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Tirer la plogue sur un projet qui fonctionne bien, parfois c’est une bonne chose
Octobre 2011 à la taverne La Chic Régal dans Pointe-Saint-Charles. Après une discussion animée sur « quel devrait être le scénario de la suite de The Mask avec Jim Carrey? », je bois une gorgée de ma troisième grosse bière en déclarant : « Hey man, on devrait faire un podcast! »
Dans l’heure qui suit, je propose d’appeler ça 3 Bières. On pourrait piger au hasard des questions farfelues du public, le temps de boire trois bières.
Le week-end suivant, nous enregistrions notre premier épisode dans l’appartement de mon coanimateur Yannick Belzil.
On avait mis nos propres questions dans le sac à sujet pour le premier épisode. Je me souviens que Yannick avait écrit : « Patrick Huard vous demande de lui passer 20 $, vous réagissez comment? » Durant les premières années, ce sac était un sac à crotte de chien! C’est tout le budget qu’on avait!
Au bout de dix ans, ce projet enregistré avec un micro unidirectionnel à 100 $ a pris de l’ampleur. Nous avons participé à plusieurs festivals, avons visité un bon nombre de villes et avons été nommés au gala Les Olivier à deux reprises.
Les choses vont encore bien, mais nous avons décidé d’annoncer notre dernière année. Notre dernier épisode sera publié en octobre 2022 pour célébrer nos 11 ans. Voici pourquoi :
1- On a fait le tour
On a encore du plaisir à radoter, mais on a l’impression de tourner un peu en rond.
La raison principale pour laquelle on a décidé d’arrêter le podcast, c’est qu’on a l’impression d’avoir tout dit ce qu’on avait à dire dans ce format-là. On les a racontées, nos anecdotes. Plusieurs fois même. On a encore du plaisir à radoter, mais on a l’impression de tourner un peu en rond.
Mine de rien, ça fait 10 ans qu’on produit une émission hebdomadaire qui ne prend aucune pause. Pas de break durant l’été, de nouveaux épisodes sont publiés même durant le temps des Fêtes. Même les fourmis trouvent qu’on travaille beaucoup!
Lorsqu’on aura terminé, nous mettrons fin à 11 ans de présence sur internet. Ça, c’est 33 saisons en langage télé. Pour un trio qui fait tout lui-même, c’est de l’ouvrage. Et quand je dis trio, je veux dire Yannick, parce que c’est lui qui fait 95 % de la job!
2- la prochaine étape
En plus de 10 ans, le projet a tellement évolué. Graduellement, nous sommes passés d’un micro cheap au centre de la table à avoir chacun notre micro pour finir par nous filmer. Nous avons appris toute la technique sur le tas et je dois avouer que ça a paru par moments!
Nous avons produit notre premier épisode devant public lors de la 100e, suivi de nos premiers festivals et de nos premières entrevues. L’ascension du podcast avant même la création du mot « balado » fut tellement stimulante à vivre!
L’année 2023 du show aurait été similaire à son année 2019. J’aime quand mes projets progressent.
Même si on a encore du plaisir avec 3 Bières, on peine à voir la prochaine étape. Les choses vont bien, mais elles n’avancent plus. L’année 2023 du show aurait été similaire à son année 2019. J’aime quand mes projets progressent.
Je vois vraiment la fin comme une bonne chose. Parfois, il faut savoir mettre fin à des aventures. Ce n’est pas parce que l’avion revient à l’aéroport que le voyage n’a pas été plaisant!
3- On a changé
Nos auditeurs et auditrices sont fantastiques. Ils ont changé nos vies. J’en parle dans mon livre, mais ma carrière serait tellement différente sans tout leur amour. Avec la fin de 3 Bières, on se retrouve à leur dire un gros « ce n’est pas vous, c’est nous ».
Lors de la naissance de 3 Bières, j’étais encore actuaire. Le podcast était mon gros projet sur lequel je pouvais investir toute mon énergie. C’était plus facile pour moi de négocier avec plusieurs propriétaires de bars pour tomber sur celui à Trois-Rivières qui accepte qu’on vienne enregistrer chez lui.
Faire un podcast de discussion peut sembler facile, mais un épisode représente le booking de l’invité.e (ce qui implique un envoi de message massif pour essayer de trouver quelqu’un de disponible aux dates où nous pouvons), la recherche, le déplacement, l’enregistrement et la promotion.
Maintenant que je dois gagner mon pain en tant qu’artiste, je jongle avec un très grand nombre de balles. Chaque mois, je n’ai que deux bras pour écrire sur RDS Jeux Vidéo, animer mon balado Du Pain Et Des Jeux Mais Surtout Des Jeux en plus d’en faire le fameux booking, écrire pour Quatre95 et URBANIA.ca, réviser les textes d’autres humoristes, écrire de nouveaux numéros de stand-up pour moi-même, donner des ateliers d’humour, alimenter mes réseaux sociaux, faire le booking de mon show hebdomadaire à Montréal, faire la promotion de ces shows-là, développer mes prochains projets, répondre à tous mes messages, trouver des endroits où faire mon show solo, vendre les billets de mon show solo et j’en passe!
Je ne bois même plus de bières lors des tournages comme on tourne l’après-midi.
Alors que le projet s’appelle 3 Bières, je suis passé par une période de sobriété et je ne bois même plus de bières lors des tournages comme on tourne l’après-midi. Disons que c’est spécial d’être rendu à ne plus prendre de bières dans une émission qui s’appelle 3 Bières.
Dernièrement, j’ai commencé à manquer des enregistrements parce que je suis en show à l’extérieur de l’île de Montréal. C’est une bonne chose, parce que ça veut dire que ce que je veux vraiment faire dans la vie se porte bien! Mais pour le podcast, c’est loin d’être idéal.
3 Bières a changé ma vie. Carrément. L’appui des auditeurs et auditrices ont été incroyables et m’ont propulsé vers des cieux inespérés, mais je me trouve à ne pas pouvoir donner tout l’amour que j’ai déjà donné à 3 Bières par le passé.
C’est encore ahurissant pour moi que des gens aient été capables de m’écouter parler avant que je consulte une orthophoniste. Je n’ai pas de mots pour exprimer ma reconnaissance.
Je me dis qu’au moins, en annonçant la fin, on pourra passer une année près de tous ceux et celles qui nous inspirent autant, nos auditeurs et auditrices. Ça va être un beau trip. Je me sens stimulé comme je ne l’ai pas été depuis un petit bout. Après tout, le début de la fin, c’est quand même un début!