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Trois mathématiciennes que vous devriez connaître
Si je vous dis « nommez-moi des scientifiques qui ont marqué l’histoire », il y a de fortes chances que vous évoquiez Einstein en premier. Et si j’insiste, vous risquez de me mentionner d’autres hommes avant qu’on tombe sur Marie Curie ou une autre femme scientifique.
En tant que matheux officiel d’URBANIA, j’ai envie de vous parler de mathématiciennes importantes, dont celle qui a impressionné Einstein!
Hypatie
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Vous l’avez peut-être vue dernièrement incarnée par Lisa Kudrow dans The Good Place, et sur le coup vous vous êtes sûrement dit « Hypa qui? », mais de son vivant Hypatie était très populaire.
Il s’agit de la première mathématicienne dont l’existence est assez bien documentée, ce qui nous permet d’en parler aujourd’hui en toute connaissance de cause. Hypatie est née en Égypte entre 350 et 370 av. J.-C., plus précisément dans la grande ville d’Alexandrie qu’elle n’aurait jamais quitté.
Hypatie a contribué à l’écriture de plusieurs ouvrages mathématiques comme Arithmétiques de Diophante. Elle a aussi construit des astrolabes, un outil encore impressionnant de nos jours!
À son époque, Hypatie était reconnue comme étant une des plus grandes mathématiciennes, philosophes, astronomes et surtout, elle avait la réputation d’être une enseignante exceptionnelle. Ses leçons faisaient fureur. Ses lectures attiraient plus d’hommes dans sa classe que Kelis en attire dans sa cour avec son milkshake, pour reprendre les paroles de la célèbre chanson.
Hypatie aurait repoussé un étudiant qui s’intéressait plus à sa beauté qu’à son formidable intellect en lui montrant un chiffon plein de son sang menstruel.
Selon Damascios, qui est né après sa mort (c’était aussi un homme qui relate le vécu d’une femme, ce qui influence certainement la manière dont il a rapporté les événements), Hypatie aurait repoussé un étudiant qui s’intéressait plus à sa beauté qu’à son formidable intellect en lui montrant un chiffon plein de son sang menstruel.
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L’astronomie était son domaine de prédilection et elle a fait le pari de transmettre son savoir sans égard à la religion de ses étudiants, un geste assez rebelle pour l’époque. Enseigner à des chrétiens tout en étant non-chrétienne? Hypatie est vraiment bad ass.
Sa popularité et son intelligence l’ont élevée au niveau de conseillère auprès d’Oreste, un gouverneur d’Alexandrie. Malheureusement, les adversaires de ce dernier ont blâmé Hypatie pour le climat tendu et l’ont assassinée froidement.
Elle a connu une fin atroce (si vous avez envie de quelque chose de joyeux, passez tout de suite à Sophie Germain, les prochaines phrases ne sont vraiment pas l’fun à lire). Des moines chrétiens l’ont trainée à terre jusqu’à l’église la plus proche, l’ont déshabillée pour ensuite l’achever à coup de poterie. Ça aurait pu s’arrêter là, mais ils ont poussé la cruauté jusqu’à découper son corps et ont paradé avec ses membres jusqu’au Cinarion où ils ont brûlé ses restes.
Sophie Germain
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Sophie Germain n’avait que 13 ans lors de la prise de la Bastille. À l’époque, Sophie adorait les mathématiques, mais ses parents trouvaient que ça ne faisait pas très « féminin ». Pour la dissuader de poursuivre ses études, ils lui enlevaient ses couvertures et son feu la nuit. Le froid devait servir de punition pour lui enlever le goût des maths.
Avant l’âge de 18 ans, elle a appris le grec et le latin en autodidacte pour pouvoir lire les écrits d’Archimède, Newton et plusieurs autres.
Mais rien n’arrêtera Sophie. Nerd un jour, nerd toujours! Avant l’âge de 18 ans, elle a appris le grec et le latin en autodidacte pour pouvoir lire les écrits d’Archimède, Newton et plusieurs autres. Juste ça, c’est impressionnant! Moi, à l’âge adulte, j’ai de la misère à être assidu avec Duolingo!
Alors qu’elle atteint 18 ans, la Révolution française pavera la voie à une révolution scolaire : l’école Polytechnique ouvre ses portes. ENFIN! Une éducation plus structurée à sa portée!
Vous vous en doutez, c’était trop beau pour être vrai. La Polytechnique refusait d’avoir des étudiantes derrière ses pupitres. Qu’à cela ne tienne, Sophie a consulté leur bibliothèque et a fini par assimiler de la matière que je peinais à comprendre avec des professeurs d’université à ma disposition.
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Afin de pouvoir développer et faire valider ses idées, elle s’est fait passer pour un homme : Monsieur Antoine-Auguste Le Blanc. Un de ses correspondants, le fameux Louis-Joseph Lagrange, était tellement impressionné qu’il a demandé à « le » rencontrer.
Sophie était coincée devant un dilemme: se taire à jamais ou s’exposer. Elle a finalement décidé d’avouer son identité à Lagrande. Ce dernier, flabbergasté par le subterfuge et par son intelligence supérieure, a décidé de garder le secret.
Sophie Germain, toujours sous le nom de Monsieur Antoine-Auguste Le Blanc, a aussi écrit à Gauss ses idées concernant le dernier théorème de Fermat. Pendant longtemps, le dernier théorème de Fermat était comme le dernier niveau imbattable des maths tellement il était compliqué.
Gauss était probablement le mathématicien le plus rayonnant de l’époque et Sophie lui a sauvé la vie en s’assurant qu’il soit épargné lors de l’occupation française en territoire Prusse. Gauss était plutôt confus, ne trouvant plus qui remercier. Sophie Germain s’est alors dévoilée à lui, ce qui a donné un bel échange.
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Le parcours de Sophie Germain est parsemé d’encore plus d’entraves. N’empêche, elle s’est finalement dévoilée au grand jour avec son vrai nom et a publié Recherches sur la théorie des surfaces élastiques, ce qui lui a permis d’être la première femme à recevoir un prix de l’Académie française des Sciences!
On a aussi donné son nom à l’identité de Sophie Germain qui est une longue formule compliquée. Sophie Germain ne manquait pas de détracteurs. Ses derniers s’appuyaient sur le fait qu’elle commettait des erreurs dans ses calculs… ce qui est assez normal lorsque t’apprends les mathématiques toute seule. Et justement, en faisant tout de son côté et en étant forcée d’être créative, elle a pu apporter de nouveaux points de vue sur la discipline.
Malheureusement, ses travaux ne furent pas reconnus à leur juste valeur. Sur son certificat de décès, on y inscrit « rentière » au lieu de « mathématicienne ». Sur la tour Eiffel, on peut retrouver le nom de 72 scientifiques, mais Sophie Germain n’y figure pas. La tour Eiffel? Plutôt la tour Eif-fail.
Emmy Noether
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Quand Emmy Noether, née en Allemagne en 1882, a voulu aller à l’université, le Registraire n’était pas down avec le projet.
Mais avec la permission des professeurs, elle a quand même pu assister à des cours jusqu’à ce que l’université accepte officiellement les femmes comme étudiantes en 1903.
Quand elle a voulu devenir professeure, là aussi l’université s’est interposée. Mais Noether voulait enseigner alors dès qu’un collègue s’absentait « comme par hasard » elle prenait la relève. Pendant huit ans, elle a donc été prof informelle… sans être payée une seule fois.
En 1915, à la fin de la guerre, un membre de la faculté a protesté : « Que penseront nos soldats qui reviennent de la guerre lorsqu’ils retourneront à l’université et réaliseront qu’ils devront apprendre aux pieds d’une femme? » ARK.
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Emmy Noether a découvert un théorème qui est à la base de la découverte du boson de Higgs!
Cette misogynie ambiante n’a pas empêché Emmy Noether d’exceller et elle a même découvert un théorème auquel elle donne son nom. Peut-être que le théorème de Noether ne vous dit rien, mais il est à la base de la découverte du boson de Higgs!
Alors qu’Emmy révolutionne l’algèbre générale (juste ça), Albert Einstein découvre la théorie de la relativité. Contrairement à celui-ci, Emmy tombe un peu dans l’oubli alors qu’elle développe des connaissances importantes sur les nombres hypercomplexes et autres concepts qui donnent mal à la tête à la plupart des mortels.
Les années avancent et Emmy Noether, qui est de confession juive, commence à se sentir en danger en Allemagne qui sombre dans l’occupation nazie. Einstein, reconnaissant son importance, lui déniche un emploi dans une université américaine. Faut croire qu’il était vraiment plus efficace que LinkedIn!
Mme Noether a continué à faire des découvertes importantes jusqu’à sa mort. Elle finira ses jours sur la table d’opération, alors qu’on tente de lui retirer un kyste ovarien de la grosseur d’un cantaloup. À son sujet, Einstein écrira dans le New York Times:
Selon les mathématiciens vivants les plus compétents, Fräulein Noether était le génie mathématique créatif le plus important produit jusqu’à présent depuis le début de l’enseignement supérieur des femmes. Dans le domaine de l’algèbre, dans lequel les mathématiciens les plus doués sont occupés depuis des siècles, elle a découvert des méthodes qui se sont révélées d’une importance capitale dans le développement de la jeune génération actuelle de mathématiciens.
Voilà, c’était trois mathématiciennes que vous devriez connaître. J’aimerais pouvoir partager dans le futur d’autres histoires importantes comme celles de Katherine Johnson, Ada Lovelace, Sofya Kovalevskaya, Mary Jackson ou Mary Cartwright!
Le parcours des femmes en science est toujours rempli d’obstacles. La femme la plus intelligente sur la terre a beau avoir raison, il y aura toujours des dudes pour lui mansplainer ça. Mais au moins, maintenant, vous pourrez nommer trois femmes de plus lorsqu’on vous demandera de nommer des scientifiques!