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« Woodstock 99 »: l’histoire du pire festival de tous les temps

Oui, oui, pire que le Fyre Festival!

Par
Laïma A. Gérald
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Destiné à célébrer le 30e anniversaire du mythique rassemblement Peace and Love de 1969, l’édition de 1999 de Woodstock ne s’est pas exactement déroulée dans l’amour et l’allégresse.

Incendies, émeutes, scènes de destructions apocalyptiques, débauche, agressions sexuelles, surdoses : la minisérie documentaire Trainwreck: Woodstock ‘99 diffusée sur Netflix revient sur le pire festival de tous les temps.

Netflix
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Encore pire que le Fyre Festival

Si vous croyiez avoir entendu le récit de l’événement le plus désastreux jamais organisé avec le Fyre Festival, détrompez-vous : Woodstock 99 et ses 250 000 festivalier.ère.s remportent la palme d’or.

Eh oui, l’appât du gain et la cupidité de 1999 l’emportent sur les repas communautaires, les câlins et le macramé de 1969.

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Nous sommes à l’aube du nouveau millénaire. Michael Lang, l’un des organisateurs du festival Woodstock original, s’associe avec deux promoteurs dans le but de ressusciter l’esprit du Flower Power, trente ans plus tard. S’il avait déjà tenté le coup en 1994, c’est en 1999 que Lang met le paquet. James Brown, Korn, Sheryl Crow, Offspring, Red Hot Chili Peppers, Moby, Muse, Metallica : le line up attire des milliers de jeunes américain.e.s bien déterminé.e.s à faire le party.

Michael Lang et ses comparses choisissent de poser leurs pénates à Rome, une ville américaine située à 230 km de Bethel, où avait eu lieu le premier Woodstock.

Si l’organisateur prétend vouloir célébrer à nouveau les valeurs de l’époque hippie, faites d’amour, de fraternité et d’entraide, le projet démarre du mauvais pied. En effet, l’associé de Lang, un certain John Scher, est là pour faire de l’argent, et il ne s’en cache absolument pas. Eh oui, l’appât du gain et la cupidité de 1999 l’emportent sur les repas communautaires, les câlins et le macramé de 1969.

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L’Amérique pleure

Un peu comme c’était le cas avec Fyre: The greatest party that never happened (Netflix, 2019), les trois épisodes de Trainwreck: Woodstock ‘99 signés Jamie Crawford cherchent à disséquer l’anatomie d’un désastre. Comment ce qui aurait dû être le plus grand événement musical et culturel des années 1990 a-t-il pu pogner en feu à ce point (au sens propre et au figuré)?

D’abord, un peu de contexte. Quelques mois avant la tenue de Woodstock 99, l’Amérique pleure les jeunes victimes de la tuerie de Columbine. À travers son téléviseur, la population est confrontée aux tragiques dérives des armes à feu, une réalité qui ne s’est malheureusement pas améliorée depuis.

Un peu comme au moment de la guerre du Vietnam, Michael Lang désire éveiller les consciences et créer une bulle de peace et de love avec un festival ambitieux.

Malgré sa bonne volonté (ou pas, c’est comme pas clair!), Lang invite des artistes tels que Korn, Red Hot Chili Peppers, Limp Bizkit, Fatboy Slim et Wyclef Jean, qui ne sont pas exactement des porte-étendards du Flower Power.

Je vous laisse imaginer le cocktail molotov, savamment shaké sous le ciel de Rome.

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En parallèle, les organisateurs, bien déterminés à s’en mettre plein les poches, coupent sur les ressources en sécurité, tournent les coins (très) ronds sur les installations sanitaires et vendent des bouteilles d’eau et de la nourriture à des prix exorbitants. En outre, au fil de la dégringolade sur trois jours, ils se déresponsabilisent du chaos qui s’opère sous leurs yeux, et s’en lavent royalement les mains.

Le documentaire sous-tend d’ailleurs en filigrane que cette mentalité fondamentalement capitaliste et cupide aurait contribué au véritable shit show que fut Woodstock 99.

Ajoutez à cela un soleil de plomb, de l’alcool et de la drogue à profusion ainsi que des milliers d’adolescent.e.s et de jeunes adultes nu.e.s et déshydraté.e.s. Je vous laisse imaginer le cocktail molotov, savamment shaké sous le ciel de Rome.

Netflix
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La culture des années 90

Ce qui frappe dans la série, au-delà de l’insalubrité du site, de la marée de déchets et de la violente destruction des installations, ce sont les hordes de jeunes hommes déchaînés en quête de débauche et de sexe, venus pour faire la fête comme s’il n’y avait pas de lendemain.

Rapidement, et c’était malheureusement à prévoir, un grand nombre d’agressions physiques et sexuelles, particulièrement envers des jeunes femmes, sont rapportées. On apprendra par la suite qu’au moins quatre plaintes pour viols ont été déposées.

Le film trace un parallèle entre les comportements masculins toxiques observés pendant le festival et les œuvres que ceux-ci consomment à l’époque.

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Selon un sondage partagé dans un rapport de 2017 du Conseil des Montréalaises, 32 % des répondantes ressentent souvent ou quelquefois de l’insécurité lors des événements extérieurs se déroulant à Montréal. Et bien que seulement 34,8 % des répondantes évaluent de très à assez élevé le risque d’être victime de harcèlement ou d’agression, plus d’une répondante sur deux a déjà été victime de harcèlement ou d’agression lors d’un événement extérieur dans la métropole.

Là où j’ai trouvé le documentaire Trainwreck: Woodstock ‘99 franchement intéressant, c’est qu’on y trace un parallèle entre les comportements masculins toxiques observés pendant le festival et les œuvres que ceux-ci consomment à l’époque.

En 1999, les films American Pie et Fight Club font un tabac auprès des jeunes hommes, poussant probablement certains d’entre eux à reproduire la vulgarité et la brutalité qu’ils voient.

Derrière sa volonté de créer un écrin d’amour et de communauté à l’image de l’édition de 1969, Woodstock est devenu le théâtre d’une grande violence, d’une colère débordante et d’une révolte explosive. La preuve : lorsque les organisateurs donnent des bougies aux festivalier.ère.s afin d’orchestrer une cute vigie à la chandelle, ceux-ci incendient plutôt ce que l’on pourrait désormais qualifier de décharge à ciel ouvert. Alors que la police d’État intervient progressivement à coups de matraque dans cette « zone de guerre », de jeunes enragé.e.s continuent de massacrer tout ce qui leur tombe sous la main.

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Par ailleurs, on apprend que des accusations ont notamment été portées contre les groupes Red Hot Chili Peppers et Limp Bizkit, coupables aux yeux de certain.e.s d’avoir mis le feu aux poudres en refusant de calmer le jeu.

Alors que Montréal souligne les 30 ans de la fameuse émeute du Stade olympique survenue le 8 août 1992, le documentaire de Netflix nous plonge dans un fiasco monumental qui revêt des airs de container à ordures en feu.

Notons que Michael Lang a tenté, en vain, d’organiser le 50e anniversaire de Woodstock en 2019. Il n’avait pas réalisé ce que ce film rend très clair : Woodstock est mort en 1999.