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Travailler gratuitement: existe-il des scénarios où c’est acceptable de le faire?
Un adage dit que « tout travail mérite salaire », et en général, je suis d’accord. Par contre, la réalité est plus dystopique. Je ne pourrais pas compter toutes les heures gratuites que j’ai offertes dans ma vie.
Dans certains cas, j’aurais aimé faire autre chose de mon temps; dans d’autres situations, je trouve encore que j’ai bien fait d’accepter.
Aujourd’hui, on parle de travail non rémunéré.
Inacceptable
Du temps où j’étais actuaire, j’en ai passé en masse, des heures supplémentaires au bureau. Comme dans de nombreuses sphères professionnelles, notre temps était comptabilisé de deux manières différentes : des heures facturables directement à un.e client.e et des heures non facturables, comme pour de la recherche ou du développement.
À la fin de l’année, le total de nos heures facturables nous permettait de toucher un bonus calculé en fonction de notre rang dans l’entreprise. Autrement dit, je faisais des heures non rémunérées sur le moment, mais qui faisaient monter le thermomètre de mon bonus de fin d’année.
Une entité bénéficie de chaque coup de pouce que son employé.e lui donne. C’est son devoir de lui remettre de l’argent en échange de son temps.
Ce système est brisé. Je le trouvais injuste à l’époque et je le trouve encore terrible aujourd’hui. En temps que salarié, je considère que toutes les heures travaillées sont facilement mesurables et qu’on devrait recevoir de l’argent pour compenser les heures où on aurait pu faire n’importe quoi d’autre.
Les bonus, ça pourrait venir compléter le tout. Dans une échelle nébuleuse de partage de revenus où des associé.e.s déjà très riches se servent de grands pourcentages des profits, je trouve indécent de ne pas payer au minimum les travailleurs et travailleuses qui font des heures supplémentaires.
Une entité bénéficie de chaque coup de pouce que son employé.e lui donne. C’est son devoir de lui remettre de l’argent en échange de son temps.
C’est encore plus gênant lorsque cette entité au pouvoir est le gouvernement et que des professeur.e.s accumulent des heures de travail sans soutien.
L’offre et la demande
Là où ça se complique, c’est dans mon contexte d’artiste slash travailleur autonome. Dans cette situation, je dois convaincre des gens de me donner de l’argent en échange de mon art. Pour ce faire, je dois montrer aux gens que mon art vaut quelque chose en premier lieu.
Ça, ça implique généralement de donner des gratuités pour qu’ils puissent avoir une idée de mon calibre. Que ce soit par des publications, des mini-extraits de scènes ou une captation de standing ovation, j’essaie de montrer aux gens la valeur de ce que je fais.
Si vous offrez quelque chose gratuitement maintenant, ça sera difficile de faire payer les gens plus tard pour la même quantité.
Pour se mettre en valeur face à un marché qui ne nous connait pas, il faut faire comme la petite madame au Costco qui donne des échantillons gratuits. Si on donne une bouchée, ça pourrait donner envie aux gens d’acheter une boîte au complet!
D’ailleurs, pensez au long terme. Si vous offrez quelque chose gratuitement maintenant, ça sera difficile de faire payer les gens plus tard pour la même quantité. Ce n’est pas pour rien qu’on nous sert une bouchée et non la boite au complet chez Costco!
La règle des trois P
Un aspect à ne pas négliger est le suivant : il faut bien commencer quelque part. Je vais mettre quelque chose au clair : je crois que tous les stages devraient être rémunérés. Que des entreprises généralement très riches emploient des gens sans expérience pour ne pas les payer, c’est de l’abus.
Malheureusement, le capitalisme fait en sorte que des corporations profitent d’aspirant.e.s professionnel.le.s pour les faire travailler gratuitement. C’est de l’indécence lorsque quelqu’un d’autre profite largement de notre boulot.
Dans certaines industries, il y a du pain noir à manger avant d’être accepté par ses pairs. C’est le cas de l’humour, où ceux et celles qui font leurs débuts sur scène commencent dans des open-mic devant cinq personnes en échange d’un coupon de bière.
Stage non rémunéré, période test gratuite ou autre, une règle commune dans mon milieu pour décider si on accepte ou non un projet est la règle des trois P :
1- Plaisir : ce projet sera vraiment plaisant à produire!
2- Profession : ce projet pourra faire avancer ma carrière!
3- Paye : ce projet me donne une compensation financière intéressante!
Un projet vraiment le fun qui pourrait nous faire monter des échelons peut valoir la peine même si on n’est pas payé.e!
Dans un monde idéal, tous les projets auraient ces trois éléments. La réalité, par contre, est souvent moins reluisante. La règle des trois P stipule qu’on n’a besoin que de deux des trois critères pour accepter un projet.
Calculez toutes les combinaisons possibles, mais un projet vraiment le fun qui pourrait nous faire monter des échelons peut valoir la peine même si on n’est pas payé.e!
Pour ça, il faut mesurer si ça fera réellement avancer notre carrière.
La fameuse visibilité
Certain.e.s vont faire le coup de la visibilité afin de ne pas nous payer. Cette pente est encore plus glissante que la pente recouverte de lubrifiant dans le dernier Jackass.
Avant de vous engager gratuitement pour de la visibilité, considérez la valeur de cette visibilité en vous posant des questions : qui visez-vous? Des client.e.s? De futur.e.s collaborateur.trice.s? Combien pourra-t-on en compter lors de votre bénévolat?
Parfois, donner un échantillon de notre savoir-faire peut valoir la peine. Il faut toutefois nous assurer que les bons yeux puissent nous voir et que les bonnes oreilles soient là pour nous entendre.
C’est une opinion controversée, mais je pense qu’il existe de la bonne visibilité. En saisissant les bonnes occasions, on peut devenir meilleur.e en gagnant de l’expérience tout en réseautant.
Ce n’est pas parce que c’est gratuit qu’on s’en fiche
Si vous acceptez un travail non rémunéré, ça demeure du travail. Votre nom et votre réputation ne sont pas attachés au montant d’argent que vous recevrez, mais les gens qui vous engageront et ceux et celles qui vous verront à l’oeuvre s’attendent à de la qualité. Après tout, vous êtes là pour briller. Faites de votre mieux.
Il est toujours préférable de refuser un contrat peu (ou pas) payant que d’en accepter un à contrecœur et de le saboter.
Souvenez-vous qu’il est toujours préférable de simplement refuser un contrat peu (ou pas) payant que d’en accepter un à contrecœur et de le saboter.
Au final, c’est possible que travailler gratuitement ait du sens dans certains contextes. Prenez le temps d’évaluer la situation à moyen et à long terme : combien donnez-vous? Combien de temps ça va vous prendre? Combien ça pourrait vous rapporter?
Après tous ces questionnements, vous serez en mesure de voir si ça vaut la peine pour vous.
PS : Si vous voulez m’engager après avoir lu cet article, sachez que je vais le savoir et que je vais exiger d’être payé!