L’autrice est sexologue. Pour encore plus de conseils éclairés, visitez son compte Instagram et son blogue La Tête dans le cul.
« Quand j’écoute ce balado populaire sur le sexe, ça me stresse. On dirait que ça me fait réaliser que j’ai pas tant essayé de choses dans ma sexualité… »
« J’ai l’impression que tout le monde parle de BDSM ces temps-ci. Je suis-tu poche si ça m’intéresse pas? »
« Je peux-tu aimer le sexe doux et romantique? »
C’est le genre de phrases qu’on peut entendre dans le bureau d’un.e sexologue, là où se délient les langues et où s’avouent les craintes et angoisses liées à la sexualité.
Car il y en a! Des tas, à part ça. Et, depuis un moment, je remarque que celles-ci tournent presque toutes autour d’une même question : si nos pratiques sexuelles ne sont pas kinky ou minimalement excitantes, sont-elles nécessairement ennuyeuses? Si on n’a que de la sexualité dite vanille, point de salut?
Eh bien, non.
Pour vrai.
UNE SAVEUR (QUASI) UNIVERSELLE
Pour celles et ceux qui se demandent pourquoi je mélange saveur sucrée et sexe, sachez que l’appellation « vanille » provient de communautés marginales des années 1970. Elles souhaitaient faire la distinction entre la sexualité normative et celle plus kinky.
Quoi de mieux que d’utiliser des saveurs de crème glacée pour départager le tout! On a donc commencé à parler de sexualité « vanille » – une saveur neutre, de base – pour désigner une sexualité considérée conventionnelle et orientée vers des pratiques traditionnelles. Genre, le missionnaire, dans un lit. Et les pratiques plus olé olé? (Je sais, cette expression devrait être proscrite.) Elles incluent toutes les saveurs de crèmes à glace qui restent, de la pistache à l’huile d’olive, en passant par le kumquat (ce mot me fait mourir) et le wasabi (sans blague).
La vanille est-elle la saveur la plus funky ever? Non. Mais elle peut être bonne en maudit.
Et, pour rester dans les métaphores culinaires, sachez qu’il y en a différents types. Parfois, on a envie d’un gâteau à la vanille cheap de l’épicerie, et, d’autres fois, on veut le dessert fancy d’un resto chic, avec de la vraie gousse de vanille infusée dans un rhum cubain vieilli cinq ans.
Bref, la vanille n’est pas plate ; elle est pleine de nuances, si on se donne la peine de l’explorer.
50 NUANCES DE VANILLE
Pour les sceptiques, voici quelques raisons pour lesquelles le sexe vanille peut être satisfaisant :
La familiarité : reprendre des gestes appréciés et revenir à un contexte qu’on connaît, ça peut être rassurant pour bien des gens. Et qui dit rassurant, dit détente et lâcher prise. Des ingrédients pour avoir beaucoup de plaisir.
La simplicité : nos vies regorgent d’éléments complexes à gérer ; on peut alors se satisfaire d’échanges intimes qui se font simplement, sans trop devoir faire preuve d’originalité ou se casser la tête.
La connexion intime : pour beaucoup de gens, le fait d’être dans le dépouillement total et la simplicité amène un sentiment de connexion plus grande avec son, sa ou ses partenaires (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas possible dans des pratiques plus élaborées!).
La réduction du stress : dans certains cas, cela peut aussi contribuer à rendre les relations sexuelles moins performatives* étant donné la simplicité qui y est rattachée.
L’exploration : la sexualité vanille ne rime pas nécessairement avec « faire la planche ». On peut avoir des pratiques érotiques variées via les caresses, les baisers, la création d’une atmosphère, les paroles échangées, etc.
PRESSION ≠ PLAISIR
Si, comme sexologue, je prône toujours la curiosité et l’exploration pour se doter d’un coffre à outils varié, je ne cautionne toutefois pas la pression qui vient souvent avec. Dans un monde idéal, on devrait pouvoir vivre sa sexualité comme on l’entend et ne pas se soucier de ce que les autres en pensent. Mais c’est un vœu pieux : on est tous.tes influencé.e.s, à plus ou moins grande échelle, par notre environnement immédiat et la société. Les plateformes sociales, les balados sur la sexualité, les coachs de vie (mes prefs) et le porno sont souvent là pour nous rappeler les dernières tendances à suivre. Et oui, ça crée de la pression.
Quand on sait qu’Instagram et TikTok nous incitent à consommer davantage (et c’est documenté), doit-on s’étonner que les pratiques sexuelles soient aussi touchées par cette frénésie de la nouveauté et de l’exploration à tout crin?
Seulement, tout ça ne rime pas automatiquement avec plaisir. Tout comme le sexe vanille n’est pas l’affaire la plus l’fun pour quelqu’un.e qui n’a aucun intérêt pour ça.
UN DÉBAT FUTILE
En fait, ça revient à ceci : il n’y a pas UNE bonne façon de vivre sa sexualité. Vous aimez le sexe plus conventionnel? C’est super. Vous êtes plus du type BDSM? Génial. Vous appréciez un joyeux mélange des deux? Parfait. Votre sexualité ne se situe nulle part entre ces univers? Pas de problème. (Tant que c’est légal et consenti, on s’entend.)
Rien ne vous oblige à choisir un camp ou l’autre. J’irais même jusqu’à dire que ce débat n’a pas lieu d’être. Parce que la sexualité se compose d’un amalgame de pratiques qui pigent d’un côté comme de l’autre et bien au-delà.
La morale de cette histoire? Être vanille n’a rien de plate. C’est de voir la sexualité comme deux pôles opposés et de ne pas pouvoir choisir ce qu’on a envie de faire, sous peine d’être jugé, qui l’est.
*Rappelons-nous que l’anxiété de performance peut survenir aussi bien dans une relation sexuelle vanille qu’une relation sexuelle kinky.
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