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À quel point le Belize ce n’est pas « bof »
Avec les chroniques d’un (pas si vieux) « camper van », Mélanie Leblanc vous emmène sur la route, la vraie. Des chemins sans filtre Instagram, pas toujours glam, souvent bordéliques, mais ô combien divertissants. À bord de John Mel & Camper, son truck de 21 ans (pas de rouille, pas de trou), c’est un départ vers la liberté… et le chaos.
Si j’avais écouté l’avis des autres vaners, je ne crois pas qu’on aurait posé les roues au Belize. Le commentaire qui revenait le plus souvent? Le Belize c’est « bof ». J’ai toujours refusé d’y croire. Comment un pays peuplé par des descendants d’esclaves africains et des descendants mayas, où la langue officielle est l’anglais (en pleine Amérique centrale) avec des accents espagnols peut être « bof »? Comment un pays aux contrées sauvages, aucunement envahi par des géants étatsuniens (ne cherchez pas de McDo ou de Starbucks, vous n’en trouverez pas!) peut être « bof »?
Nous sommes rentrés au Belize via l’unique douane guatémaltèque. Visiblement, cette route est rarement empruntée par des vaners. La plupart des gens rencontrés rentrent par le Mexique et ressortent du Belize pour rejoindre le Guatemala. Déjà aux douanes, on est accueillis dans une vibe un peu nonchalante, un peu bohème et avec ce sens de l’humour qu’il faut apprendre à décoder. Le douanier a étudié à la même école que tous les douaniers du monde : il est bête, il ne se souvient pas comment faire le permis d’importation du véhicule et il nous crie dessus. Joli joli petit mardi matin. Mes ongles rentrent littéralement dans mes paumes tellement j’ai les poings serrés, mais je souris et il n’y voit que du feu.
« Elle ne voudra jamais te marier avec le nom de famille que tu as, tu peux oublier ça tout de suite, mon gars. »
« Qui va conduire? », demande-t-il. Antoine. Il prend le passeport d’Antoine, remarque que son nom de famille est composé, le referme. Me regarde, ouvre mon passeport : « Tu vas conduire, ton nom est simple, ça ne me tente pas de faire le permis à son nom ». Ok, mais il arrive quoi si on fait un accident et qu’Antoine conduit? « Ça n’arrivera pas parce qu’il n’a pas le droit de conduire, TU vas conduire. » Il nous demande si on est mariés, on répond « non ». Il regarde Antoine: « Ça n’arrivera pas . Elle ne voudra jamais te marier avec le nom de famille que tu as, tu peux oublier ça tout de suite, mon gars. » Mes jointures sont bleues, mais on rit de sa délicieuse blague. Si c’en est une.
Et on finit par rentrer. Antoine se met derrière le volant, volant que je ne toucherai pas une minute durant les 10 jours qu’on sera au Belize. Kin toé.
Le pays ne comporte qu’une seule route principale, qui le parcourt d’un bout à l’autre. On peut traverser le Belize en une journée. Les paysages changent du tout au tout, plus on avance. Certains moments, on jurerait être en Mauricie, quand les bananiers laissent place à une forêt de pins. D’autres vallons nous font croire qu’on roule dans Lanaudière ou en Estrie. Fascinant Belize (à dire avec la voix de Charles Tisseyre). Avec son ambiance très insulaire, très chill et ses dreadlocks partout, on a aussi l’impression d’être en Jamaïque. Ya man.
Je sais que je l’ai dit au sujet du Guatemala, mais ici aussi, faut être faits forts. Quand on sort de l’unique autoroute, on a l’impression qu’on va tuer le truck. Le bel asphalte se transforme en « tôle ondulée » et le truck, lui, se transforme en marteau piqueur. On peut rouler dans la jungle durant des heures sans croiser personne. Il y a une part d’excitation qui te donne l’impression de défricher le pays, d’être la première van à y rouler et les premiers à trouver LE spot où on dort.
Mais il y a aussi une part de stress qui te donne l’impression que tu vas mourir au milieu de la jungle, engloutie par un puma parce que ton truck aura rendu l’âme et que tu seras morte le téléphone à la main, en train de chasser le réseau cellulaire, réseau que tu ne trouveras jamais. Part of the adventure, adventure qui pourrait coûter très cher si le camion lâche. Ce qu’il ne fait pas. Brave bête. Bonne bête.
On se faire accroire qu’on est des explorateurs, on se croit et on trippe.
On finit par arriver chez Neil, un British qui a décidé de bâtir un oasis de bonheur au beau milieu d’une réserve naturelle. Manque de chance, on a manqué le puma. Ils l’ont capturé la veille et l’ont envoyé dans un lieu protégé. Il nous explique comment se rendre à la cascade la plus proche. Vingt petites minutes à marcher dans la jungle asséchée et BOUM, la chute. Le rêve. On se faire accroire qu’on est des explorateurs, on se croit et on trippe. La cascade et ses remous naturels rendraient jaloux n’importe quel spa nordique. On patauge, on est bien, on gratitude la vie, maudit qu’on gratitude (petit clin d’oeil au voyageur de type voyageur-par-procuration-qui-s’approprie).
Je me penche pour ramasser une brindille sur mon ventre et la brindille se met à bouger. C’est noir, long comme un grain de riz, mais avec la consistance d’un vermicelle. Panique pas, Mel. Panique pas. FUUUUUUUCKKKKKKKKKK. Je panique. J’en ai dans les cheveux, le dos, les fesses, Antoine aussi en est couvert. Deux secondes et on devient des singes tout nus dans la cascade qui se dépouillent. « J’en ai trouvé un autre sur ta nuque, attends, t’en as un sur l’oreille. » « Ok, c’est bon. On les a tous enlevés. Merde non, t’en as un dans le front ». Une heure à s’inspecter tous les centimètres carrés de peau. Comment on fait pour savoir qu’on vient de trouver le dernier? Se sont-ils infiltrés dans un quelconque orifice? Ça ferait des bonnes anecdotes médicales!
On remet nos maillots (après inspection) et on revient au camion jouer une game de cartes, c’est moins risqué!
Le lendemain, on reprend un autre chemin de brousse qui nous mène à ça :
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Pas « bof » pantoute la cascade, non?
Je me souviendrai toujours de Big Rock Fall. La meilleure baignade de ma vie. L’eau est limpide, pas de brindilles vivantes qui nous envahissent, c’est indescriptible comme sentiment.
Et on est SEULS, avec notre pique-nique et la piscine naturelle pendant presque toute la journée. Un bus de 25 personnes débarque un peu plus tard, c’est notre cue. Bye bye, Big Rock Falls. Je te garde une place bien ancrée dans mon coeur, juste à côté de Renaldo.