Bon. Mea culpa. Coupable, pis toute.
Je sais que je fais partie de ces personnes qui répètent fréquemment que la sexualité doit aller plus loin que la seule pénétration. Et, en tapant sur ce clou à répétition, j’ai peut-être contribué à créer une autre injonction, soit celle de s’éloigner à tout prix de l’acte pénétratif. Et ce, même si j’ai souvent dit que, dans la sexualité, you do you, et c’est très bien comme ça.
Cela dit, j’y crois. Pas parce que la pénétration, c’est mal. Au contraire, ça peut être vachement l’fun! Ce que je souhaite, c’est plutôt qu’on arrête de ne mettre l’accent que sur celle-ci. Parce que, pour bien des gens, l’acte sexuel se limite encore à cette action. Résultat? On hiérarchise les pratiques sexuelles. Comme si frencher, doigter ou avoir du sexe oral ne se qualifiaient pas comme des actes sexuels complets.
Alors, comment élargir notre conception de la sexualité sans créer une nouvelle norme excluante ?
Pourquoi on trippe autant sur la pénétration?
Pour beaucoup de gens de différentes générations, cette idée s’est ancrée dès la petite enfance. Les histoires de papas, de mamans et de graines (huhu) semées dans le ventre de cette dernière ont été légion. Puis, la culture populaire s’en est mêlée en ajoutant une couche de coïts très hétéronormatifs. Et, bien entendu, notre merveilleuse éducation à la sexualité qui a longtemps été 1) absente et, lorsqu’elle est apparue dans le décor, 2) axée sur la reproduction. Et ça, c’est sans oublier le fait qu’on a associé l’orgasme à l’idée de pénétrer et d’être pénétré. Conséquemment, les relations sexuelles ont à peu près toujours été présentées comme une équation systématique entre un pénis et un organe sexuel, vagin ou anus. Sans ça, well, c’est pas tellement du sexe, tsé.
Le problème, c’est le message que ça véhicule : la sexualité n’est valide et entière qu’en s’interpénétrant, ce qui a pour conséquence d’effacer le sexe entre personnes lesbiennes (tsé, même un gode, c’est pas vraiment the thing, croit-on), celles des personnes âgées (tu bandes pus? Ciao, aux rebuts!), en situation de handicap, celles qui souffrent de douleurs chroniques génito-pelviennes et ne peuvent recevoir de pénétration ou, encore, celles qui n’aiment juste pas ça.
De plus, on crée une immense pression de performance pour les personnes avec des pénis et une gêne, voire une honte, si celles-ci n’arrivent pas à « livrer la marchandise ». Cela se répercute d’ailleurs sur nombre de jeunes hommes stressés et anxieux face à leurs capacités sexuelles, et qui en viennent à avoir recours à des béquilles médicales, comme le Viagra.
On en vient aussi à négliger tout ce qui sort de la pénétration : sexe oral, masturbation, baisers, caresses, massages, jouets sexuels (pénétratifs ou pas), kink et cie.
BON.
Je vous entends déjà : pour quelqu’un qui veut nous convaincre qu’on peut encore aimer ça, ça part mal! 😬
Je sais, je sais.
VIVE LA PÉNÉTRATION?
Sans plus attendre : oui, on a le droit de tripper sur la pénétration. On a aussi le droit d’en faire le centre de sa sexualité.
Je le répète : être pénétré ou pénétrer quelqu’un.e peut être absolument fantastique! Cette pratique peut être jouissive, donner la sensation d’être « rempli.e » (oui, oui) et d’une profonde (no pun intended, quoique…) satisfaction. Elle permet de ressentir une communion et une intimité exceptionnelle avec son ou sa partenaire et peut même être bienfaitrice ou réparatrice. Par exemple, pour la personne qui veut être rassurée par la capacité d’exciter/de se sentir excitée par l’autre et de sentir/montrer son désir ou pour déconstruire une notion de violence qui a été associée à cet acte auparavant.*
Il y a des tas de raisons valides pour en faire une pratique incontournable dans sa vie sexuelle.
Toutefois, elle ne doit pas devenir une obligation pour toustes. Parce que la pénétration en soi n’a rien de problématique.
C’est d’en faire une norme et d’imposer sa pratique qui l’est.
VARIER SA BOÎTE À OUTILS 🧰
Il reste que, comme sexologue, j’essaie toujours d’amener les gens à avoir une sexualité plus fluide et variée. Car, si on mise uniquement sur la pénétration, le jour où ça ne marche pas ou plus, on fait quoi? Y a-t-il d’autres pratiques et options disponibles ou envisageables? Différentes formes de plaisir ont-elles été intégrées? Parce que rien n’empêche de pratiquer la pénétration ET de s’amuser autrement.
Moment métaphore : on peut voir ça comme un coffre à outils. C’est parfaitement valide de préférer certains outils à d’autres; parce qu’on est habitué à ceux-là, parce qu’on les connaît bien, parce qu’ils sont pratiques et qu’on a du plaisir à les utiliser, etc. Mais s’ils ne sont pas à portée de main (ils sont brisés, le coffre est inaccessible, whatever), il faut savoir se revirer de bord et en trouver d’autres avec lesquels s’organiser.
La sexualité est un peu similaire. À un moment, la pénétration peut sembler la chose la plus excitante au monde pour son, sa, ses partenaire(s) et, à un autre, la dernière pratique qu’iels ont envie de faire. Une journée, une personne avec un pénis est en super forme et sent qu’elle peut durer des heures alors que l’autre, elle tough 5 minutes et c’est déjà pas pire.
Bref, on veut éviter d’avoir une recette toute faite et pouvoir jouer avec les différents ingrédients (yep, la métaphore de la cuisine, à c’t’heure).
Au final, vous l’aurez compris, être dans l’ouverture, l’exploration et éviter une trop grande rigidité (à part vous savez où😏), c’est toujours mieux. Ça ouvre des portes vers d’autres horizons et ça permet de réinventer la sexualité à sa guise. (Sans oublier que ça peut aider à contrer la routine qui fait peur à tant de gens.)
Alors, allez-y, ayez du fun avec la pénétration! L’important, c’est d’avoir une sexualité qui vous ressemble, qui vous plaît et qui vous amène du plaisir. Et, surtout, que vous choisissez et qui ne vous est pas imposée.
* Cela dépend évidemment de nombreux éléments comme la dynamique relationnelle, l’impact des traumas, le travail thérapeutique fait en amont, etc.