Voir d’autre monde quand on est en couple

« On va mettre quelque chose au clair tout de suite : j’suis pas un modèle. On a juste créé quelque chose qui fonctionne pour nous, ma femme et moi. »

Les modèles amoureux se refont une beauté depuis environ dix ou douze ans. N’en déplaise à cet oncle théorique qui écoute Radio X et qui insiste pour avoir des conversations idéologiques malaisantes après deux bières à Noël comme aux enterrements : le mariage hétérosexuel monogame et la procréation ne sont plus l’autoroute exclusive vers le bonheur.

Malgré les progrès, le discours sur la sexualité cause encore beaucoup de malaise dans l’espace public. On a beau prôner l’ouverture et la diversité, on pointe vite du doigt ceux et celles qui partagent des pratiques hors normes. À ce sujet, le nom du chanteur R&B Jonathan Roy se retrouve invariablement sur les sites à potins lorsqu’il s’ouvre à ce sujet.

Est-ce qu’une telle configuration de couple peut réellement fonctionner? Est-ce qu’en 2025, on peut être en couple et dater d’autre monde sans conflits? Conversation à propos des modalités de rencontres extra-conjugales avec quelqu’un qui le vit et qui y trouve son compte.

Jonathan Roy a beaucoup réfléchi à la question du couple ouvert. Plus que la plupart d’entre nous. Il est visiblement moins à l’aise d’en parler avec moi qu’avec Lysandre Nadeau et Joanie Grenier, mais c’était quand même important pour lui d’en parler, pour en normaliser les codes dans l’espace médiatique.

« Quand tu rencontres du monde, tu peux avoir une certaine chimie avec eux, que ça soit physique ou intellectuel », raconte le chanteur qui lancera son nouvel album Symphony of Doubts au MTelus, le 27 février prochain. « Ma femme et moi, on se donne la liberté d’explorer cette chimie-là et d’aller potentiellement plus loin. Quelqu’un peut devenir simplement un.e ami.e ou un.e partenaire sexuel.le. »

Selon lui, les institutions religieuses ont beaucoup à se reprocher dans ces limites qu’on impose aujourd’hui de manière quasi inconsciente à l’amour. « Quelque part, à un moment donné, quelqu’un de très malheureux a commencé à dire ce qu’on avait le droit de faire et de ne pas faire. »

Une des règles du couple de Jonathan, c’est qu’il n’a pas le droit d’établir une connexion émotionnelle avec les personnes qu’il rencontre. Dans un monde idéal, il ne verrait pas d’inconvénient à aimer plusieurs personnes, mais l’écoute et le respect sont deux éléments cruciaux d’un couple ouvert sain et les limites que trace sa conjointe délimitent son terrain de jeu.

Pour lui, le concept de dating est obsolète. Il s’agit simplement de rencontres qui peuvent (ou non) développer une composante sexuelle.

Parfois ça ne dure qu’un soir, parfois ils se revoient à quelques reprises, tout en faisant attention à demeurer à l’intérieur des limites.

Ça lui est aussi arrivé de développer une attirance pour des personnes avec qui il entretenait déjà une relation d’amitié. Une situation plus difficile à négocier.

« Je suis pas toujours bon avec ça », confie Jonathan au sujet des hauts et des bas que comporte son mode de vie. « Des fois, ça me fâche de me faire mettre des limites. »

D’ailleurs, un des limites imposées par la conjointe de Jonathan, c’est qu’on ne discute pas d’elle et de comment elle vit cette forme de liberté sexuelle. Je m’en suis donc tenu au minimum.

Jonathan et sa conjointe ont toujours été un couple ouvert. Au moment de la rencontrer, il savait qu’il était à la recherche d’une situation de vie qui saurait accommoder ses besoins.

« Mes parents se sont séparés. Il y a eu de l’infidélité là-dedans. J’avais pas envie de faire vivre ça à quelqu’un. Déjà que j’avais de la difficulté à me contrôler sur ce plan-là », explique-t-il

Ses observations sur l’équilibre dans un couple ouvert font écho à celles du thérapeute pour couple Adbelghani Barris : le couple est une entité à part entière et il faut en prendre soin. Avant comme pendant l’aventure, il est de bon augure de prendre le pouls de sa relation : comprendre ce qui va bien, ce qui va moins bien et quels sont les besoins de chacun.

L’honnêteté et la communication sont pour lui deux autres clés de la stabilité de son couple. C’est important pour Jonathan et sa conjointe de tout se dire et de se tenir au courant des nuances des changements dans la vie de leur partenaire. « Ça se peut que le couple se referme pour un moment, si ça va moins bien dans la vie de l’un d’entre nous. Être en couple ouvert, c’est un peu accepter que la rivière ne sera jamais parfaitement calme. »

Le chanteur souligne d’ailleurs l’importance de la confiance en soi lorsqu’il s’agit de former un couple solide : « Tu peux pas t’attendre à recevoir de l’amour de ton ou ta partenaire ou de la société au sens large si tu n’as pas appris à t’aimer. Quand tu développes une bonne estime de toi-même, peu importe ce qui arrive, tu connais ta valeur et ça, ça permet de passer par-dessus les épreuves. »

Non, Jonathan Roy n’est pas un modèle. C’est quelqu’un d’atypique avec une philosophie bien à lui pour baliser son mode de vie. Mais c’est aussi quelqu’un qui trouve son compte dans ce modèle amoureux alternatif. « J’pense que l’être humain est fait pour vivre de nouvelles expériences, partir à l’aventure, rencontrer de nouvelles personnes et s’exposer à de nouvelles énergies. »