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Est-ce que la vie est plate, ou JE suis plate ?

Comment renouer avec une part de soi dans la sobriété?

Par
Magali Saint-Vincent
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On s’entend tous pour dire qu’on passerait outre cette période de l’année. Le soleil se pointe à son quart de travail aux mêmes heures qu’un employé qui a déjà donné sa démission, j’ai connu de la MDMA qui embarquait plus vite que la maudite vitamine D recommandée par mon pharmacien, et ce serait vraiment le moment que le Romano Fafard parte en mission pour nous trouver une nouvelle planète, parce que c’est juste rendu souffrant d’être un Terrien.

Malgré tout ça, je m’arrête parfois pour me rappeler d’être dans la gratitude d’être abstinente à l’alcool et à n’importe quoi qui pourrait me donner envie d’en virer toute une. C’est super, la sobriété, je ne changerais rien, mais des fois, des toutes petites fois, surtout quand la vie autour est aussi grise, c’est plate en jésuite.

C’était le fun, l’époque où je pouvais m’accorder un sursis de responsabilité un jeudi soir avec mes amies. Je me souviens du doux sentiment de savoir pertinemment qu’on allait l’échapper. Qu’on avait prévu prendre un seul verre, mais qu’on a toutes consenti secrètement dans nos têtes à une autre sorte de soirée. Comme il était bon d’être enivrée au point d’oublier le compte en banque vide, les obligations, la brassée de linge que je n’ai pas sortie de la laveuse avant de partir de chez nous.

L’affaire, c’est que la plupart du temps, je gâchais pour moi et les autres ce moment suspendu en voulant me battre, brailler, ou disparaître en inquiétant tout le monde.

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Ça, je ne m’en ennuie pas du tout. C’est même ce qui me garde abstinente.

Il m’arrive par contre d’être nostalgique du chaos. J’étais un hot mess. J’avais un manteau doré, des trous dans mes bas de nylon, des cheveux jamais peignés. Un genre de Avril Lavigne en 2006 qui serait passée dans un nuage de glitters. Une comète qu’on regarde briller comme un grand spectacle dans le ciel en espérant qu’elle n’entre pas en collision avec quoi que ce soit. Je dansais, je riais fort, je pouvais chanter toutes les tounes des cartables collants du karaoké de l’Astral 2000. Mais ce que je ne dois jamais oublier, c’est que comme une comète qui passe trop près du soleil, j’ai fini par me brûler et mourir bien avant que la lumière disparaisse aux yeux des autres.

Le bout où je me brûle, ce n’est pas moi, c’est la maladie de l’alcoolisme. Le party, les brillants, la joie de vivre, ça, c’est moi. Je l’ai oublié, ces derniers temps. Me voici, presque 4 ans d’abstinence plus tard, emprisonnée dans ma tour d’ivoire de basic white bitch, de clean girl aesthetic, où le plaisir de voir un comptoir bien propre l’emporte sur une soirée avec les amis où je me couche plus tard que prévu. Bref, je suis rendue vraiment plate. Je suis rendue loin de moi. En arrêtant de boire, j’ai voulu reprendre le contrôle sur tout, avoir l’air organisée aux yeux des autres. Je suis devenue sérieuse, certes, mais aussi beige et, honnêtement, psychorigide.

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Dans les dernières semaines, j’ai fait la liste de ce dont je m’ennuie de l’ancienne Magali. J’ai écarté les bouts misérables, j’ai tenté de trouver le diamant dans les souvenirs boueux. J’ai fait la liste des choses que j’aimais et que je n’avais pas vues depuis longtemps. Finalement, j’ai réalisé que j’avais besoin de remettre de la couleur dans ma vie. Parce que même sobre, je ne serai jamais une fille de demi-mesures, mes cheveux ne seront jamais placés en sleek bun. Je suis maximaliste, bruyante.

Je suis chanceuse dans tout ça. J’ai un nouvel ami qui tripe un peu trop sur Marketplace et qui m’envoie des morceaux funkys aux 20 minutes, environ. J’en achète, parfois. Ça peut avoir l’air hyper superficiel, mais en achetant deux, trois morceaux vintage, j’ai l’impression d’enfin me retrouver.

Je reste plus souvent pour parler aux gens après mes spectacles, dans les bars.

Je prends une bière sans alcool, comme ça, dans la mer de monde, j’ai ma bouée et je peux naviguer. Venez donc me jaser, vous m’aidez plus que vous ne le pensez.

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Surtout, surtout : je me permets de me tromper. Quand j’étais alcoolique, je n’étais qu’échec, et c’était bien correct ! Dans tout le manque d’amour que je pouvais me faire vivre, j’étais toujours empathique envers la version de moi qui apprenait. Dans la sobriété, je m’en demande trop. On dirait que je me dis : maintenant, tu as les moyens de ne pas l’échapper, alors ne te trompe jamais.

Dans l’abstinence, j’ai oublié ma douceur. Sans baisser mes gardes, tout en restant vigilante, je peux reconnecter avec ce qui est amusant. Je peux laisser mes bobettes pas pliées et aller rejoindre du monde dans un party. Je peux commencer à me faire confiance.