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D’OSHEAGA à îleSoniq : la lutte contre les violences sexuelles part en tournée

Juripop met son crop top (au figuré) pour que les festivalières et festivaliers se sentent en sécurité.

Par
Laïma A. Gérald
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« Nous sommes au kiosque Victoria. Tu peux marcher jusqu’à la statue Calder, on est juste à droite. C’est le kiosque Juripop, on est avec le GRIP », me texte gentiment Me Angelica Brachelente, avocate membre de l’équipe de Juripop, dès ma sortie du métro Jean-Drapeau.

Autour de moi, les festivalières et festivaliers venus profiter des Retrouvailles OSHEAGA s’agitent. Cette année, les tuques et les foulards de laine ont pris la place des couronnes de fleurs et des crop tops, ça fait drôle. En trame de fond, la musique de Stars, un groupe indie pop de Toronto, résonne depuis la scène de la Rivière.

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L’Aparté

« On en est à notre troisième journée à OSHEAGA et on était là pour îleSoniq aussi, la fin de semaine dernière », m’explique Me Angelica Brachelente à propos du projet L’Aparté, créé en 2018 par Me Virginie Maloney, et qu’elle mène de front avec sa collègue Me Pascale Lanctôt-Leroy. « Je t’explique : Juripop, c’est un organisme qui offre des services rigoureux et accessibles pour que toutes les personnes puissent faire valoir leurs droits. Et L’Aparté, qui est un de nos projets, est un centre de ressources juridiques de première ligne pour les personnes qui font l’objet ou ont été témoins de harcèlement sexuel et psychologique dans le milieu de la culture. »

«Les femmes et les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre vivent un sentiment d’insécurité lorsqu’iels assistent à un événement extérieur.»

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Le rapport avec OSHEAGA et îleSoniq? En 2017, le Conseil des Montréalaises a fait paraître le rapport « Montréal, une ville festive pour toutes », un avis de 60 pages sur la sécurité des femmes et des jeunes femmes cisgenres et trans lors des événements extérieurs à Montréal, comme les festivals.

« Notre projet L’Aparté est né dans la foulée du mouvement #MeToo », indique Angelica, très impliquée dans la lutte contre les violences sexuelles. « Et l’idée d’être présent.e.s en festival nous est venu à la suite de lecture du rapport du Conseil des Montréalaises, qui indique très clairement que les femmes et les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre vivent un sentiment d’insécurité lorsqu’iels assistent à un événement extérieur. Notre présence ici, à travers notre kiosque et notre escouade sur le terrain, est une manière de reconnaître cet enjeu et de proposer une solution concrète. Et on est très bien accueilli, tant par l’organisation que par le public », ajoute l’avocate avant de retourner faire le point avec l’équipe d’intervenant.e.s. présente ce jour-là.

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Sur le terrain

« Tu vas pouvoir suivre Ali et Katherine, ils s’en vont faire un tour sur le terrain », m’indique-t-on. Sans plus tarder, me voilà aux milieux des festivalières et festivaliers venus profiter des dernières belles journées pour écouter de la musique live, un plaisir qui nous a tellement manqué dans les derniers mois pandémiques.

« Notre rôle, c’est vraiment de créer un sentiment de sécurité chez les festivaliers et festivalières, racontent Ali et Katherine, tous deux diplômé.e.s en criminologie. On travaille beaucoup en violence sexuelle et conjugale, donc on est vraiment heureux de pouvoir s’impliquer auprès de L’Aparté. »

«Notre rôle, c’est vraiment de créer un sentiment de sécurité chez les festivaliers et festivalières.»

Le dynamique duo m’explique que selon lui, la force de l’initiative réside dans le caractère multidisciplinaire de son équipe. Sur le terrain, des intervenantes psychosociales et des intervenants psychosociaux sont là pour intervenir en cas de besoin, et au kiosque, des avocat.e.s sont disponibles pour discuter, donner de l’information, offrir du soutien et prodiguer des conseils juridiques si nécessaire. « On est en lien direct avec l’équipe de sécurité du festival, ajoute Ali en me montrant son walkie-talkie. Si jamais il se produit une situation d’inconduite sexuelle ou tout autre événement où une personne ne se sent pas en sécurité, on peut aller aider. On est formés pour ça. »

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Vêtu.e.s d’un t-shirt arborant « On te croit, on te voit, on t’entend » au dos, Ali et Katherine agissent dans la bienveillance et l’écoute. « On est dans un festival, donc on ne veut pas aller déranger les gens pour leur donner de l’information », précise Katherine, qui était présente la semaine dernière pour îleSoniq, événement lors duquel l’escouade a dû intervenir de manière concrète. « Il y a parfois des gens qui voient notre t-shirt et qui viennent nous voir d’eux-mêmes, qui témoignent de leur gratitude de nous savoir ici. Si on peut faire la différence dans la vie de seulement quelques personnes, c’est tant mieux. »

plus d’une répondante sur deux a déjà été victime de harcèlement ou d’agression lors d’un événement extérieur à Montréal.

Selon un sondage partagé dans le rapport du Conseil des Montréalaises, 32 % des répondantes ressentent souvent ou quelquefois de l’insécurité lors des événements extérieurs à Montréal. Et bien que seulement 34,8 % des répondantes évaluent de très à assez élevé le risque d’être victime de harcèlement ou d’agression, plus d’une répondante sur deux a déjà été victime de harcèlement ou d’agression lors d’un événement extérieur à Montréal.

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« Notre but est de pouvoir intervenir si jamais il se passe quelque chose, mais on veut aussi envoyer le message qu’on prend le problème très au sérieux, et on insiste là-dessus : renforcer le sentiment de sécurité! », affirme le duo, aussi passionné que compétent.

VIP dans mon coeur

Le jour tombe sur le parc Jean-Drapeau. Les derniers rayons de soleil glissent derrière les bâtiments du centre-ville de Montréal, que l’on aperçoit au loin, de par le fleuve Saint-Laurent. Le site du festival étant divisé en zones par des barrières de métal, on s’approche de ce que l’on croit être une entrée. Oups, c’est une sortie, on n’est pas supposé passer par ici…

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« Ah, vous êtes avec l’équipe de Juripop! », s’exclame l’agente de sécurité qui gère les entrées et les sorties. « C’est effectivement une sortie, mais passez quand même. Vous faites tellement une job importante, vous êtes des VIP dans mon coeur! », lance-t-elle en ouvrant le passage, tout sourire.

Ali, Katherine et moi nous dirigeons vers le kiosque de Juripop, où nous attendent d’autres intervenants et intervenants de tous horizons, rassemblés par Juripop. À leurs côtés, l’équipe du Groupe de recherche et d’intervention psychosociale (GRIP) tient le fort. « Notre mission est de réduire les méfaits associés à la consommation de substances psychoactives et de prévenir ses usages problématiques, m’explique l’équipe du GRIP. Dans des événements comme OSHEAGA, îleSoniq et d’autres festivals, où les gens sont à même de consommer différentes substances, notre présence prend tout son sens. »

la simple présence de Juripop en contexte de festival envoie un message très clair, qui en rassurera sans doute plus d’un.e : «On reconnait le problème. On vous voit.»

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Angelica nous rejoint et ajoute d’emblée que dans un contexte de festival, l’idée de jumeler un organisme comme le GRIP avec Juripop est extrêmement pertinente. « Je ne veux pas prendre de raccourci et affirmer sans nuances qu’il y a plus de risques d’agressions sexuelles quand les gens consomment. Mais c’est sûr que la consommation peut constituer une entrave à la possibilité de donner un consentement libre et éclairé… », précise l’avocate, qui réitère que la simple présence de Juripop en contexte de festival envoie un message très clair, qui en rassurera sans doute plus d’un.e : « On reconnait le problème. On vous voit. » « Encore une fois, on souhaite vraiment renforcer le sentiment de sécurité pour que les gens puissent tous et toutes profiter des festivals. Parce que le but premier, c’est d’avoir du fun, non? »

Je quitte les équipes de L’Aparté et du GRIP en les remerciant pour leur travail essentiel. Je me dirige vers la scène de la Rivière, alors prise d’assaut par le chanteur torontois Allan Rayman, question de profiter un peu du concert. Autour de moi, la foule hétéroclite bouge d’un même souffle, je trouve ça beau. Je repense aux derniers mois à m’ennuyer des événements culturels comme celui-là et je me dis qu’en effet, tout le monde devrait pouvoir s’y sentir en sécurité, peu importe son âge, son identité de genre ou son orientation sexuelle.

J’ai espoir.

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