L’intimité, la sexualité, les relations. Des concepts en pleine mouvance, qui se transforment sans cesse et sur lesquels se penchent quotidiennement les sexologues. Ça fait que chez URBANIA, on s’est demandé: en 2018, quels sont les nouveaux défis auxquels sont confrontés les sexologues de demain? Le polyamour? Le décloisonnement des identités? L’amour et les robots? Les pokes de patient.e.s sur Facebook?
Notre sexologue préférée Julie Lemay est allée sonder les futurs sexologues du Québec.
« Hey Julie, ça te dirait d’aller faire un vox pop à une soirée de réseautage organisée par l’association étudiante en sexologie? On demanderait aux étudiants du bac et aux invités quels sont, selon eux, les nouveaux défis que les sexologues doivent relever! ».
À la lecture de ce mandat m’ayant été acheminée par notre rédactrice en chef, la toujours très splendide Rose-Aimée, j’ai couiné.
Étant moi-même diplômée du bac depuis une faste décennie (ça y est, je suis un dinosaure), j’ai répondu OUI sans hésiter. Telle la journaliste de terrain aguerrie, je me suis donc présentée à cette soirée, munie de mon incontournable calepin de notes et de mon de enregistreuse (je suis vraiment un dinosaure).
Retour sur les faits saillants exprim és par les intéressantes personnes interrogées.
DÉFI “PARTONS DE LA BASE” : Contribuer à l’actualisation du département de sexologie
« Je commencerais par parler du milieu académique, notre point de départ. Les thèmes actuels sont très LGBTQAI+, très féministes, aussi. La sexologie, c’est une science qui s’adresse principalement aux enjeux des personnes blanches. Malgré que ce soit une majorité de personnes s’identifiant comme femmes qui l’étudient, c’est une science encore très masculine. Je crois qu’un des nouveaux défis est justement d’impliquer des personnes qui vivent différentes intersections dans le domaine.
En créant le comité diversités et le comité féministe en sexologie, c’est ce qu’on essaie de faire […]. Le département s’interroge plus sur ces enjeux-là: on s’en vient avec des nouvelles politiques qui vont apparaître dans les prochains mois, les prochaines années. »
-Gabrielle, étudiante finissante impliquée
« Je crois vraiment beaucoup au militantisme. Je m’affiche comme lesbienne et moi, les réalités LGBTQ+, je milite pour qu’elles soient visibles dans mon bac et j’en parle aussi à l’extérieur. Pour moi, il y a une visée politique à être sexologue. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur afficher ses couleurs!»
– Sandie, étudiante engagée et déterminée
L’INCONTOURNABLE DÉFI : S’ouvrir et s’informer au sujet des diversités
« On parle des réalités LGBTQ+ et il y a tellement de spécificités dans chacune de ces catégories qu’on ne peut plus parler juste de « la » diversité : ce sont « les » diversités. Les modèles relationnels ont tellement évolué. On n’est plus dans le couple versus le célibat : il y a tout un continuum et ça entraîne des besoins particuliers, comme par exemple l’accompagnement d’un ménage polyamoureux dans la parentalité.
Les enjeux migratoires et interculturels sont aussi vraiment importants. Sans parler des mouvements sociaux autour des violences faites aux femmes […] . Ce sont les thématiques que je vois émerger d’un point de vue social et je pense que les sexologues sont en première ligne pour pouvoir y répondre. »
– Joanne Otis, professeure et directrice des programmes de premier cycle
« Un des défis actuel, c’est de s’informer et de s’ouvrir aux modèles alternatifs, de s’intéresser aux diversités des érotismes et de s’éloigner des pensées qu’il y a une sexualité saine versus une sexualité déviante. Oui, il y a une sexualité saine et elle peut englober plus de choses qu’on peut penser! »
– Éden, étudiante définitivement non-manichéenne
« Je pense que la technologie est à surveiller. Je m’intéresse beaucoup à la pornographie, donc à tout ce qui est robotique et qui concerne la réalité virtuelle. Je pense que c’est quelque chose qui s’en vient dans les prochaines années et on va devoir être formé.e.s là-dessus parce qu’on va avoir de la job! »
– Jessica, étudiante visionnaire et techno-concernée
DÉFI « IL RESTE DE LA JOB À FAIRE, MON AMI.E!» : Travailler à ce que la sexologie soit reconnue pour ce qu’elle est vraiment
« Personnellement, je suis sur les réseaux sociaux, sur des sites de dating et j’ai arrêté de dire que j’étudiais en sexologie. C’est courant que le monde arrive avec des stéréotypes et même des insultes au sujet des sexologues. C’est un gros travail, d’informer sur ce qu’on fait et pourquoi on est là.
Même si ça sert à quelque chose, tu t’épuises à expliquer de façon micro. Il faudrait qu’on en parle aussi de façon macro. C’est nous-mêmes qui défendons notre travail et j’ai l’impression qu’il n’y a personne d’autre qui nous aide à porter la parole. On a beau travailler fort pour être visibles, un moment donné, ce n’est pas nous qui est au pouvoir! La solution doit aussi venir d’en haut, au niveau du gouvernement. »
– Jessica, étudiante toujours visionnaire et techno-concernée, mais aussi tannée des stéréotypes aliénants
« Ce n’est pas un nouveau défi, mais c’est particulièrement actuel : continuer à faire de la pression sur le gouvernement pour reconnaître notre valeur grâce à l’Ordre professionnel des sexologues du Québec, mais aussi à l’Association des sexologues du Québec. Avec le #metoo, on se rend compte « tout d’un coup » que plusieurs ne connaissent rien au consentement. Pourtant on n’implique pas les sexologues dans les cours d’éducation sexuelle et on veut que ce soit les profs qui les donnent… Il faut qu’on mette de la pression pendant qu’on a le momentum en utilisant tous les moyens qu’on a ».
– Mathias, intervenant en sexologie sensé et sensible aux non-sens
« Dans l’imaginaire collectif, les sexologues sont des thérapeutes qui reçoivent des gens dans des bureaux [N.D.L.R. Ce qui est le cas pour ceux et celles qui ont une maîtrise clinique]. J’aimerais qu’on reconnaisse aussi ce que les bacheliers sont capables de faire parce qu’ils sont outillés pour faire des merveilles en éducation et en prévention. Si on avait plus de visibilité, on pourrait être mieux reconnu et les gens comprendraient dans quels contextes on peut être consulté ».
– Elsie, bachelière en sexologie, directrice adjointe de la Maison des Jeunes Radoactif
Conclusion post vox pop? Définitivement, en sexologie, il y a beaucoup de défis à relever, qu’ils s’ancrent dans les nouvelles réalités ou qu’ils datent de plusieurs années. Ne reste qu’à continuer à persévérer pour que cette profession si essentielle et si belle soit à son tour reconnue, valorisée et estimée.
Avec une intention d’informer et non pas de faire de la publicité, je vous laisse avec des références en complément aux propos partagés. À noter que le seul et unique département de sexologie se trouve à l’UQÀM, ce qui explique l’origine des sources présentées:
Qu’est-ce qu’on fait avec un baccalauréat en sexologie? La réponse ICI
Qu’est-ce qu’on fait avec une maîtrise en sexologie? La réponse ICI
Qu’est-ce qu’on fait avec un doctorat en sexologie? C’est ICI
En bonus : Article rédigé en collaboration avec mes charmants collègues 10 sages paroles de 10 experts en sexo
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