L’autrice est sexologue. Pour encore plus de conseils éclairés, visitez son compte Instagram et son blogue La Tête dans le cul.
Non-monogamie éthique, couple ouvert, polyamour, etc. Ces mots apparaissent de plus en plus souvent dans notre vocabulaire. Et en clinique aussi! Le couple tel qu’on le connaît – c’est-à-dire composé de deux individus – semble vivre une crise ou, du moins, une transformation importante. D’ailleurs, en mai 2023, le magazine L’Actualité proposait un grand dossier intitulé « Sauver le couple ». Rien de moins. À l’intérieur, on pouvait lire de nombreux témoignages de personnes qui remettaient ce modèle en question.
De plus en plus, on tend vers des moyens pour s’épanouir dans une relation, tout en refusant de mettre de côté des besoins et des envies que l’autre ne parvient peut-être pas à satisfaire. Souvent, ouvrir le couple semble être une solution à cette impasse, et ce, malgré de fortes injonctions sociales et politiques qui nous dirigent vers une monogamie célébrée. Puisque beaucoup se défont de ces règles bien établies, ce mode relationnel est-il voué à mourir? #omg 😱
UN MODÈLE DIFFICILE À DÉLOGER
Calmos pompon; ce n’est pas aussi simple que ça!
D’abord, les humains.e.s sont des êtres d’habitude; nous changeons len.te.ment. Par exemple, si l’on entretient encore autant de tabous autour des sexualités (même en 2024!), c’est, entre autres, pour ça. À force de répétition et de renforcement, la monogamie est devenue une véritable injonction. Donc, pas du tout évident à défaire, même si des gens la remettent en question depuis longtemps.
Dans notre société occidentale actuelle, tout ou presque est construit en fonction du couple traditionnel et de la famille nucléaire.
Selon ce modèle, on a donc deux personnes monogames qui vivent ensemble sous le même toit dans le but de construire une relation qui accueillera, idéalement, un ou des enfants. La pression est ULTRA forte pour correspondre à cet idéal. Idéal qui vient avec son lot de privilèges, en plus d’être reconnu par les institutions politiques, médicales, juridiques, etc., ce qui n’est pas le cas des personnes non monogames qui peuvent entre autres faire face à de nombreux enjeux, dont l’acceptation sociale et la protection juridique.
Si le modèle monogame semble imprimé dans nos consciences, c’est parce qu’il a longtemps contribué à la procréation – on veut survivre, comme espèce, tsé! – pour assurer une descendance et, à certaines époques, renforcer la puissance d’une famille (dans le cas de lignées royales, par exemple). Selon Louise Perry, autrice de The Case Against Sexual Revolution (Polity, 2022), au cours de l’Histoire, on réalisera aussi que la monogamie contribue à l’édification de sociétés plus « stables, pacifiques et prospères ». Bref, il existe de nombreuses raisons – souvent stratégiques – pour faire perdurer une formule avérée qui, de plus, s’est hissée tout en haut du mât du christianisme (depuis le 1er siècle, ça ne date pas d’hier!) comme modèle de vertu. Pas évident à défaire, disais-je?
Même si le nombre de personnes qui tentent la non-monogamie ne cesse d’augmenter, de grandes transformations sociales et politiques devront advenir pour qu’on puisse imaginer une société où elle serait à l’avant-plan. Et ça, c’est sans oublier toutes les références culturelles qui nous poussent à trouver « the One » qu’il faudra passer dans le tordeur. Ce qui, si vous écoutez Love is Blind, est loin d’être gagné.
REDÉFINIR LA MONOGAMIE
Tout ceci n’empêche pas certaines tendances d’émerger afin de revisiter les règles établies. Comme la non-monogamie, bien sûr, mais aussi la monogamie radicale. Celle-ci se définit par le fait d’avoir réfléchi à ce qu’est la monogamie, à ce qu’elle implique et aux enjeux qu’elle comporte, et la choisir quand même, en toute connaissance de cause, plutôt que de la vivre « par défaut», aussi appelée reflexive monogamy (ou monogamie réflexe).
La monogamie radicale amène le constat suivant : la non-monogamie peut paraître libératrice pour certain.e.s, mais la monogamie comporte aussi son lot d’avantages, comme la stabilité émotionnelle et le sentiment de sécurité.
OK, OK! Je vous entends déjà me dire : « Mais rien n’empêche d’avoir ça dans la non-monogamie! » Et vous avez raison. Reste que, pour certaines personnes, la non-monogamie fait surgir des insécurités importantes, une complexité dont elles ne veulent pas et… c’est parfois un choix qui ne nous convient pas, point barre! On retrouve aussi cette idée dans une étude réalisée par l’application libertine Feeld, en collaboration avec le Kinsey Institute. Bien que l’échantillon soit biaisé (ex. : surreprésentation des États-Unis et des hommes), il semble que les Gen Z fantasment sur la monogamie, pour des raisons similaires à celles que l’on énumérait plus tôt. Parmi elles, l’envie de simplicité dans un monde complexe, mais aussi un regain du romantisme. Sans oublier une vision plus fluide des identités et des orientations sexuelles qui nous font voir la monogamie à travers de nouvelles lunettes.
FA’QUE
Pas évident d’avoir une réponse définitive à notre question initiale. Primo, parce que je ne prédis pas l’avenir et deuxio, parce que ça dépend de plusieurs choses. De changements sociaux profonds, de croyances à déconstruire, de l’influence des mouvements politiques et religieux, de l’évolution des mœurs, etc.
Mais j’aurais tendance à dire que non, la monogamie ne mourra jamais complètement. Tout d’abord parce qu’elle répond à un besoin (inné ou acquis) chez de nombreuses personnes. Mais aussi parce que, pour le moment, elle constitue le fondement d’une société qui prône la tolérance, mais peine à réellement accepter la différence. Et, on va se le dire, tolérer et accepter, c’est deux choses complètement différentes. Le jour où l’on sera rendu là, on s’en reparlera.
D’ici là, peu importe la configuration relationnelle qui vous tente; enjoy, profitez et vivez-la à votre façon. Parce que, si ces injonctions n’y sont plus… d’autres risquent d’émerger. Aussi bien suivre votre cœur! 😉