour aller voir des spectacles et nos artistes quebs sont extra-brûlés d’avoir sillonné la province tout l’été. Malgré les retours en ondes périodiques de Star Académie et de La Voix, il ne s’y passe pas grand chose.
Peu importe ce que raconte Richard Martineau, c’est extra-difficile de faire carrière comme artiste au Québec. On y travaille beaucoup, on y gagne très peu d’argent et il y a toujours quelqu’un pour se plaindre qu’on est subventionné.
C’est pourtant crucial qu’on continue à parler d’eux et encore plus de les écouter. Pour ce faire, j’ai décidé de provoquer le destin de la façon la plus queb possible : avec une bonne vieille chicane de famille. Oui oui! C’est le moment du grand classement des artistes québécois, du moins au plus important culturellement. Pour m’aider à faire ma sélection toujours ultra-scientifique, j’ai utilisé cinq critères :
Le talent : Que ce soit au niveau de l’écriture, de la voix ou de la composition musicale, est-ce que l’artiste en question a quelque chose d’intéressant et unique à offrir? En toute transparence, je crois que chaque artiste mentionné sur cette liste a un certain niveau de talent. Vous savez maintenant ce que je pense des gros noms absents de cette liste.
La « québécité » : Sans tomber dans le nationalisme radical… est-ce que t’es queb? Si tu chantes uniquement en anglais, t’es disqualifié (ou presque), si t’es un régulier ou une régulière à la fête du Canada, tu pars avec des points en moins. Est-ce que tout le monde de la famille peut chanter tes chansons autour du feu de la Saint-Jean? C’est ce que je veux savoir. Cette catégorie pourrait aussi être nommée « joualitude ».
La pérennité : Est-ce que c’est aussi cool de chanter tes chansons aujourd’hui que ça l’était en 1997? Y’a une composante image à ce critère qui stipule que si t’as été un ou une estie de clown hors-scène, tu perds des points. J’ai donc pris la liberté d’inclure certains artistes cancellés parce que c’était impossible de les ignorer, mais ils sont pénalisés.
La transcendance générationnelle : En 2023, l’heure n’est plus aux chemises carreautées et aux chansons de boîte à bois. Pas qu’il y ait quoi que ce soit de mal à ça, mais cibole : si tes chansons sont capables à la fois de bien représenter ta génération et de toucher (ou faire danser) les autres, ce sont des points bonus.
Mon appréciation personnelle : Parce que toute expérience artistique est subjective. Si vous êtes pas content, faites-en, un top 50.
Ah oui, une entrée par artiste. Gerry Boulet est inclus dans Offenbach et Serge Fiori, dans Harmonium. Vous comprendrez pourquoi.
Shout out à La Bronze, dernière éliminée avant le top 50. C’est pas parce que t’es pas dans cette liste que je ne crois pas en toi. T’es talentueuse et créative, j’aurais aimé ça t’inclure à la place de Gilles Vigneault ou Isabelle Boulay, mais ça n’aurait pas été honnête de ma part.
Sans plus tarder :
50) Banlieue Rouge
Non seulement un vrai de vrai groupe punk québécois, mais avec des textes farouches, étincelants et débordants de vie. Banlieue Rouge était facile à aimer et extrêmement satisfaisant à chanter, mais ils étaient beaucoup trop extrêmes pour récolter plus de succès qu’ils en ont eu. Leur chanteur Safwan (aujourd’hui tatoueur réputé) était assis à côté de moi dans un restaurant de sushi sur Laurier, il y a quelques années, et j’étais très starstruck.
49) Kaïn
J’ai longtemps hésité à mettre Mes Aïeux ici parce qu’ils ont de loin la toune la plus forte, mais c’est exactement ça le problème : ils n’ont qu’une toune. À mon avis, Kaïn est de loin le moins talentueux des groupes de boîte à bois du début des années 2000 (après La Chicane et Okoumé, respectivement), mais Embarque Ma Belle se chante quand même bien chaud raide en famille. C’est un bon groupe compromis pour empêcher les incidents diplomatiques.
48) FouKi
On dira ce qu’on voudra du bon FouKi, mais il est ultra queb dans son comportement comme dans ses chansons. Il écrit et interprète des tounes rassembleuses qu’il fait bon chanter, à la Saint-Jean comme à Noël. Votre tante Lucienne le trouve peut-être nono, mais au moins, elle peut apprendre ses paroles le temps d’une soirée et redevenir jeune avec vous en fumant un petit pétard et en hurlant « SPAGHETTI PAIN À L’AIL » pendant trois heures. Shout out FouKi! T’es cool.
47) Émile Bilodeau
J’ai une théorie du complot à propos d’Émile Bilodeau : il est né à la mauvaise époque. S’il avait été adulte dans les années 90, il aurait vendu plus d’un million de disques et il aurait probablement chillé avec Dédé Fortin. Le gars est un parolier INCROYABLE, mais on vit tellement à une époque cynique et self-aware qu’on n’est pas capable d’apprécier sa poésie un tantinet naïve et pourtant ultra queb. Textes pour textes, je le prends au-dessus de La Chicane demain matin.
46) Mitsou
Mitsou est plus connue comme animatrice et personnalité médiatique au sens large, mais elle a surtout débuté en tant que chanteuse. Des années lumières avant son temps, son image frondeuse et hautement sexualisée avait passé proche de scinder le Québec en deux à l’époque, mais on se rappelle aujourd’hui de ce court épisode de sa carrière avec nostalgie dans tous les bars de karaoké du Québec.
45) Boule Noire
Quand je parle de transcendance générationnelle, George Thurston représente exactement ce dont je parle. Malgré qu’il n’ait pas exactement une kyrielle de succès à son palmarès, les hits du regretté chanteur font danser les p’tits jeunes de 23 ans comme les p’tits vieux de 77 au rythme de ses interprétations passionnés. Ses chansons ont quelque chose de magnétique qui plaît à tout le monde et qui ne vieillit tout simplement pas.
44) Safia Nolin
J’adore la présence médiatique et le courage de Safia. Sa musique n’est pas du tout mon bail, mais j’apprécie le caractère atmosphérique et méditatif de ses chansons. En toute honnêteté, je ne serais pas capable d’en nommer une, à part ses reprises, mais je vous conseille très fort son J’ai demandé à la lune. C’est encore meilleur que l’original. Une artiste qui trace son chemin contre vents et marées, je respecte ça.
43) Isabelle Boulay
Vous vous attendiez peut-être à la retrouver beaucoup plus haut sur cette liste, mais je la trouve plate, bon. Écouter du Isabelle Boulay pour moi, c’est encore pire qu’attendre en ligne à la SAAQ. Si un jour Entre Bâton Rouge et Matane joue pendant que je suis en ligne à la SAAQ, je vais peut-être mourir. Elle est vraiment une artiste pour les gens qui chantent ou qui tripent sur les timbres de voix et je suis tone deaf à fond.
42) Gilles Vigneault
Fallait bien que je le mette quelque part, sinon ma mère m’aurait déshérité (c’est la seule fan de Gilles Vigneault que je connaisse). Il prend probablement la place d’un groupe comme Alaclair Ensemble sur cette liste, mais bon, tsé. Gens du Pays, quand même. Quand le Québec entier chantera « TU PENSAIS QU’C’TAIT ÇA QUE C’T’AIT, MAIS C’T’AIT PAS ÇA QUE C’T’AIT » au spectacle de la Saint-Jean-Baptiste, je réviserai ce classement.
41) France D’Amour
Sans l’ombre d’une doute une pionnière, mais disons-nous les vraies affaires-là : elle est un peu overrated. Elle a fait Animal, Vivante, Mon Frère et après ça? Elle a fait une très longue carrière sur ces trois excellentes tounes, mais quand même. C’est un peu mince pour la couronner « la rockeuse du Québec ». France D’Amour mérite sa place sur cette liste, mais pas du tout un top 15, comme certains pourraient le croire.
40) Hubert Lenoir
Ceci n’est pas un désaveu de l’importance culturelle d’Hubert. Au contraire, il est arrivé sur la scène en 2018 comme un chien dans un jeu de quille et a mis à feu la société après avoir créé le plus beau moment de télé québécoise de ces dix dernières années lors de son passage à La Voix. Il s’est fait plutôt tranquille depuis, par exemple. J’ai pas l’impression qu’il voulait tant que ça devenir un artiste mainstream.
Un créateur des plus intéressants, mais peut-être pas celui que vous croyiez ou même que vous souhaitiez.
39) Okoumé
Hot take : Jonathan Painchaud est l’un des paroliers les plus sous-estimés au Québec. La province lui en veut beaucoup pour Pousse, pousse, pousse de la fonte, mais il a aussi écrit À l’enfant que j’aurai, Dis-moi pas ça, La lune pleure, Son rire et plusieurs autres. Okoumé a toujours été le grand perdant de la compétition avec La Chicane parce qu’il était moins queb, bien que musicalement plus intéressant.
38) Marie-Pierre Arthur
Une autre hot take. Marie-Pierre Arthur a tous les atouts d’une immortelle de la chanson québécoise : une voix unique, des chansons accrocheuses, des textes de qualité. Sur le plan musical, elle est irréprochable. C’est aussi une artiste très queb sans être trop boîte à bois, qu’on peut écouter intergénérationnellement (c’est-tu un mot?) sans problèmes. Elle n’a peut-être pas eu son moment encore, mais elle mérite un billet de saison au spectacle de la Saint-Jean
37) Pierre Lapointe
Voilà un autre original qui a tout cassé la décennie dernière et qui s’est fait plus discret qu’il ne l’aurait dû depuis. Un point faible pour Pierre Lapointe dans ce palmarès, même si sa musique n’est pas très queb. Ceux et celles qui ne sont pas familiers avec ses chansons pourraient facilement le confondre avec un chanteur français. J’ai l’impression que Pierre Lapointe pense plus large que le Québec. Que c’est pas si important que ça pour lui d’être un pilier juste ici.
36) Loco Locass
On ne se mentira pas, Biz ne vieillit pas super bien. Sébastien Ricard a aussi plus ou moins disparu depuis Dédé : À travers les brumes. Ceci dit, le groupe a eu son moment culturel avec Libérez-nous des libéraux au tournant du millénaire. Le trio n’a jamais pu reproduire cet éclair de magie, mais nous aura quand même laissé avec plusieurs morceaux sous-estimés (et extra queb) comme Art Poétik, Bonzaïon et M’Accrocher?
35) Loud
Malgré son dernier album secrètement intitulé Criss que ça me tente pu de faire du rap, Loud a toujours été une coche au-dessus des autres, lorsqu’il était inspiré. Une année record est peut-être le meilleur album rap dans l’histoire de la francophonie, avec peut-être 514-50 dans mon réseau de Sans Pression. Un parolier intouchable et beaucoup plus queb que ses congénères, Loud aura conquis deux générations plutôt qu’une. C’est pas clair, ce qu’il nous réserve pour le futur, mais comme c’est un artiste mystérieux et original, c’est difficile de se foutre de lui.
34) Karkwa
Musicalement, je n’y vois aucun intérêt (je m’excuse, Louis-Jean). Je comprends cependant qu’il s’agisse d’un groupe qui a modernisé et surtout déniaisé l’identité musicale québécoise. Je les aurais classé comme le produit d’une époque s’ils n’étaient pas tout récemment revenus à la charge avec un nouvel album. Ils n’ont peut-être pas fini de contribuer à notre belle culture, après tout. Peut-être qu’un jour, je vais comprendre.
33) Les BB
À la base un boys band un peu en retard sur leur époque, Les BB sont devenus un véritable phénomène culturel avec l’apport des années et de la nostalgie. Avec raison, d’ailleurs, car leur trop court répertoire est rempli de bangers contagieux : Fais attention, T’es dans la lune, Snob, Donne-moi ma chance, Seul au combat (quel vidéo clip!) et j’en passe! Les BB représentent tout ce qu’il y a de beau à propos de la pop accrocheuse et pas trop intello.
RIP Patrick Bourgeois et François Jean. Vous serez toujours des darlings de 20 ans dans nos cœurs.
32) Les Soeurs Boulay
Mélanie et Stéphanie ont pris le Québec d’assaut il y a quelques années avec leur folk qui maîtrise parfaitement l’art d’être queb sans jamais sentir le fond de boîte à bois. Pour avoir écouté leurs albums maintes fois sans vraiment le vouloir (c’est ma blonde qui décide de la musique dans l’auto), la qualité et la puissante identité de leurs chansons m’ont toujours épaté. Les Soeurs Boulay ne font pas dans le filler. On apprend vite à chanter chaque toune.
31) Dan Bigras
Je sais que j’ai beaucoup chié sur Dan récemment pour ses reprises maladroites, mais j’ai aucun problème avec le gars lorsqu’il chante ses propres chansons. C’est un parolier hors pair (queb ++ dans un régistre très Hochelag’) et pas assez apprécié. Musicalement, il n’a jamais été le plus dynamique, mais il aura quand même laissé des chansons comme Y’a plus d’anges dans le ciel, J’ai inventé le désespoir, Un homme ça pleure aussi et Si le silence, sur la bande originale de son documentaire Le Ring Intérieur.
Et Tue-moi là-dedans? C’est une reprise du chanteur français Franck Langoff. C’en était une excellente reprise, ça. T’es cool Dan, t’as le droit de dire non aux mauvaises idées de reprises.
30) Les Louanges
Parlant de déniaiser le Québec. Celui qu’on surnomme affectueusement Loulou est pas mal devenu la présence musicale qu’on aurait cru qu’Hubert Lenoir deviendrait. Pas full dans mon régistre musical, mais je respecte énormément le travail et la passion que Vincent Roberge met dans son art. Ça fait aussi du bien d’avoir un artiste qui ne se roule pas dans la mélancolie du terroir deux secondes et qui n’en souffre pas commercialement.
29) Les Trois Accords
Au Québec, on a toujours aimé les plaisirs simples. Le rock dadaïste des Trois Accords n’est peut-être pas le truc le plus intellectuel qui soit, mais Simon et les gars ont raffiné l’art d’écrire des refrains accrocheurs qui restent dans la tête, pour le meilleur ou pour le pire. Juste là, je vais vous chanter « Quand je vois des des nuaaaages, je pense à ton nooom » et vous allez marmonner Loin d’ici toute la journée. C’est un art d’écrire, ça.
De plus, Les Trois Accords sont un compromis très démocratique autour d’un feu de la Saint-Jean. Tout le monde connaît les paroles.
28) Noir Silence
L’héritage musical de Noir Silence tient, somme toute, à une seule chanson, MAIS QUELLE CHANSON. On jase de toi a été un véritable phénomène culturel pendant plus d’une décennie. Les plus jeunes générations se sentent moins concernées, mais aucune autre toune n’aura capturé l’essence de la dynamique familiale des années 90 comme celle-ci. On jase de toi vivra d’ailleurs éternellement par l’entremise des karaokés.
Oui, il y a aussi eu Made in USA, Malade et Rack à Bécyk, mais on s’entend que Noir Silence serait un souvenir aussi distant que Lesbiennes d’Acid .s’ils n’avaient pas écrit On jase de toi.
Shout out aux Lesbiennes d’Acid. Les impénétrables, ça slape.
27) Plume Latraverse
En voilà un que le temps et les générations ont affecté. Autrefois un incontournable de la Saint-Jean, Plume est devenu un plaisir niche au fil des années. Il faut dire aussi que ses textes ont pas vraiment bien vieilli culturellement. Des chansons comme Jonquière, Rideau, Bobépine et El Nino ont quand même réussi à survivre à l’épreuve du temps et à connecter le passé avec le futur. C’est pas rien, ça.
Plume, c’est comme le fantôme d’une Saint-Jean passée.
26) Éric Lapointe
Bon, je sais que Ti-Cuir a été reconnu coupable de violence conjugale. Ça lui a coûté plusieurs places sur ce palmarès aussi, parce que je crois qu’il aurait été culturellement plus apprécié, sinon. Pas que ça l’excuse, mais je tiens à mentionner qu’il a dit publiquement : « Je l’ai fait pis je le regrette», ce qui le place au-dessus de bien des personnalités cancellées en termes de responsabilité personnelle.
Même si ça fait longtemps qu’il n’a pas enregistré une bonne toune, Éric Lapointe nous aura quand même donné Invitez les Vautours, un album qui aura marqué des milliers d’adolescences, dont la mienne. Laisse-moi seul, D’l’amour, j’en veux pu, Deux fois la même histoire, N’importe quoi, 1500 miles, le gars avait un don pour les chansons d’amour. Du moins, à une époque.
25) Kevin Parent
Nonobstant le grainage de verres, l’influence de Kevin Parent sur la culture québécoise est indéniable. Incarnant parfaitement le Québécois né pour un petit pain, il aura conquis une génération entière avec des chansons à caractère très boîte à bois, néanmoins uniques et accrocheuses, comme Boomerang, Seigneur, Fréquenter l’oubli et Nomade sédentaire. Oui, c’était un peu la gloire d’un seul album, mais QUEL ALBUM.
24) Charlotte Cardin
Bon. C’est certain que Charlotte chante PRINCIPALEMENT en anglais (ce qui lui coûte plusieurs points de québécitude), mais elle est vite devenue l’une de nos plus belles exportations après Céline Dion, Georges Saint-Pierre et le sirop d’érable. Elle est encore au début de sa carrière et n’a pas encore conquis le marché américain, mais avec son oreille musicale et sa voix transcendante, j’y crois.
Il s’agit d’une autre artiste qui joue beaucoup dans la voiture et hot take: je la trouve plus intéressante à écouter que Taylor Swift (l’autre artiste qui joue énormément dans le char).
23) Lynda Lemay
Une autre artiste pas du tout dans mon régistre, mais dont les textes ont non seulement leur place dans l’histoire du Québec, mais aussi une énorme influence. Est-ce que quelqu’un a déjà mieux chanté le quotidien québécois qu’elle? Est-ce qu’il y aurait eu les Soeurs Boulay sans Lynda Lemay? Je n’en suis pas si certain. Une artiste importante, peu importe ce qu’on en pense.
22) Richard Desjardins
J’ai l’impression que Richard Desjardins est un artiste qu’on aime en théorie plus qu’en pratique. Il est souvent nommé (avec raison) parmi les meilleurs paroliers de la province, mais personne ne tripe réellement sur sa musique. Il a pourtant d’énormes chansons divines à chanter à la Saint-Jean, dont l’immortelle Tu m’aimes-tu, Le bon gars et ma préférée …Et j’ai couché dans mon char.
Aussi, on fait difficilement plus queb que Richard Desjardins.
21) Michel Pagliaro
Vous l’attendiez peut-être plus bas, mais je suis ici pour vous dire : Michel Pagliaro est sous-estimé. Il est surtout connu pour la titanesque J’entends frapper qui n’a pas vieilli d’un poil depuis 1972, mais il est aussi responsable pour toute une série de bangers comme Dangereux, Les Bombes et l’immense hymne kraut rock/post-punk Travailler. J’ai l’impression que son imaginaire rock et le fait qu’il ait fait une partie de sa carrière en anglais ont joué contre lui dans le souvenir collectif.
Au Québec, on aime ça, le monde qui parle de la vraie vie. Ça nous touche! Les rockeurs cool aux lunettes fumées, on aime moins.
20) Paul Piché
… un poil overrated? Ça fait peut-être mal à entendre. Paul Piché est un monument de la chanson québécoise après tout, mais est-ce que ça se peut qu’on ne l’aime qu’en proportion à sa contribution musicale? C’est le fun, Heureux d’un printemps, mais juste une fois par année. Mes beaux-parents adorent sa chanson L’Escalier alors ils seraient très offusqués de lire mon opinion sur la question (allo Guylaine!), mais je classe Paul Piché parmi ces artistes qui sont faits pour les gens qui savent chanter.
Toute ma belle-famille chante super bien, mais pas moi!
19) Dumas
En voilà un qui a vraiment capturé l’essence de ce qu’être une jeune personne québécoise au tournant du millénnaire signifie. La musique de Dumas était un vent de fraîcheur à une époque où le Québec sentait encore très fort le fond de boîte à bois. La relation entre Dumas et le Québec s’est complexifiée par la suite, mais on a toujours vu en lui un rockeur contemporain aux idées différentes et novatrices.
Pas le plus Queb des Quebs musicalement, mais un gars qui s’appelle Steve ne pourra jamais vraiment se sauver de ses origines.
18) Cœur de Pirate
Une artiste qui divise un peu les générations, mais la force de ses compositions et le caractère si particulier de sa voix auront créé pour elle un héritage indéniable. En terme de pop pure, c’est peut-être l’artiste avec la meilleure oreille pour des mélodies accrocheuses qui fait de la musique présentement. Elle ne l’a pas toujours été, mais ce qui est magnifique avec Cœur de Pirate, c’est qu’elle s’améliore d’album en album.
En plus, elle participe maintenant au développement de la musique d’ici à travers son étiquette de disques Bravo Musique.
17) Diane Dufresne
La première diva officielle du Québec était du type à jouer aux échecs pendant que les autres jouaient aux dames. Originale, farouche et en avance sur son temps, le seul bémol sur sa carrière, c’est qu’elle n’écrivait pas ses chansons et que certains de ses textes ont aussi mal vieilli. Sinon, son passage dans la musique québécoise aura permi à un nombre inouï de jeunes artistes d’être elles-mêmes et d’essayer de nouvelles choses.
Comme l’artiste mentionnée au #18, par exemple.
16) Harmonium
C’est sûr qu’Harmonium, c’était une époque. S’ils faisaient encore de la musique aujourd’hui, tout le monde s’en crisserait. Leurs chansons ont cependant extrêmement bien vieilli. Tout comme pour l’héritage de Boule Noire, les succès d’Harmonium sont propices à être chanté en chœur avec ses parents et ses grands-parents. Le pouvoir d’un gros refrain ne connaît ni le temps ni l’oubli. Même moi, je suis capable de les chanter et je me crisse d’Harmonium.
15) Lydia Képinski
Hottest of takes : Lydia Képinski est l’artiste la plus intéressante de sa génération et c’est même pas proche (pour moi, en tout cas). Aussi polyvalente qu’imprévisible, elle peut donner dans le rock dissonant comme dans la musique dansante ou même faire des reprises de Sir Pathétik au spectacle de la Saint-Jean. Ses textes et ses interprétations ont toujours une vive charge émotionnelle et une sophistication qu’on voit peu souvent au Québec
J’ai l’impression qu’on ne l’aime pas assez parce qu’elle n’est pas toute douce et souriante, mais justement, c’est ça qui est intéressant chez elle. L’avenir lui appartient.
14) Ariane Moffat
Elle fait partie de ceux et celles qui ont déniaisé le Québec au XXIe siècle avec sa musique électronique, parfois même expérimentale, et ses textes toujours irréprochables. Elle semble n’en avoir que faire de son héritage culturel et juste faire de la musique pour les bonnes raisons (parce que ça lui tente), mais toute cette jeune génération de musiciens électroniques ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si Ariane ne nous avait pas sortis de la boîte à bois.
13) La Chicane
Le Québec a une drôle de relation avec La Chicane, en 2023. Perçus comme fondamentalement quétaines par la plupart d’entre nous, ça ne nous empêche pas de chanter très fort et avec passion les refrains de Calvaire, Tu m’manques et Juste pour voir le monde chaque fois qu’ils passent à la radio ou dans un commercial de beurre de pinottes. Il y a un charme ancestral dans le joual inspiré de Boom Desjardins.
En termes de musique de boîte à bois, c’est pas mal le plus gros band québécois.
12) Robert Charlebois
Il y a trente ans de cela, il aurait probablement trôné au sommet de cette liste. En 1990, il n’y avait pas plus queb que d’aller voir Robert Charlebois chanter Lindberg sur les plaines, à la Saint-Jean. Sauf qu’il y a eu des gens encore plus talentueux que lui qui sont depuis venus créer des moments plus mémorables encore. Il a ouvert les portes à toute une génération de jeunes rockeurs, mais plusieurs l’ont doublé.
11) Ginette Reno
Au Québec, c’est criminel de parler contre Ginette. Ceci dit, elle est l’une de ces chanteuses à voix que les gens ne viennent pas nécessairement écouter pour ses textes ou sa musicalité. C’est pour ça que je l’écoute juste quand les Canadiens sont en série ou lorsque je vais chez le dentiste. Elle est l’une des plus grandes diva québécoise, mais à mon avis, elle rate tout juste le podium.
Mon Dieu, les gens vont saccager Sainte-Catherine après avoir lu ça.
10) Laurence Jalbert
En voilà une qu’on aime, mais peut-être pas assez. À mon humble avis, elle a une petite longueur d’avance sur Ginette côté interprétation (plus de caractère et d’émotion) et ses projets musicaux sont, ma foi, beaucoup plus intéressants. Elle est l’une des voix les plus iconiques du Québec. On la reconnaît en quelques secondes seulement. Elle n’a pas un énorme répertoire de succès, mais on les connaît tous par cœur.
9) Richard Séguin
Au Québec, on aime les gentils garçons. Les p’tits rockeurs au nez en l’air peuvent bien plaire à nos voisins du Sud, ici, les bons gars triomphent. L’impact culturel de Richard Séguin sur la province en est la preuve. Le bon Richard sent un peu la boîte à bois, mais ses textes et chansons ont quand même une très forte identité et un caractère consensuel indéniable. Je vais accepter 100 fois d’écouter du Richard Séguin avant d’écouter du Paul Piché.
Séguin abordait des thèmes plus difficiles et moins bucoliques que ses contemporains aussi, comme la pauvreté et le sentiment d’abandon.
8) Marjo
N’en déplaise à l’Église des fidèles de Ginette, Marjo est la plus queb des chanteuses quebs de tous les temps. À l’époque une machine à hits, elle trône encore aujourd’hui sur les karaokés de la province avec Les chats sauvages, Je sais je sais, Y’a des matins et l’immortelle Provocante. Les textes et la présence médiatique de Marjo ont eu (et ont toujours) un je-ne-sais-quoi qui parle au peuple.
7) Jean Leloup
Le plus grand électron libre de l’histoire culturelle du Québec. Je suis obsessivement fan depuis que j’ai reçu la cassette de L’amour est sans pitié au Noël de mes neuf ans. Le gars est un parolier de génie, ses compositions sont contagieuses et bon… c’est peut-être plus un Montréalais dans l’âme et un citoyen du monde qu’un Queb pur laine, mais il aura beaucoup fait progresser le Québec musicalement.
On ne sait pas trop ce qu’il fait par les temps qui courent, mais il existe encore. Je l’ai vu marcher sur Rachel, ce printemps.
6) Offenbach
On ne fait pas plus queb de la vieille école que Gerry Boulet et les gars d’Offenbach. Leur musique touchait (et touche encore aujourd’hui) quelque chose dans l’âme québécoise qui donne le goût de chanter à tue-tête. J’irais même jusqu ’à dire qu’ils sont fondamentaux à l’identité musicale québécoise. Gerry aura aussi connu beaucoup de succès en solo et rendra tristement l’âme en 1990 avant de faire un mauvais album.
Ce classement est donc cumulatif pour Offenbach + Gerry.
5) Beau Dommage
Ce groupe est une véritable machine à produire des succès. On a tendance à ne pas trop réfléchir à leur héritage parce qu’ils sont gentils et inoffensifs, mais tous les Québécois dans une pièce se mettent à chanter lorsqu’une de leur chanson joue à la radio ou sur le système de son. Beau Dommage est aussi l’un des rares groupes à avoir connu du succès à deux époques complètement différentes.
C’est l’un des rares groupes qui peut produire un album de grands succès dont même les gens qui s’en foutent vont connaître toutes les chansons. La vraie immortalité culturelle, c’est ça.
4) Céline Dion
La seule raison pour laquelle Céliiiine n’est pas au sommet de ce palmarès, c’est parce que son héritage n’est pas fuuull queb. Elle a œuvré en anglais une bonne partie de sa carrière et a beaucoup travaillé avec le compositeur français Jean-Jacques Goldman. Le reste de son œuvre parle pour elle. Elle est, de loin, notre plus belle exportation internationale et ses chansons francophones sont au temple de la renommée des classiques de karaoké de la province.
Elle était trop bonne pour juste faire carrière ici.
3) Daniel Bélanger
Le meilleur parolier de l’histoire du Québec? Un musicien avant-gardiste et imprévisible? Quelles fleurs n’a-t-on pas déjà lancées à Daniel Bélanger? Le gars trône au-dessus de la mêlée et avec raison. C’est vraiment la qualité fantaisiste et la sophistication de ses textes qui ont fait sa renommée. Qui n’a jamais senti son cœur vibrer en écoutant Les deux printemps? Qui n’a jamais fait de sourire coquin en écoutant Le parapluie?
Les chanteurs à texte, c’est normalement pas mon bail, mais je fais une exception pour Daniel Bélanger. Le gars est bon à ce point-là.
2) Les Cowboys Fringants
L’un des deux grands groupes rassembleurs de l’histoire contemporaine du Québec. Ce qui est vraiment bien avec les Cowboys, c’est qu’il s’agit d’un travail d’équipe. Toutes les pièces sont importantes : les interprétations passionnées de Karl Tremblay, l’écriture profonde et éblouissante de Jean-François Pauzé (si tu lis ça JF, faut qu’on se parle de Plus Rien d’ici 2024), les éléments quebs qu’apporte Marie-Annick. Jérome, je sais pas ce que tu fais, mais j’t’apprécie aussi.
J’ai jamais vraiment pu me consacrer aux Cowboys Fringants parce que j’étais encore en deuil des Colocs à l’époque de Break Syndical, mais tsé. J’écoute L’Amérique Pleure en écrivant ce texte et j’ai des frissons. Un grand groupe. Plus engagé et féroce que Beau Dommage ou Offenbach. Ils sont déjà immortels dans la culture québécoise, mais j’ai l’impression qu’on pourrait les aimer encore plus.
1) Les Colocs
Mon amour pour la musique des Colocs est déjà bien documenté sur les pages d’URBANIA. André Fortin, c’était le Québécois idéal : engagé, festif, hyperactif, mélancolique, fier, créatif et ça paraissait dans sa musique. Elle était à la fois extrêmement personnelle et universelle, car tout le monde s’y identifiait à sa propre façon. C’est ce qui arrive quand ta musique fait partie de la vie des gens. François Legault devrait donner une copie de Dehors Novembre à tous les dignitaires en visite avec une canne de sirop et des billets pour les Canadiens.
Bien sûr, les Colocs n’ont que 42 chansons à leur catalogue (dont environ 20 hits). Ils n’auront pas eu le temps de faire beaucoup d’erreurs. On dit souvent qu’un groupe est aussi bon que son dernier album et Dehors Novembre est un chef d’œuvre. C’est quand même un exploit culturel qui n’a jamais été répété depuis.