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Pourquoi pense-t-on toujours que chaque année est la pire année?

Y compris l’An 536 avant Jésus-Christ. 

Par
Malia Kounkou
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Récession économique. Bain de sang en Palestine et en Israël. Crise médiatique. Feux de forêt. Chute de l’empire Marvel. Si vous estimez que 2023 a été une année abyssale, personne ne vous contredira.

Bien plus que 2022, en tout cas, c’est sûr… même s’il est vrai qu’il y a eu l’invasion russe en Ukraine qui signait le début d’une guerre qui perdure, encore aujourd’hui. Et la révocation de l’arrêt Roe vs Wade qui remettait en question le droit à l’avortement aux États-Unis. Et comment ne pas oublier la fameuse gifle de Will Smith lors de la cérémonie des Oscars?

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Bon. Au moins, 2021 était un peu moins mouvemen-… Ah! On me rappelle dans l’oreillette le point de non-retour climatique annoncé par le rapport du GIEC, l’invasion du Capitole suite à l’élection de Joe Biden à la Maison-Blanche, l’arrivée du variant Delta dans la grande famille du COVID ainsi que le décès du rappeur DMX, figure emblématique du hip-hop.

Quant à 2020… non. On ne parle pas de 2020.

2019, alors? Game of Thrones saison 8. Un pur fiasco. Et puis la cathédrale Notre-Dame qui brûle.

2018? Pire année pour les marchés financiers depuis dix ans. Intensification de la guerre civile en Syrie. Décès d’Aretha Franklin. Ariana Grande et Pete Davidson se fiancent en juin. Se séparent en octobre.

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2017? Autant d’arbres que la superficie du Bangladesh sont détruits. Aussi, la série Riverdale voit le jour.

2016? Décès de David Bowie. Puis de Prince. Et, coup de grâce : élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

2012? Année de la (presque) fin du monde, selon le calendrier maya.

2006? Pluton est officiellement congédiée de la table des planètes. À Londres, une baleine de 5 mètres de long décède après avoir accidentellement abouti dans la Tamise.

On ne parle évidemment pas de 2001.

Finalement, a-t-on même connu une seule année heureuse?

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L’ANNÉE LA PLUS HEUREUSE

Eh bien oui : en 1978!

Ce chiffre nous vient de chercheurs australiens de l’université nationale de Canberra qui ont sélectionné 17 pays comptabilisant plus de la moitié du PIB et de la population mondiale pour calculer, entre 1950 et 2003, leur indicateur de progrès (ou GPI, « Genuine Progress Indicator ») afin d’en déduire leur moyenne de bonheur.

De nombreuses données ont donc été collectées dans différents domaines clés auprès de ces pays, dont leurs taux de pollution, de criminalité, d’emploi, le coût de leurs transports, leur rapport d’égalité, leur empreinte carbone ou encore leur investissement net capital.

Et c’est ainsi que les chercheurs ont réalisé que la courbe du bonheur n’avait jamais été aussi universellement haute qu’en 1978.

Source : New Scientist
Source : New Scientist
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Mais que s’est-il donc passé de si merveilleux durant cette année?

En vrac : Kate Bush et The Police ont sorti leur premier album, l’Argentine a gagné la coupe du monde de soccer, Grease a débarqué en salles, le premier bébé in vitro est né en Angleterre, la production de bière artisanale a été autorisée aux États-Unis, le Japon et la Chine ont signé un traité de paix et d’amitié, mais surtout, surtout : le chanteur Usher est né en octobre.

Depuis, la courbe du bonheur ne fait que descendre droit vers la catastrophe.

En guise de raisons, Robert Costanza, l’un des chercheurs responsables de cette étude, cite des revenus de plus en plus inégaux, la dégradation de l’environnement ainsi que « les coûts de la croissance économique [qui] dépassent ses bénéfices depuis plusieurs décennies ».

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FIN DU RÊVE

Retour en 2023, donc, où l’explication de Costanza se remarque à l’œil nu dans notre quotidien.

Quand ce ne sont pas les températures estivales en plein hiver qui nous annoncent que la Terre brûle, ce sont nos portefeuilles qui prennent feu face aux prix grimpants de l’épicerie tandis que nos loyers amorcent une hausse avec laquelle nos salaires peinent à rivaliser et que la précarité et le taux d’itinérance qui s’ensuivent se constatent aussi sans difficulté aux coins de chaque rue de la métropole.

Est-ce à comprendre que rien de tout cela n’existait avant? Que la Terre se portait bien et que la misère n’avait pas encore été inventée? Pas tout à fait (même si, bon, la planète arrivait peut-être mieux à conserver sa température ambiante avant les voyages en jets privés de Kylie Jenner).

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En fait, la différence majeure est que s’il était possible d’ignorer la réalité du monde hier, aujourd’hui, il y a Internet pour nous la rappeler sans cesse.

car soudain, tout est étalé sous nos yeux : les incendies, la pollution, les sécheresses, la fonte des glaces, la guerre et ses victimes, la pauvreté extrême et jeff bezos.

On ne peut donc ni échapper à la misère du monde, ni au rôle qu’on y joue, de façon consciente ou non.

Un habit que l’on aurait acheté à très bas prix n’est donc jamais qu’une simple bonne affaire, mais plutôt le fruit du labeur mal payé d’un travailleur exploité à l’autre bout du monde. Cet iPhone flambant neuf n’est entre mes mains que parce qu’un enfant de six ans a risqué sa vie pour extraire du cobalt dans une mine congolaise. D’une publication à l’autre, les réseaux sociaux nous montrent le prix d’un confort pris pour acquis.

Et la conséquence de cette spirale d’« hyper-information » est une anxiété grandissante, une impression que l’étau se referme au fil du bombardement d’information.

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Ce qui explique qu’en 2021, Statistiques Canada recense à 20 % le nombre d’utilisateurs de moins de 30 ans déprimés ou anxieux à cause des réseaux sociaux, contre 12 % chez ceux entre 35 et 49 ans. Et rien que l’arrivée de Facebook est parvenue à faire monter de 57 % la courbe du taux de suicide chez les Américains âgés entre 10 et 24 ans entre 2007 et 2017, selon une étude du National Vital Statistics Report.

Difficile, donc, de voir le bon quand notre écran ne nous rappelle que le mauvais.

UN MAL POUR UN BIEN

Et rien ne s’arrange lorsqu’on apprend que le cerveau humain n’est calibré que pour retenir le pire et cruellement minimiser le meilleur.

En psychologie, cette propension se nomme « biais négatif » – ou encore « asymétrie positive-négative » – et consiste, comme l’explique la page Very Well Mind, à « non seulement enregistrer plus facilement les stimuli négatifs, mais aussi à nous attarder sur ces événements ».

« Ce biais de négativité signifie que nous ressentons la piqûre d’une réprimande plus puissamment que la joie d’une louange », peut-on lire encore.

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Il faut donc souvent du temps pour que cette asymétrie s’équilibre et que l’excès de mauvais laisse remonter à la surface ce que l’année a aussi pu engendrer de bon.

Se pourrait-il donc que le 29 décembre soit trop tôt pour déclarer que toute l’année 2023 est à jeter? Fort probablement. D’autant plus que le temps est le plus souvent ce qui vient apporter du sens et une continuité à des événements qui nous semblaient isolés.

« Les gens n’oublient pas leurs mauvaises expériences. Au lieu de cela, avec le temps, les mauvaises expériences sont perçues comme étant meilleures qu’elles ne l’étaient réellement. » – Behavioral Scientist.

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Attention toutefois à ne pas trop idéaliser le passé, comme prévient le média Behavioral Scientist en nous parlant cette fois-ci de « préférences nostalgiques ».

« Qu’il s’agisse de musique, de films, d’émissions de télévision, de voitures ou de la qualité des acteurs et actrices, les gens ont tendance à préférer les expériences passées à celles du présent », explique-t-il, citant l’accessibilité du souvenir et leur propre perception comme les deux biais cognitifs aidant à cette préférence.

La solution serait donc de considérer un mal présent pour un bien futur; 2020 en a d’ailleurs été une belle preuve.

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Lorsque George Floyd a été assassiné, c’est le monde entier qui a retenu son souffle virtuel, paralysé par cet acte horrifique. Pourtant, cette même population s’est levée d’un seul mouvement au fil des semaines suivantes, bravant les limitations de la pandémie, pour faire de Black Lives Matter un mouvement planétaire.

HEUREUX, COMME LA FINLANDE

Autre option pour être heureux : prendre une page dans le livre des Finlandais, ce peuple qui, par le plus grand des miracles, parvient toujours à conserver le même taux de bonheur, année après année.

Si une partie de ce bonheur constant est grandement dû à des raisons circonstancielles et systémiques (accès plus immédiat à la nature, temps de travail plus réglementé, peu d’inégalités de genres ou de classes sociales…), les notions de choix personnel et de vision réaliste de la vie sont aussi à prendre en compte.

Traduit en acte, cela signifierait donc de répondre un « non » franc et honnête lorsqu’on vous demande si vous allez bien, plutôt qu’un « oui » automatique et poli, par exemple.

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« Il y a plus de tolérance à dire “ce n’est pas bon” ou “je ne me sens pas bien” », explique Meri Larivaara, directrice des affaires stratégiques de l’association Mieli Mental Health Finland, au Huffpost.

Moins d’œillères et de sensationnalisme, aussi, autour de la définition du bonheur. En effet, pour les Finlandais, celui-ci peut tout simplement correspondre à un état de contentement et de paix intérieure, et non à cette vague euphorique qu’on le pense souvent être.

« Pour nous, le bonheur n’est pas obligatoirement cette émotion unique et très intense. Il est donc plus facile d’être heureux », poursuit Meri Larivaara.

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Plus d’excuses pour ne plus être positif en toutes circonstances, donc!

Avec ces outils en main, vous pouvez désormais envisager un futur sans limites, avec optimisme. Et être optimiste, c’est penser que si 2023 n’a pas été la pire année, 2024 a encore le potentiel de l’être.