On dit que le sens de l’humour est propre à chacun. Ce qui fait rire mon père ne fait pas nécessairement rire ma mère et inversement. Le travail d’un humoriste est de trouver ce qui le fait rire lui, mais aussi les spectateurs.
Il y a des gags qui rejoignent le public et d’autres qui ne font rire qu’une seule personne : la personne sur la scène.
Parfois, il y a exactement l’inverse qui se produit : le public trouve quelque chose de très drôle, mais ça ne nous rejoint aucunement personnellement. On n’est pas nécessairement triggered par les propos tenus par la personne sur scène. On trouve ça juste… pas drôle.
J’étais curieux de savoir ce que certains de mes collègues humoristes ne trouvaient pas drôle. J’ai donc sondé mon environnement pour récolter leurs réponses… en commençant par moi-même!
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Pierre-Luc Racine
Humoriste et animateur du podcast 3 Bières
Personnellement, je ne parviens pas à trouver drôle l’humour « engagé » qui reste en surface. Tous les memes partagés sur Facebook qui « dénoncent » quelque chose, mais qui en fait, semblent tirés du Bye Bye 1992 qui donnent l’impression qu’on a juste actualisé le nom de la cible du gag.
Je trouve ça même irritant. Ce qui me choque de cet humour de « Non, mais heille! *nom d’une tête dirigeante*, quel tata! », c’est que la société glorifie ces raccourcis-là. Comme c’est supposément porteur de message, c’est perçu comme de l’humour de qualité juste parce que la tête de Turc est quelqu’un au pouvoir. Pour moi, c’est aussi cheap que des jokes de roux.
Ça se fait de l’humour engagé qui est aussi drôle, mais lorsqu’on se limite à namedropper un politicien comme punch, ça me fait rouler les yeux tellement loin dans ma tête que je vois mon cerveau essayer de s’enfuir vers un monde meilleur pour un seul instant.
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Charles Beauchesne
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Gabrielle Caron
Humoriste et fille de Code F
Les malaises voulus ou non voulus : je n’aime pas ça. J’haïs ça. J’embarque dans le malaise parce que je le vis pleinement. Quand il y a un malaise, je ne ris pas. Je m’enfonce dans ma chaise, je me tortille, je regarde partout… j’ai hâte que ça finisse. Je ne ris pas. Je ne suis pas capable de rire. Je me mets à la place de la personne qui vit le malaise, je me sens mal pour elle. J’ai envie de partir. Je sais qu’il y en a qui adooooooorent ça. Mais je ne suis pas capable.
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Frank Grenier
Humoriste et auteur
Ce qui ne me fait pas rire, c’est le manque de créativité et d’originalité. Pas dans le sujet (tu peux me faire rire en parlant de camping ou d’histoires avec ton chum/ta blonde), mais plutôt dans la manière d’exploiter le sujet. Je vais rire si l’humoriste me surprend avec son point de vue ou l’angle avec lequel il attaque le sujet.
Sinon, la pire chose pour moi dans un spectacle est le « crowd work. » L’interaction planifiée avec le public dans le but de gruger du temps. Interagir avec le public, l’impliquer dans ta performance et créer un lien, c’est important. Mais quand un humoriste se dit « bon, moi j’ai 10 minutes à faire, je vais poser plein de questions au public, essayer d’improviser et dès que ça fait 10 minutes, je quitte! » Non.
Je veux voir des jokes, pas savoir ce que le monsieur en avant fait dans la vie ou ça fait combien de temps que tel couple est ensemble. Mais je sens ici une redondance, parce que le « crowd work » est en fait un manque de créativité et d’originalité selon moi.
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Samuel Bergeron
Humoriste et coanimateur des soirées Les Lundis Open-Mic au Zaz
Les calembours ne me font pas rire. Non seulement ce n’est pas si drôle, mais un calembour s’accompagne toujours d’une face de « La pognes-tu? »
Tu ne peux pas sortir un calembour sans être excessivement trop fier de ce que tu viens de faire, comme si chaque calembour est une prouesse cérébrale d’une valeur inestimable.
Je suis pourtant un grand fan de jeux de mots, j’en fais plus souvent qu’à mon tour, et chaque fois je meurs un peu en dedans. Parce qu’il y a quelque chose d’arrogant dans le fait de dire « imiter un hibou c’est pas chouette » comme si on avait inventé un proverbe.
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Preach
Humoriste connu aussi pour son duo Aba & Preach
Pour moi, ce n’est pas le sujet qui m’importe, c’est l’angle. Tout peut être drôle, ça dépend de l’intelligence de l’auteur. Si c’est prévisible et du déjà vu, si je suis capable de prédire le gag, je ne peux pas rire. Même pas intérieurement.
Des exemples? Toutes les jokes de François Massicotte. Inclus aussi Peter MacLeod. Ce n’est pas que ce n’est pas drôle, c’est que leurs publics cibles ne sont pas des fans d’humour.
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Christine Morency
Humoriste animatrice de Les Soirées Stand-Up au Terminal
Ce qui ne me fait pas rire, c’est des jokes de pas drôle. L’humour de mononc’ : les gens qui pensent comprendre le deuxième degré, mais qui n’ont visiblement rien compris et qui, sur le dos du deuxième degré, passent leurs opinions racistes, par exemple.
Les gens qui font du sarcasme, mais sans le côté « drôle ». Juste pour être méchant et se défendre en disant « que c’est de l’humour ». Souvent, ces gens-là n’osent pas monter sur scène. Et c’est tant mieux. Parce qu’on peut rire de tout, mais pas n’importe comment.
Ah oui. Pis les inside jokes là… Ce n’est jamais drôle pour personne si faut que tu dises « fallait être là ». Arrêtez ça.