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À peu près tout le monde a déjà entendu le nom de Fermont, souvent parce que Colette Provencher dit le nom en faisant sa météo. Tout au plus, ils ont entendu parler de son mur et que c’est quelque part dans le nord, comme Chibougamau et la Baie-James. Ça sonne loin, ça sonne nordique, ça sonne «j’irai jamais là.» Peu de gens visitent la région pour le plaisir, malgré sa beauté et son potentiel récréotouristique – qui est sous-exploité, avouons-le.

1- Ville minière
Comme son nom l’indique, Fermont est intiment lié au fer. En fait, si on inclut les mines de Labrador City, il s’extrait en ce moment plus de 45 millions de tonnes de fer annuellement. Et ce chiffre grimpera encore au cours des prochains mois alors que deux minières procèdent à des agrandissements et que des rumeurs d’agrandissement circulent ardemment autour d’une autre. Selon le ministère des Ressources naturelles du Québec, «95 % de la production [canadienne] de fer est concentrée dans la région frontalière Québec-Labrador.» Pas mêlant, il y a de la poudre de fer partout en ville.

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2- La plus haute ville du Québec
Il existe une expression que l’on assimile rapidement à Fermont: «en bas». C’est simple, «en bas», c’est presque tout le reste de la province. Il faut dire que la ville est à quelques degrés du 53e parallèle. Donc que tu ailles à Port-Cartier, à Québec, à Rimouski ou à Gatineau, tu vas «en bas». Ironiquement, cette expression est apparue bien avant que Radio-Canada ne stipule que Fermont est la ville la plus haute du Québec, perchée à 606 mètres d’altitude, et ce, suite à une chicane entre deux villes (St-Malo en Estrie et St-Zénon dans Lanaudière) qui se disputaient le titre – et qui ne sont finalement même pas dans le top3.

3- Le bar de danseuse
Le seul véritable bar de Fermont est le bar de danseuses, la Fer-Thèque (je n’ai toujours pas compris le nom). Il y a aussi un bar-restaurant – dit la brasserie, mais voilà, c’est un bar-restaurant. Zéro ambiance. Chez les danseuses, tu y croises donc tout le monde, autant des conseillers municipaux que des professeurs, des infirmières, des policiers, etc. La clientèle se divise en trois catégories: ceux qui sont là pour boire, ceux qui sont là pour jouer aux loteries vidéo et ceux qui sont là pour les danseuses. Celles-ci viennent d’en bas et ne sont là qu’une semaine, un nouveau lot débarque tous les mercredis. Ce qui crée, comme par hasard, un attroupement de garçons autour du bar, les mercredis (question de checker la nouvelle marchandise, probablement).

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4- Plus qu’un mur
Oui, il y a bel et bien un mur à Fermont, mais il y a aussi une «banlieue», c’est-à-dire les maisons autour du mur, où vit la majorité de la population. Le mur, long d’un kilomètre et demi et en forme de «L», contient à la fois des appartements, le centre d’achat, le centre récréatif, la mairie et d’autres affaires, comme le bar de danseuses. Oui, en théorie, quelqu’un peut y passer quelques mois sans avoir à en sortir, pour autant que son logement et son boulot soient dans le mur, ce qui n’est pas le cas pour la plupart du monde. D’ailleurs, si vous voulez fâcher un Fermontois, demandez-lui si les gens se promènent en pyjama dans le mur. Cette légende urbaine n’est pas fondée. Les très rares personnes que j’ai vues se promener ainsi dans le mur sont des touristes (des danseuses en fait) séjournant à l’hôtel (qui est dans le mur, évidemment).

5- Où les humoristes rient tous de l’hôtel

C’est immanquable. Quand un humoriste débarque à Fermont – oui, il y a des spectacles là-bas, une trentaine par année, il commence son spectacle en riant de l’Hôtel Fermont. Construit il y a 35 ans et jamais rénové depuis (peut-être même jamais entretenu depuis), l’endroit fait un peu dur, en effet. Par exemple, L’un rit de l’odeur, l’autre des couleurs, de la décoration ou du service aux chambres inexistant. Et est-ce le public a un malaise? Non! Il rigole avec l’humoriste! Ça en dit long…

6- On magasine chez les Newfies
À une vingtaine de minutes de Fermont se trouvent les villes de Labrador City et de Wabush. Ces deux villes sont tellement collées qu’elles semblent en former qu’une seule de 12 000 habitants, soit le quadruple de Fermont. Il va donc dire que le Wal-Mart, le McDo, le Subway et le Tim sont au Labrador et non au Québec. Les Fermontois sont donc régulièrement dans les magasins de l’autre côté de la frontière. Inversement, les Labradoriens viennent veiller à Fermont, profitant du décalage d’une heure entre le Québec et le Labrador. Est-ce les Newfies sont colons comme dans nos blagues? Disons qu’ils sont lents, en effet, mais pas intellectuellement, le stress ne semble juste pas dans leur gêne. Mais ils sont ben gentils.

7- Ville de riches

Le plus haut salaire moyen du Québec est à Fermont, et de loin. Alors que la province affiche un salaire moyen de 44 000$ – oui, moi aussi je me trouve pauvre, la ville du fer présente une moyenne de 71 000$. Et encore, si on prend le salaire moyen chez les hommes seulement, on grimpe à 90 500$ (et n’est que de 41 000$ chez les femmes – injustice, je sais). Il faut comprendre que la moitié de la ville travaille pour l’une des deux minières – et vous aurez compris que c’est principalement les hommes.

8- La hantise des camionneurs

Ce n’est pas facile se rendre à Fermont. Il y a une route, la 389, à partir de Baie-Comeau, longue de 560 kilomètres. Sur cette route, vous croisez des arbres, Manic-5, des arbres, une halte routière et… ah oui, des lacs. Aucun village. C’est tout en courbe de Baie-Comeau à Manic-5 – comme si ça avait été fait pour donner mal au cœur. Ensuite, on tombe sur une route de terre. Oh, il y a une petite partie asphaltée un moment donné, mais c’est principalement en terre. Je l’ai déjà fait en 6h30 et certains Fermontois se vantent de temps plus rapide, mais la moyenne est de 7h à 8h… quand la route est belle.

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Sincèrement, c’est la plus belle route de bois que j’ai faite de ma vie, et j’en ai fait. Sauf qu’elle sert plus qu’une route de bois, c’est une route nationale, c’est la Trans-Québec-Labrador. C’est ça, le hic. Une expérience à vivre au moins une fois – mais vous allez la faire deux fois, puisqu’il vous faudra revenir sur vos pas.

Certains diront qu’il y a l’avion. En effet, mais il faut avoir le porte-feuille pour le prendre, cet avion. Au moment d’écrire ces lignes, un simple aller Montréal-Wabush (c’est là qu’est l’aéroport) varie de 400$ à 1300$, selon le jour du départ. Il y a aussi un train qui part de Sept-Îles et qui s’arrête à 25 minutes à l’est de Wabush (et donc environ 45 minutes de Fermont)… mais faut encore se rendre à Sept-Îles, peu pratique pour les gens à l’extérieur de la Côte-Nord.

9- L’enfer des célibataires

Le cliché veut qu’il y ait 10 filles pour un gars au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est le contraire à Fermont. En fait, on doit être près de l’égalité, sauf lorsqu’on scrute la catégorie «célibataires». La majorité des Fermontoises sont là parce qu’elles ont suivi leur conjoint. Mais plusieurs hommes célibataires sont là pour le boulot. En entrevue pour le magazine Jobboom, une célibataire avait confié se sentir comme un steak, parfois. Une phrase qu’elle a par la suite regrettée, mais que les rares filles célibataires ont approuvée.

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10- Impossible d’y mourir
À Fermont, il n’y a aucun cimetière. Et très peu de personnes âgées. La plupart des gens partent à la retraite. Et la retraite peut être assez jeune. Elle s’acquiert après 30 ans de services à la minière. Il y en a qui tombe donc à la retraite à 50 ans! En ce moment, la ville fait face à ses premiers retraités voulant demeurer dans la région. Ils sont une minorité, sauf qu’à Fermont, pas d’emploi, pas de logement, puisqu’ils appartiennent à l’employeur. C’est la crise totale. Inversement, plusieurs parlent comme s’ils étaient en prison: «Y me reste 8 ans à faire.»

11- La vraie ville de la nature
Val-Bélair se disait la Ville de la nature: pff! À Fermont, le skidoo est stationné dans la cour et la trail passe l’autre bord de la rue, si ce n’est pas dans ta cour directement. Il y a même des stationnements publics pour les skidoos autour du mur. C’est aussi des milliers de lacs – bon, il y en a un qui est rouge, mais la mine dit que c’est normal… – des forêts d’épinettes à perte de vue, le paradis de la raquette, du vélo, de la randonnée pédestre, de la chasse, de la pêche, toutes des affaires que je n’ai pas faites durant mes 18 mois là-bas. Mais je garde surtout le souvenir d’une nature sauvage, encore très peu touchée par l’homme, des pleines lunes éclatantes, de la pureté de la neige, du grand air, du silence… et des *$&!# de mouches. Bref, le bonheur du chalet non-stop. Sérieusement, il y a un réel bien-être là-bas.

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Autre ville de la semaine: Sept-Îles, Sept-Îles en images

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