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Est-on obligé d’avoir des jouets sexuels?

Les jouets sexuels, c’est-tu obligatoire d’en avoir? 

Est-on en train de créer une nouvelle injonction, soit celle de les utiliser à tout prix? 

Par
Myriam Daguzan Bernier
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Récemment, ma collègue Laïma m’a fait remarquer que les entreprises qui vendent des jouets sexuels n’ont plus la même esthétique qu’il y a une vingtaine d’années, quand on se rendait dans des sex shops au mieux mystérieux, au pire carrément glauques. Dorénavant, les jouets sexuels sont disponibles dans certaines boutiques de vêtements et là où l’on trouve de tout, même un ami (vibrant); les pharmacies.

Pour sa part, Instagram pullule de publications cutes qui vantent les mérites de ces outils extraordinaires capables de provoquer 1001 plaisirs. On mise sur une esthétique léchée, des couleurs pastels ou des beiges doux, qui n’est pas sans rappeler celle de Trois fois par jour qui, d’ailleurs, gagnerait probablement à se rebrander. (Trois orgasmes par jour™, c’est vendeur, non? 💦)

En tant que sexologue, je trouve cette évolution géniale. Enfin, on parle ouvertement de ces objets qui, depuis des lustres, nous accompagnent dans nos moments intimes. On délaisse la honte et la gêne qui accompagnent souvent leur achat et, surtout, leur utilisation.

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Parce qu’il y a un tas de bonnes raisons d’en utiliser. J’en discute d’ailleurs sur mon blogue, où je propose aussi un petit guide pour savoir comment bien choisir ses jouets. Mais – car il y en a toujours un! – peut-on le faire sans créer une pression supplémentaire à consommer et se procurer le gadget dernier cri?

RÉCUPÉRER LA TENDANCE SELF-CARE

Remontons cinq ans en arrière, à une époque où nous étions tous.tes confiné.e.s chez nous, tentant de survivre à une réalité terrifiante : la pandémie. Pour se sortir du marasme et combler un manque d’intimité avec autrui, beaucoup ont acheté des jouets sexuels en ligne. Résultat? Un incroyable boom pour ce marché déjà prolifique et, par le fait même, des discussions plus ouvertes sur le sujet du plaisir en solo. Même le gouvernement s’en est mêlé, en affirmant que « les activités sexuelles les moins risquées […] sont celles où vous êtes seul ».

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On avait là un beau rappel que la sexualité n’est pas qu’intime, elle est aussi politique.

Il y a donc eu cette ouverture à parler plus librement de plaisir solitaire, mais aussi de l’utilisation de jouets sexuels. On a, en quelque sorte, démocratisé le sujet. Et les entreprises de sex toys – dont plusieurs québécoises – ont fleuri et se sont imposées dans nos feed de nouvelles. Elles ont aussi emboîté le pas de la tendance self-care. On n’est plus tant dans une consommation un peu wild et kinky, mais dans un ton vraiment plus décomplexé, donnant au jouet sexuel la même place au sein de notre quotidien qu’une crème de jour dans sa routine de skincare. D’ailleurs, il n’est pas rare que sur les sites de ces compagnies se côtoient des produits de beauté, des jeux, des livres et, bien sûr, des jouets sexuels. Le kit parfait pour passer la fin de semaine à rot in bed?

Ajoutons à cela que ces objets ont de plus en plus un look mignon, où le rose, le pêche et les formes organiques l’emportent sur l’apparence figée du traditionnel magic wand. Ça donne quasiment envie de les mettre en display sur son Kallax IKEA.

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ACHETER, CONSOMMER, JETER

Mais qu’y a-t-il de mal là-dedans? C’est merveilleux, non, qu’on puisse avoir une si grande quantité de jouets, dont un tas qui ont l’air de savoureux savons qui sortent tout droit de chez Lush? (Vous trouvez pas?)

Oui, tout ça est bel et bien positif. Par contre, il y a lieu de se demander si on n’est pas en train de se créer des besoins, tout en laissant entendre que, sans ces jouets, la sexualité est plate.

Entendons-nous; les entreprises ne sont pas là pour shamer celles et ceux qui n’utilisent pas ces objets. Mais il faut porter attention au fait que, pour bien des gens encore, l’accès aux jouets sexuels est peu évident. La gêne, la honte, le budget serré, la crainte de ne pas aimer ça, la peur de ne pas choisir le bon produit et de perdre son argent, le sentiment d’incompétence face aux jouets, la crainte de trouver la sexualité plate après, la réticence face à l’aspect mécanique de la chose, l’impression d’avoir à performer son intimité : les raisons sont multiples et valides.

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De plus, la tendance « Instagram (ou TikTok) made me buy it » est bien réelle. Plusieurs études se sont intéressées aux achats impulsifs effectués via les plateformes sociales et… the struggle is real. Les Gen Z sont particulièrement touchés par cette réalité et l’urgence d’acheter fait partie des habitudes de consommation de nombreuses personnes (🙋‍♀️).

Et ça, c’est sans oublier la planète qui va mal et les questions, elles aussi bien réelles, de gestion des déchets électroniques (que sont ou deviennent les jouets sexuels), qui en préoccupent plusieurs.

Rappelons-nous que les jouets sexuels sont avant tout des outils nous permettant d’explorer et d’avoir du plaisir sans toutefois être une condition ni une prescription pour y accéder. Avoir une sexualité l’fun et épanouie est avant tout une question d’authenticité et de présence.

Et ça, on a beau avoir le meilleur jouet sexuel au monde, ça doit avant tout venir de vous.

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