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La ligue des vétérans

Par
Simon Painchaud
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Ce texte est tiré du #27 : Spécial âge d’or.

Le mollet galbé, l’oeil vif et le partiel bien en place, ils repoussent chaque jour les limites établies du mot septuagénaire.

À travers une activité physique quotidienne et la pratique de sport de haut niveau, des vieux donnent des palpitations cardiaques à la vie. Portrait de cinq sportifs qui ont encore quelques trucs dans leur vieux sac et qui clancheraient n’importe quel hipster, avec une main dans le dos et l’autre en train de piger dans le bol à paparmanes.

Gérard Agouès: Escrimeur

– Âge : 70 ans
– Taille : 5′ 6”
– Poids : 158 LBS
– Exploit : A remporté toutes les médailles par discipline lors des championnats canadiens de 1972.

Dans les yeux de Gérard, on peut voir des flammèches, comme celles que font deux fleurets qui se croisent. Originaire du sud de la France, il est déménagé au Québec à 19 ans, où il a développé son intérêt pour son sport de combat. Pour lui, faire de l’escrime, c’est comme « jouer aux échecs, mais à 100km/h ». Et plus que ça encore : l’escrime, c’est sa vie. À l’ensemble des sphères de son existence, il applique d’ailleurs les valeurs de son sport : la confiance en soi, la rigueur et le respect.

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Perché du haut de ses 70 ans, le regard aiguisé, Gérard manie le fleuret et le sabre huit heures par semaine en raison des cours qu’ils donnent à de jeunes étudiants du secondaire. À ses élèves, il enseigne entre autres que l’adversaire n’est pas la personne devant nous, mais soi-même. Il leur apprend aussi que la victoire n’est pas nécessairement le meilleur coach. «Dans l’euphorie de la victoire, on oublie souvent pourquoi on a gagné. Dans la défaite, on se demande pourquoi on a perdu».

Bien qu’il ait pris part aux plus grandes compétitions internationales d’escrime, Gérard a rencontré son plus adversaire le plus coriace il y a 10 ans : l’arthrose, qui l’a forcé à se faire remplacer les deux hanches. «Ça m’a pris deux ans pour me remettre sur pied, dit-il. J’ai été obligé de rebâtir toute ma musculature». Après s’être relevé, Gérard a repris la compétition des circuits vétérans pour les 40 ans et plus. Son désir de recommencer était trop fort. «Mon premier adversaire a été un petit jeune de 48 ans, dit-il. Je l’ai battu et j’ai gagné la médaille d’or».

Gilles Paquette, balle molle

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– Âge : 75
– Grandeur : 5’11”
– Poids : 180 LB
– Exploit : Son premier marathon : il était tellement fier qu’il est arrivé au fil d’arrivée en pleurant.

Après une game de softball, quand les gars demandent à Gilles ce qu’il fait pour être encore aussi en forme à son âge, il leur répond toujours qu’il est «chanceux» et qu’il a une «bonne génétique». Ex-trompettiste dans l’armée canadienne et arrêt-court pour la ligue des baby-boomers de Saint-Hubert, il est le doyen de l’association.

C’est un vrai gars d’équipe. «L’esprit de groupe, c’est ce qui me motive à jouer, dit-il. Des fois, je pourrais manquer une joute, parce que mon bras est raide ou parce que j’ai un petit mal de dos, mais je le fais pas. Je veux pas laisser tomber les gars.»

Cousin éloigné de Bruny Surin, Gilles court tellement vite qu’on ne voit même plus ses leggings rouges défiler sur le terrain.
«Ça m’est arrivé plusieurs fois de courir à la place de gars de 50 ans qui étaient plus capables. Ça faisait drôle», confie-t-il. Même s’il est encore fort du haut de ses 75 ans, il sent aujourd’hui ses habiletés le quitter tranquillement et reconnaît qu’il n’a plus la même vitesse qu’avant. Et il n’est pas seul. «Dans la ligue, certains excellents joueurs ont dû arrêter de venir parce qu’ils ne voyaient plus la balle le soir ou qu’ils n’entendaient plus rien», raconte-t-il. La mort a déjà même frappé au 3e but, happant un joueur sur le terrain. «Heureusement, y’a pas eu de décès dernièrement dans la ligue!».

Émery Chevrier, haltérophile

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— Âge : 74 ans
— Taille : 5′ 6”
— Poids : 175 LBS
— Exploit : En 2001 et 2008, a remporté le prestigieux titre de Grand Master au championnat du monde de Athènes, un honneur remis au meilleur leveur de la compétition, pondéré en fonction de son âge, son poids corporel et ses résultats.

Émery Chevrier a débuté sa carrière d’haltérophile tardivement, à l’âge de 48 ans. C’est en allant reconduire son garçon de 15 ans au gym qu’il a eu la piqûre pour son sport. « Au lieu d’attendre mon fils pendant qu’il pratiquait, j’ai décidé d’en faire avec lui », explique-t-il. Pour Emery, l’haltérophilie, c’est combattre la force de la nature et sa petite sœur obèse, la gravité. Mine de rien, pousser de la fonte lui demande beaucoup de flexibilité, de coordination, de vitesse et de force. « Mon sport, c’est comme la vie : simple et complexe en même temps, dit-il. On travaille avec du métal. Si t’es pas habitué, tu peux te casser la colonne. » À l’automne, il a réussi une flexion arrière de 170 kilos. « Y’a des jeunes de 20 ans qui sont même pas capables de faire ça!» lance-t-il fièrement.

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Fort des six records du monde pinés sur son casier, Émery trouve encore l’énergie de se présenter en compétition. Au cours des 26 dernières années, il a d’ailleurs dépensé 150 000 dollars en frais de compétition et en billets d’avion pour participer à des championnats à travers le monde. «L’argent que ma femme et moi on a mis là-dessus, on l’a pas mis ailleurs. C’est un choix de vie qu’on a fait», confesse-t-il. Le nouvel objectif que se fixe l’haltérophile n’a jamais été atteint par un gars de 75 ans : participer au Championnat du monde des maîtres en 2011, à Montréal. Pour y arriver, il va devoir s’entraîner 5 à 6 fois par semaine. En même temps, il ne se fait pas d’illusions. «La vie, c’est une courbe qui redescend, dit-il. À mon âge, c’est certain que je ne suis pas capable de lever le même poids qu’il y a deux ans. Quand tu vieillis, c’est comme si tu devenais handicapé».

[…] La suite à lire dans le #27 : Spécial âge d’or.

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