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Le grand classement des chansons de l’album de Jean Leloup « Le Dôme », de la pire à la meilleure
À mon école secondaire, une personne sur deux possédait l’album de Jean Leloup Le Dôme. Une personne sur deux possédait aussi 514-50 dans mon réseau de Sans Pression et L’école du micro d’argent, du groupe français IAM. Plus de 500 000 Québécois auraient acheté l’album éponyme de Stef Carse, mais je n’en connais malheureusement aucun.
Tout le monde aimait Jean Leloup. Tout le monde aime encore Jean Leloup, mais il n’a jamais été aussi célèbre et adulé qu’à l’époque du Dôme, un album absolument incontournable. Même ceux et celles qui n’en possédaient pas de copies en connaissaient les chansons à moitié par cœur parce qu’elles jouaient constamment à la radio. I lost my baby, Johnny Go, Le monde est à pleurer. Si vous l’avez vécu, vous vous en rappelez encore et vous marmonnez les paroles d’une des trois chansons en ce moment même.
C’était ça, Le Dôme. On pouvait se prétendre au-dessus (Dieu sait que j’ai eu mes époques), mais on ne pouvait jamais vraiment l’être. C’était un OVNI qui transcendait les goûts et les classes. Vingt-six ans après sa parution, l’heure est au bilan. Lesquelles de ses chansons ont le mieux vieilli? Comment peut-on classer objectivement les quatorze perles de cet immortel bijou?
Pour ce faire, j’ai utilisé trois critères :
Qualité des textes : Jean Leloup se démarque par son émotion et son originalité, mais aussi par sa capacité à faire vivre ces variables dans son inimitable univers psychédélique.
Identité : Est-ce que c’est facile de reconnaître la chanson en ligne pour un café chez Tim Horton’s après un shift de douze heures? Une toune iconique, c’est une toune qui évoque immédiatement des sentiments très précis.
Immortalité : Est-ce que ça frappe aussi fort aujourd’hui qu’à l’époque? Plus? Moins? Les vrais classiques ne se démodent jamais. C’est pour ça qu’on chante encore La tribu de Dana au karaoké, aujourd’hui.
Sans plus tarder, voici le grand classement des chansons de l’album de Jean Leloup, Le Dôme, de la pire à la meilleure.
14 – Edgar
Pas une mauvaise chanson à proprement parler, mais Edgar est anormalement convenue. Le p’tit toudoudoudooou toudoudoudoudooou dans le refrain vient aussi à gosser vite. C’est quoi aussi l’idée d’écrire une toune sur l’alcoolisme d’un écrivain du XIXe siècle? Leloup, c’est pas un écrivain de tounes de boisson. Du moins, pas intentionnellement. Il y a des tounes sur Le Dôme qui donnent plus le goût de boire qu’Edgar.
13 – Le monde est à pleurer
Soyez honnête, là. Même si elle a joué à la radio pendant plus d’une décennie, ferait-elle même votre playlist de Jean Leloup? Encore une fois, c’est bien écrit et interprété proprement, mais ça reste une toune de chialage un peu vague contre un peu tout et rien. La mélodie ne nourrit pas vraiment l’indignation non plus. La plus belle chose que je puisse dire à propos de Le monde est à pleurer, c’est qu’elle existe. Tout simplement.
12 – Le castel impossible
Une chanson beaucoup plus intéressante musicalement que lyriquement. Leloup y raconte une histoire vaguement allégorique à propos d’une maison sans queue ni tête qui (je crois) représente son historique familial. Le groove de guitare et les inflexions vocales imprévisibles sont les cartes de visite du Castel Impossible qui (je crois) aurait été aussi bon sans parole…. même si c’est un peu longuet et jammy par bout.
11 – Pigeon
Le problème avec Pigeon, c’est pas tellement la chanson en tant que telle. C’est qu’elle a mal vieilli. Visiblement influencée par la vague trip-hop qui déferlait sur la musique à l’époque, Pigeon est originale, déjantée et purement Leloup, mais elle sonne aussi un peu comme la bande sonore d’un film avec Vincent Cassel en 2002. C’est aussi très délirant et psychédélique. Pas que ce soit une mauvaise chose, mais c’est un trip moins universel.
10 – Fashion Victim
Côté qualité lyrique, Fashion Victim est irréprochable. Le texte est magnifique, mais…. je sais pas exactement, c’est à propos de quoi? Musicalement parlant, on a ici un autre morceau psychédélique. C’est quelque chose que j’aime personnellement, mais c’est un peu dur à chanter. Plusieurs enthousiastes de Leloup adorent Fashion Victim, mais personne ne l’a jamais eue dans la tête. C’est une meilleure toune à écouter gelé qu’à jeun.
9 – La drop sociale
La plus longue chanson sur Le Dôme. Un autre long jam aux accents reggae et au refrain obsessif : « Il est 1h à Montréal et je suis sur le bien-être social ». C’est pas la chanson de Leloup la plus « Leloup », mais on doit quand même applaudir l’audace d’avoir écrit une chanson sur le plus gros tabou au Québec : l’argent. Si Richard Martineau avait entendu La drop sociale à l’époque, il aurait fait exploser sa grosse veine du cou d’indignation.
8 – Vampire
On entre ici dans un registre plus sophistiqué. À partir de Vampire, les chansons du Dôme deviennent de plus en plus mémorables, du moins musicalement parlant. Composition post-grunge visiblement inspirée par le groupe américain Garbage, Vampire vit et meurt par son gros riff de guitare distordu et son refrain grinçant prononcé dans la langue de Shakespeare. Une chanson de noctambules par excellence.
7 – Sara
Une autre chanson de Leloup anormalement lourde. À mi-chemin entre le grunge et le shoegaze, Sara frappe fort. Chanson à portée sociale à propos de l’épidémie de sida dans les années 90, elle est interprétée avec émotion et énergie par un Leloup visiblement inspiré. « Saraaaaa, dis-moi pourquoi est-ce que tu te piqueeeees. Est-ce que ce s’rait à cause de mooooooi? » Vous la skippiez peut-être sur l’album à l’époque, mais s’il y a une chanson de Leloup facile à aimer malgré le propos anachronique, c’est bien Sara.
6 – I lost my baby
En toute transparence, j’ai une relation d’amour-haine avec I lost my baby. Principalement parce qu’il y avait toujours un intéressant pour l’interpréter dans les partys et que ça me renvoyait inévitablement au fait que je n’avais aucun talent pour me permettre d’attirer l’attention des filles en situation sociale. Du moins, dans un contexte positif. Néanmoins, j’ai fait la paix aujourd’hui avec le fait que c’est une crisse de bonne toune.
5 – Le dôme
La chanson titre du Dôme, c’est le Hey Jude du Québec. Le slow long et paisible sur lequel il fait bon danser avec son kick. Bon, j’ai jamais dansé avec une fille sur Hey Jude ou Le Dôme et j’ai dansé mon premier slow à genre, 24 ans (Dance Me to the End Love de Leonard Cohen, pas mal non plus), mais je l’ai souhaité souvent bon, ok là? Voyons, c’est donc déprimant ce grand classement-là!
4 – Faire des enfants
Un de mes textes préférés de Leloup. Une chanson principalement à texte dans la tradition folk, mais guidée par un petit riff de guitare bluesy pas piqué des vers. Faire des enfants est une célébration assumée des talents de raconteur de Leloup et on se perd vite dans le récit folklorique extrêmement typique de l’auteur-compositeur-interprète. Un peu comme Belzébuth des Colocs, c’est une tâche à écouter, mais c’est également sexy et hypnotique.
3 – La chambre
Quand je parlais de meilleures chansons de boisson qu’Edgar, c’est de celle-ci que je voulais parler. À la fois une complainte à propos de la pauvreté extrême et une allégorie poignante sur le suicide, La Chambre est rythmée par un refrain simple, mais ô combien contagieux. Une colère sourde et une tristesse assumée traversent la chanson, mais elle fait beaucoup, beaucoup de bien lorsqu’on la chante à pleins poumons.
2 – Johnny Go
Une chanson qui polarise les fans de Jean Leloup. Soit on aime, soit on déteste. Pour avoir connu une vraie de vraie rupture dans ma vie (allô Maude!), je n’ai jamais écouté une autre chanson qui traduit aussi bien cet étrange et aliénant sentiment de liberté radicale qui s’ensuit. Il n’y a tellement rien devant nous que ça nous paralyse. La ligne « Tu me manqueras, mais moi, je repars survivre ailleurs » me coupe les jambes encore aujourd’hui.
1 – Sang d’encre
Choix convenu, peut-être… mais un choix qui s’impose quand même. Dès les premières notes de Sang d’encre, on sait de quelle chanson il s’agit et comment se sentir. Le texte de Leloup est rempli d’inquiétude et d’une bienveillance qui transfigure son imagerie fantaisiste. C’est non seulement une chanson à laquelle je m’identifie (le gars qui a peur pour les autres), mais une à laquelle on peut tous s’identifier.