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Les alcooliques anonymes, c’est cool

C’est la fin de l’alcoolisme, mais pas la fin du plaisir

Par
Magali Saint-Vincent
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C’est le mois de l’Halloween et de la dĂ©pression saisonniĂšre pour ceux qui ont oubliĂ© de sortir leur lampe de luminothĂ©rapie et de commencer le traitement dĂšs le mois de juin. Le temps est propice pour vous raconter des histoires d’épouvante sur les activitĂ©s d’une sociĂ©tĂ© qui se cache dans nos salles polyvalentes et nos sous-sols d’église, trĂšs tard le soir. Comme dirait Casper : Spooky.

Je parle d’une association avec des membres anonymes. Par principe, je citerai la cĂ©lĂšbre Ă©mission Frissons, grand succĂšs de feu Canal Famille : « Cette histoire est arrivĂ©e Ă  l’amie d’une de mes amies. »

Appelons-la Sandra. Sandra est une femme fringante et de bon goĂ»t, bien entourĂ©e de gens festifs. Une seule ombre au tableau : comme un loup-garou, Ă  la pleine lune (et Ă  toutes les lunes possibles, bien franchement) elle devient une terrible bĂȘte en quĂȘte d’amaretto sour jusqu’à plus soif.

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Vient un temps oĂč Sandra s’isole, gĂȘnĂ©e de se mĂ©tamorphoser bien malgrĂ© elle dĂšs la tombĂ©e de la nuit. Elle se sent comme un monstre. Un soir, en pleine dĂ©bandade, Sandra rencontre une femme fantastique, aux grands cheveux, aux yeux brillants, un spĂ©cimen qui semble flotter tellement elle semble heureuse. Est-ce un ange, une fĂ©e, une elfe ? Non, c’est juste une rĂ©sidente de Villeray qui a une bonne hygiĂšne de vie. Elle a arrĂȘtĂ© de boire et est prĂȘte Ă  aider Sandra sans retour. Étrange, Ă©trange.

Ça existe encore, des humains prĂȘts Ă  aider d’autres humains sans vouloir quoi que ce soit en retour? Sandra doit aller rencontrer la fĂ©e dans un sous-sol d’église qui manque d’amour depuis au moins la RĂ©volution tranquille, un lundi soir, Ă  20 heures. Elle se dit que d’ĂȘtre ici au lieu d’ĂȘtre en train de boire, c’est bien ça, le fond du baril.

Sandra fait confiance Ă  la fille Ă  la voix douce, et entre dans le sous-sol. Ça parle fort, ça rit fort, les bancs craquent sous la prĂ©sence d’autant de membres. Il fait chaud d’une chaleur Ă  laquelle Sandra n’est pas habituĂ©e. La chaleur de la sĂ©curitĂ©.

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La rĂ©union commence. Sandra pensait que ça allait ĂȘtre comme dans les films. Beige, triste, avec des voix monotones qui se disent Ă  l’unisson : « Bonjour, Paul. Bonjour, Monique. » Le bon Dieu par-ci, par-lĂ . Des gens qui pleurent, des gens qui toussent tristement dans le fond d’une piĂšce Ă©cho. Mais donnez-leur une pastille, pour l’amour.

Contre toute attente, Sandra assiste Ă  un tĂ©moignage trĂšs peu chrĂ©tien d’une durĂ©e de prĂšs de 50 minutes d’une femme tellement drĂŽle qu’elle pourrait avoir son propre one woman show. Sandra rit, et pleure aussi, par moments. Elle se reconnaĂźt dans une dame qu’elle aurait autrefois jugĂ©e, du haut de son gros ego. Il y a quelque chose qui s’exorcise, mais ça ne fait pas mal, Ă©tonnamment.

À la fin de la rĂ©union, on demande s’il y a des nouveaux. L’amie d’une de mes amies ne veut pas se lever. Elle a peur que quelqu’un la reconnaisse. Sandra se voit comme malade et la salle la voit en rĂ©tablissement. Sandra se voit comme une alcoolique, les autres la voient comme une humaine qui veut s’affranchir de ce qui l’empĂȘche de devenir la meilleure version d‘elle-mĂȘme. Quelqu’un dit Ă  Sandra : « On va t’aimer jusqu’à tant que tu t’aimes. »

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Sandra dit : « Okk, c’est beau, je vais aller le chercher mon jeton. »

Notre bonne amie chemine avec les Alcooliques Anonymes, depuis. Il y a eu une pĂ©riode d’adaptation. Le mot « Dieu » est prĂ©sent. Elle a changĂ© ça pour « puissance supĂ©rieure », comme le font bien des membres, d’ailleurs. Elle n’a pas eu Ă  chercher loin pour trouver quelque chose de plus grand qu’elle. La puissance du groupe, c’est bien en masse.

Rapidement, les salles sont devenues un endroit rassurant. C’est quand mĂȘme fascinant, qu’en 2023, il existe encore des gens qui partagent leurs histoires dans la sĂ©curitĂ© de l’anonymat, ensemble. C’est gratuit, en plus. Et si jamais elle ne peut pas se dĂ©placer, il y a les rencontres virtuelles.

Elle assiste Ă  des rĂ©unions, les vendredis soirs, des rĂ©unions avec des gens cools, habillĂ©s beau, des gens inspirants qui sont au sommet de leur forme. Elle sort avec eux aprĂšs, boire du cafĂ©, se coucher tard. C’est la fin de l’alcoolisme, pas la fin du plaisir.

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Le sentiment de sécurité, le travail que les 12 étapes requiÚrent, le résultat de ce processus, Sandra le souhaite à tout le monde qui en a besoin.

Si tu as un problĂšme de consommation, peu importe lequel, il existe une fraternitĂ© anonyme pour t’aider. Si tu as besoin d’un signe pour que tu fasses le premier pas, le voilĂ . Il n’y a aucun engagement, ce n’est pas une secte. C’est un peu bizarre, certes, mais c’est moins bizarre que ta vie dans la consommation, je te le jure. Et tu vas voir, les AA, c’est cool.

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