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4 affaires gossantes qui n’arrivent qu’aux personnes racisées

Ce qu'on aimerait bien ne plus devoir expliquer.

Par
Pierre-Luc Racine
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Je ne suis pas celui qui crie au racisme à la première occasion. La société dans laquelle nous évoluons est raciste, et c’est dû à des mécanismes latents qui perdurent depuis plusieurs années.

Heureusement, la situation change pour le mieux. Il restera toujours de gros épais, mais en général, je vois plus de maladresse que d’autres choses.

En tant que personne ayant vu le jour en Colombie, je peux témoigner de 4 petites affaires gossantes qui n’arrivent qu’aux personnes racisées :

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« T’es un quoi? »

Lorsqu’on se fait questionner sur nos origines, nos interlocuteurs sont généralement sincèrement intrigués. Mais souvent, la question n’est pas claire. Si vous voulez savoir quelles sont nos origines, demandez simplement « Quelles sont tes origines? ».

Y’en a pas de malaise… à moins que vous, vous soyez mal à l’aise. Parce que l’interrogation « T’es un quoi? » est tellement vague. Je suis un humain… je suppose? Sinon je suis un Canadien? Je suis un Québécois? Je suis un Montréalais?

Je me souviens, lorsque j’en étais à mes premières armes en humour, d’avoir participé à un show où il y avait 5 fans d’origines asiatiques en première rangée. La personne sur la scène, un dude blanc, a décidé de questionner un des gars assis confortablement :

Animateur : Hey toi, qu’est-ce que t’es?

Gars : Hein?

Animateur : Ben d’oussé que tu viens?

Gars : De Montréal?

Animateur : Non, avant.

Gars : Brossard?

Animateur : Non, mais avant ça.

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Gars : Je suis né à l’hôpital Charles-Lemoyne de Greenfield Park?

Animateur : Non, mais tes parents eux ils viennent d’où?

Gars : Du Vietnam.

Animateur : Ah… Ok… *partant sur un autre sujet* Non, mais avez-vous remarqué comment c’est weird les pommes?

La bonne nouvelle là-dedans, c’est que cet apprenti humoriste a déposé son micro et ne provoque plus de malaises de public. Du moins, plus sur scène.

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Se faire obstiner sur ses racines

Lorsqu’on parle de nos arbres généalogiques, des discussions intéressantes en découlent souvent. Les gens nous demandent si on visite souvent notre pays, si on a de la famille là-bas encore, si on parle la langue du pays et autres questions auxquelles on aime toujours répondre.

Mais de temps à autre, on croise une personne tellement sceptique qu’elle se met à argumenter avec nous sur la véracité de nos propos!

Pour ma part, j’ai un visage assez versatile. Mystique dans les X-Men peut changer de forme et moi, dépendamment de mon bronzage du moment, de ma coiffure et de ma barbe, je sais que je peux sembler avoir des origines latines, mais aussi maghrébines et même indiennes.

« T’es sûr que t’es pas Arabe? Pour vrai, je suis sûr que t’es Arabe ».

Ça m’arrive donc de rencontrer des quidams incrédules à mon affirmation « Je suis né en Colombie ». La phrase « Hein t’en as pas l’air, t’as plus l’air de X, Y ou Z » ne me dérange pas.

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Ce qui est gossant, c’est lorsque notre interlocuteur essaie de me gaslighter sur mes racines. Je me ramasse donc dans un interrogatoire que je n’ai jamais demandé.

« T’es sûr que t’es pas Arabe? Pour vrai, je suis sûr que t’es Arabe ». Lorsque cette obstination dure trop longtemps, je finis toujours par leur dire « Pourquoi je te mentirais là-dessus? ».

Cette question leur renvoie la balle et vient parfois mettre un frette. Un moment donné, ça suffit. Imaginez être tellement sûr de détenir la vérité que vous contestez un inconnu sur sa provenance.

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Nos cheveux

La génétique fait en sorte que certaines personnes ont les cheveux hyper frisés. Je trouve ça beau. Ça les distingue d’avoir des détails propres à leur apparence, qu’on ne retrouve pas dans un village éloigné de la province.

Sauf que parfois, des gens se permettent de briser leur bulle et de venir toucher leurs cheveux. Cette invasion est suffisamment présente pour que Solange Knowles ait décidé d’en faire une chanson, Don’t Touch My Hair.

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Une autre affaire gossante avec nos cheveux, c’est un manque de représentation de personnes racisées dans les médias de masse. Qu’on le veuille ou non, les standards de beauté proviennent de la culture populaire.

Jessica Beauplat, l’auteure de la pièce Touche pas à mes cheveux — et autres principes de base, racontait comment elle visitait le coiffeur chaque semaine pour se faire déboucler les cheveux pour tenter de rentrer dans le moule.

Ce n’est pas pour rien que à la suite de la série Friends, la mode s’est emparée de la coupe de cheveux de Jennifer Aniston et que The Rachel est devenue une coupe de cheveux populaire.

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Pour ma part, je change de coupe de cheveux aux 3-6 mois parce que je ne sais pas comment m’arranger. Mon compte Instagram est carrément un voyage dans le temps mesuré par mes coiffures.

Et tous ces liens datent d’à peine un an! Nous ne sommes pas définis par le poil qui nous pousse sur la tête, mais si je pouvais atteindre une forme de stabilité là-dessus, ça serait bien.

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L’expression « pure laine »

À travers tous les débats sur l’immigration, la laïcité et tous ces enjeux, on entend parfois ressortir l’expression de Québécois « pure laine ». Cette expression me rend triste et imposteur chaque fois que je l’entends.

Cette expression semble n’inclure que les Québécois qui sont installés ici depuis longtemps, oubliant du fait même que les Premières Nations étaient ici bien avant l’arrivée des Européens. C’est particulièrement malaisant.

Parce que je n’ai passé que 98,6 % de ma vie au Québec, je ne suis pas un pure laine.

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Dans mon cas à moi, je n’ai passé que les six premiers mois de mon existence à l’extérieur de notre province. La photo de moi bébé en couverture a été prise alors que j’avais 10 mois. J’étais ici depuis quatre mois.

Et parce que je n’ai passé que 98,6 % de ma vie au Québec, je ne suis pas un pure laine.

Par déduction, on peut conclure que je suis de laine « impure » pour certains. Je n’ai pas le choix d’avouer que ça m’attriste.

Je sais qu’une expression n’est qu’une expression et que les gens ne le pensent pas nécessairement, mais ça fait partie des implications de cette locution.

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Qu’en est-il des gens nés ici, mais dont les parents sont d’outre-mer ? Sont-ils purs? Sont-ils impurs? C’est quoi cette façon de catégoriser les gens?

On va se le dire, c’est vraiment étrange d’aborder le terme de pureté lorsqu’on parle d’ethnicité. Ceux qui l’ont fait dans l’Histoire de l’humanité n’étaient définitivement pas les plus gentils de la terre.

Encore une fois, je tiens à préciser que je vis très bien au Québec. C’est juste que des fois, des petites affaires gossantes se produisent et peut-être qu’en parler aidera à réduire leur fréquence.