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La taverne du mois : Bruno Sport Bar

Tour guidé de la Mecque rosemontoise des sportifs de salon.

Par
Olivier Boisvert-Magnen
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Auparavant repaire de beuverie entre hommes, en raison d’une loi de Maurice Duplessis qui y interdisait l’accès aux femmes, la mythique taverne québécoise est maintenant considérée comme un lieu plus ou moins salubre dans lequel il fait bon se retrouver pour ingurgiter quelques bocks glacés. Bien au-delà de ce qui la différencie au sens légal d’une brasserie ou d’un bar, la taverne se définit officieusement par son incroyable capacité à figer le passé dans tout ce qu’il a de plus miraculeux : des prix dérisoires, des tables collantes et, surtout, des affiches de bières désuètes en guise de décoration.

Décidés à trouver la plus authentique taverne qui soit, nous poursuivons cette évaluation approximative des plus prodigieux débits de boisson avec le Bruno Sport Bar, le repaire alcoolisé par excellence des sportifs de salon de Rosemont.

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AMBIANCE

D’emblée, difficile de résister à ce nom d’entreprise si authentique et si puissant. Soigneusement placés sur cette devanture de haut vol, ces trois mots surgissent avec une efficacité à toute épreuve, à l’instar de cet homme au look rafraichi digne de 1996.

À l’intérieur, la folie du vendredi soir a bel et bien contaminé notre cher bar Bruno. Avec les nombreux clients et le golf à la télé, on ne s’entend plus parler.

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ALCOOL

Côté alcool, les affiches promotionnelles du bar nous laissent perplexes. Alors que l’une d’entre elles nous annonce de façon effrontée une promotion en vigueur sur une nouvelle bière sans alcool, une autre tente de nous faire croire que la brasserie Unibroue a encore de quoi de spécial à nous offrir.

Outrés de ne pas pouvoir engloutir l’une des trois bières emblématiques de la taverne québécoise (lire : Labatt 50, Laurentide et O’Keefe), nous nous rabattons sur un pichet de Sleeman rousse avec un dédain qu’on ne saurait décrire avec justesse.

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Nous tombons d’encore plus haut à la vue de ce menu mondain valorisant l’achat de drinks profanes.

PRIX DÉRISOIRE

À 19$ le pichet de bière le moins cher, difficile de rester calme et serein. Au moins, le bar se sauve d’une potentielle révolte grâce à son spécial insoupçonné consistant à ne charger qu’une seule taxe.

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Toutefois, ce spécial à 3 shooters de Sapporo pour 10$ est synonyme d’un affront délibéré.

SERVICE

Ça s’améliore grandement sur ce point. À l’écoute de ses clients, les deux serveurs attitrés en cette soirée fort occupée s’exécutent avec souplesse et attention, allant jusqu’à livrer des vivres à leurs clients V.I.P. qui discutent en retrait de la terrasse.

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Malgré son âge avancé, cet aimable serveur n’hésite pas à se pencher vigoureusement pour nous servir des verres propres qui sortent du lave-vaisselle.

DÉCORATION/MOBILIER

Sur la terrasse, la décoration du Bruno Sport Bar est en grande partie consacrée à la Coupe du monde de soccer, qui bat actuellement son plein. Malgré notre aversion généralisée du sport, une activité qui empêche de boire lorsqu’on la pratique, nous reconnaissons les efforts des proprios de l’établissement qui visent essentiellement à nous intégrer à l’effervescence du sport mondial. En témoignent ces drapeaux du pays Carlsberg que nous apprécions grandement.

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Absent de la Coupe du monde cette année, le Québec peut encore une fois compter sur la présence du Cirque du soleil pour honorer sa culture.

Affiches de l’Impact et du Canadien, sport télévisé, gilets de soccer de joueurs qu’on ne connait pas… C’est encore l’activité physique qui mène à l’intérieur. Conditionné par la joie de vivre que lui procure le sport, cet homme réussit à nous transmettre sa plénitude.

C’est ce qu’on appelle un tour de force.

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PROPRETÉ

Contrairement à la presque totalité des tavernes visitées jusqu’à maintenant, il n’y a pas d’odeur de bière séchée lorsqu’on entre au Bruno Sport Bar. Même chose pour les effluves de savon rose javellisé.

Ajoutez à ça des tables simili propres et pas collantes, et vous obtenez un bar qui a de quoi déstabiliser les vieux routiers de la taverne.

Bref, quelque peu décevant.

TOILETTES

Au moins, les toilettes nous rappellent les standards taverniers de salubrité. La saleté encastrée y règne avec un bel équilibre.

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Y règnent également la poussière accumulée au plafond et la peinture appliquée de façon à s’en calisser le plus possible.

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La culture s’invite aussi dans la toilette des hommes. Nous devons reconnaitre le gout particulièrement prononcé des décorateurs pour l’art populaire.

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Cette manifestation artistique joue habilement avec les notions de gravité. Percutant.

CLIENTÈLE

Essentiellement composée de personnes qui ont la même face et la même coupe de cheveux que notre serveur athlétique, la clientèle nous apparait on ne peut plus authentique. À notre grande surprise, le Bruno Sport Bar résiste à l’embourgeoisement rosemontois grâce à une clientèle fidèle dont la moyenne d’âge doit se situer entre 62 et 73 ans.

BOUFFE

Bien garni, le comptoir alimentaire de l’établissement ressemble à celui du Milano, exception faite qu’on n’a pas besoin de débourser 23$ pour six tranches de prosciutto.

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Moins impressionnant, l’étalage en haut du frigo ressemble davantage au lunch des employés qu’à quelque chose qu’on peut acheter.

Même chose pour l’étalage alimentaire du bar.

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Parmi les spécialités de la place, on note le hot-dog jumbo à 3,50$ avec papier blanc qui cache une information.

À considérer également : le «grille cheese».

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RAPPORT À LA TECHNOLOGIE

Déçus d’apprendre l’existence d’un réseau wifi dans un endroit qui devrait rester figé en 1978, nous nous consolons en constatant que le code pour y accéder est le numéro de téléphone de la place. Une bonne façon de faire le pont entre l’ancien et le moderne.

Difficile de rester insensible face à cette installation d’air climatisé à peu près deux fois plus grosse que le guichet ATM. Le subterfuge visant à la transformer en outil promotionnel pour Loto-Québec est efficace.

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BILAN DE L’ÉVALUATION

Tout à fait ivres, nous prenons soin d’écrire sur une napkin le résultat de nos différentes observations. Pour chacun des 10 critères, la taverne bénéficie d’emblée d’un total de cinq points, auxquels sont ajoutés ou retirés des points en fonction des motifs précédemment évoqués.

Bilan de l’évaluation : 54/100

BONUS : Un cadenas pour attacher les chaises (+1)

Discrimination envers les pitous (-1)

Un parapluie qui traîne dans le coin cuisine (+1)

Du café dans le sucre (+1)

Neuf secondes à l’affichage du micro-ondes (+9)

Un neuf avec un bonhomme sourire dedans (-1)

:) (-1)

:) (-2)

Lunettes jaunes (-1)

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Dévoilement de ce qui se cachait derrière le papier blanc de la promo hot-dog (+1)

Une Communauto qui passe tout près (-1)

Note finale : 60%

Classement

Gaspé Broue : 78 %

La Chic Régal : 76,5 %

La Remise : 71%

Bar 99 : 61 %

Bruno Sport Bar : 60%

VV Taverna : 49 %

Idéation et photos : Olivier Boisvert-Magnen, Divan Viril et Dany Gallant.