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J’ai joué au Bordel Comédie Club en pleine pandémie et voici ce qui a changé

Est-ce sécuritaire d'assister et de faire des shows à notre époque?

Par
Pierre-Luc Racine
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Dans ma jeune carrière d’humoriste, j’ai fait des shows dans des soupers-spectacles, dans une buanderie, dans un sous-sol avec une fille qui se tatoue au bâton devant moi et dans des parcs pour ne nommer que ces endroits saugrenus. Après toutes ces expériences, je suis bien placé pour vous dire que la meilleure place pour faire rire les gens à Montréal, c’est le Bordel Comédie Club!

La première fois où je suis monté sur cette scène, j’ai remarqué à quel point cette salle était parfaite pour l’humour. Avec les plafonds bas, la scène au centre et le public placé soigneusement autour d’elle comme un petit théâtre élisabéthain, les rires qu’on reçoit sont explosifs.

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Je souhaite à chaque humain de pouvoir y lancer des blagues ne serait-ce qu’une seule fois afin de ressentir les avalanches de rires que procure cette scène. Ils comprendraient à quel point il est impossible d’être sous ses projecteurs et de ne pas être heureux.

Ensuite, la pandémie a frappé et nous, les artistes, nous avons paniqué. Aujourd’hui, des mois plus tard, l’angoisse est encore présente alors que nous approchons la fin de la PCU. Heureusement, Le Bordel a rouvert ses portes en adoptant toutes les normes sanitaires nécessaires. Voici ce que j’ai constaté lors de mon retour sur cette scène:

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Le public

La première chose qui frappe lorsqu’on entre dans la salle de spectacle est la nouvelle disposition des sièges : le public est maintenant réduit à une quarantaine de personnes. Même avec l’augmentation de la limite à 250 têtes dans un lieu public, le Bordel n’accroîtra pas la taille de son assistance. Les précautions avant tout!

On est presque comme dans notre salon, mais votre salon n’a probablement pas de service de cuisine ou de boisson.

Le public est divisé de façon à respecter les règles de distanciation sociale. Les gens près de la scène sont non seulement protégés par des plexiglas devant eux, mais aussi sur leurs côtés afin de les séparer de leurs voisins. Tout le monde est abrité dans son petit cocon. On est presque comme dans notre salon, mais votre salon n’a probablement pas de service de cuisine ou de boisson.

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D’ailleurs, les lunettes protectrices et autres boucliers faciaux font maintenant partie de l’uniforme des employés en salle et en cuisine. Certains pourraient croire qu’on vit dans un monde post-apocalyptique, mais je le vois comme quelque chose de positif : c’est ce qui va nous permettre de consommer de l’humour de la meilleure manière possible, c’est-à-dire en personne.

La salle est nettoyée de fond en comble entre chaque spectacle comme si on avait un virus qui causait une pandémie. Ah oui, c’est exactement ça qui se passe.

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Du bord des artistes

Du côté des artistes, les changements ont commencé par les loges. Dans l’Ancien Monde, une loge, c’était un lieu agité où tout se passait en même temps. Ça bouge. Ça fourmille. Des gens entrent, des gens sortent. On entend le tchin tchin des bouteilles de bière. Certains essaient de se concentrer en silence alors que d’autres éclatent de rire dans un tourbillon d’excitation.

Maintenant, chaque humoriste se tient à une bonne distance les uns des autres. S’il y a bien des gens qui veulent éviter de tomber malades, ce sont les talents qui veulent pouvoir continuer à être sur la patinoire et non sur le banc des blessés.

S’il y a bien des gens qui veulent éviter de tomber malades, ce sont les talents qui veulent pouvoir continuer à être sur la patinoire et non sur le banc des blessés.

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Justement, la réception dans la loge se fait par la signature d’un papier qui dit que nous n’avons aucun symptôme et que nous n’avons pas été en contact direct avec des personnes ayant été déclarées positives au virus. Mon photographe qui m’a suivi a dû aussi le signer. Il a pris cette photo dans la loge alors que je portais mon masque de Legend Of Zelda:

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Ce ne sont pas les seules précautions prises. Premièrement, chaque humoriste se fait remettre son propre micro qui est nettoyé entre chaque artiste et remis enveloppé d’une lingette antiseptique. Ça donne un peu l’impression de recevoir un bâton dans une course à relai un peu humide.

Afin d’éviter de se croiser, tous les humoristes montent sur la scène du côté cour et sortent du côté jardin. Ça veut dire que vu du public, ils entrent par la gauche et sortent par la droite. Je sais, ça me mélange toujours moi aussi!

Chaque humoriste se fait remettre son propre micro qui est nettoyé entre chaque artiste et remis enveloppé d’une lingette antiseptique. Ça donne un peu l’impression de recevoir un bâton dans une course à relai un peu humide.

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Tous les déplacements se font avec des masques. C’est-à-dire qu’on monte sur scène d’un côté, on branche notre micro, on enlève notre masque, on fait rire, on remet notre masque, on débranche notre micro et on part de l’autre côté. Le tout ne prend que quelques secondes. Les humoristes et le public s’acclimatent assez rapidement à ce nouveau rituel.

Sur la scène, l’éclairage est maintenant adapté aux plexiglas qui l’entourent. Ça permet au public de bien nous voir. En revanche, nous voyons notre réflexion dans chacun des panneaux. On finit par s’y habituer, mais au début on a un peu l’impression de faire du stand-up dans une cabine d’essayage.

Dès les premiers rires, tout est oublié. Je reviens à mon endroit préféré de la terre: la scène. Les rires fusent et remplissent ma jauge de bonheur comme la pinte de bière que j’ai savouré sur la terrasse par la suite.

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Bienvenue dans le Nouveau Monde

Est-ce que les shows sont exactement pareils? Non. C’est impossible avec un public réduit. Mais on a tout de même vraiment du fun. On s’adapte vite aux nouvelles installation, autant les artistes que le public. On commence à s’y faire. On sait pas quand nous reviendrons à la normale. On est parti pour un boutte!

Si vous voulez voir comment ça se passe, les enregistrements du podcast Mike Ward Sous Écoute se déroulent encore au Bordel, avec des gens de bonne humeur des deux côtés des plexiglas.

Dans un monde idéal, on préfère toujours une salle pleine à craquer prête à prendre en feu quand les gens du public ne font qu’un et s’éclatent dans l’anonymat. Mais le monde idéal en ce moment, c’est de pouvoir continuer à être payé à exercer notre métier, avoir un public enthousiaste qui ri fort et pour ça, je serais prêt à dealer avec encore plus de plexiglas.

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Parce qu’il n’y a pas de prix pour vivre ces moments magiques.