Elle est vieille, moche, pingre, frigide, rigide, bref, elle est tout sauf attirante. Mais elle est surtout célibataire. La vieille fille est représentée comme une femme (évidemment) à fuir coûte que coûte. Non seulement parce qu’elle n’est pas commode, mais surtout parce que c’est une ratée. En effet, cette femme en échec n’a jamais su trouver un homme avec lequel se marier et fonder une famille. Une véritable tare aux yeux de la société.
Pourtant, dans son nouvel essai intitulé Vieille fille, la journaliste et autrice Marie Kock s’attèle à redorer, sans l’édulcorer pour autant, le blason de ce concept aussi sexiste qu’aliénant, pour ouvrir aux femmes la voie de l’émancipation.
Un cliché sexiste omniprésent
Quel est le point commun entre Bridget Jones et Carrie Bradshaw? Eh bien, ce sont toutes les deux des vieilles filles. À une exception près que ces dernières finissent par trouver le prince charmant. Car une bonne héroïne, même si elle commence par noyer son célibat dans une bouteille de vodka avec, en fond sonore, un des refrains de Céline Dion, finit toujours par trouver le bon et se caser avec son prince charmant jusqu’à ce que la mort les sépare. Les autres, les vraies vieilles filles, celles qui restent seules et aigries toute leur vie, sont toujours reléguées au rang de méchante sorcière sans âme. Comme la reine Grimhilde dans Blanche Neige par exemple.
«Avec le concept de la vieille fille, il y a une incapacité supposée à se soumettre au système de valeurs des hommes.»
« Dans l’imaginaire collectif, il y a l’idée qu’une femme qui n’est toujours pas en couple et ne projette pas d’avoir des enfants au milieu de la quarantaine a forcément un problème. C’est une vieille fille qui a raté quelque chose dans son existence de femme. Avec le concept de la vieille fille, il y a forcément une incapacité supposée à se soumettre au système de valeurs des hommes », m’a confié Marie Kock lors d’une entrevue.
Un cliché sexiste très présent dans nos représentations culturelles qui nous forge dès notre plus jeune âge. Alors, pourquoi choisirait-on d’être une vieille fille?
Plus de peur que de mal
Marie Kock, elle, revendique haut et fort la case dans laquelle la société la met. Elle en parle aujourd’hui comme d’un choix qu’elle assume, bien qu’il n’ait pas toujours été facile à accepter.
« Trouver un homme avec qui faire des enfants n’est pas une tâche si compliquée, dit-elle. J’en suis arrivée à la conclusion que si je ne l’avais pas fait, c’est que je n’en avais pas réellement envie. Pourtant, la question de trouver quelqu’un avec qui faire un enfant m’a habitée pendant longtemps. J’avais l’impression de passer à côté de quelque chose si je décidais de ne pas fonder une famille, mais, quand j’ai finalement pris ma décision, j’ai ressenti une sorte de soulagement. »
Sortir de l’injonction à faire couple avec un homme peut donc représenter un moyen de se prémunir des violences conjugales et de la domination masculine.
Et si devenir une vieille fille n’était pas si mal, au fond? Avec Vieille fille, Marie Kock invite les femmes à se poser la question sincèrement, bien qu’elle implique de renoncer à un certain confort, notamment matériel. Car une femme qui vit seule est une femme qui gagne généralement moins d’argent qu’un homme célibataire, et évidemment, qu’un couple. Le bon côté, c’est qu’en restant célibataire, on n’a pas peur d’être déclassée socialement au moment où se pose l’éventuelle question de la séparation.
Du stigmate à l’émancipation
L’autrice, également journaliste, m’a notamment fait remarquer lors de notre entretien que les vieilles filles sont souvent accusées d’avoir peur des hommes, comme s’il n’y avait aucune raison de les craindre et que cette crainte devait être une honte. Pourtant, depuis le premier tweet sous le mot-clic #MeToo, les histoires de violences faites aux femmes rythment nos quotidiens, avec pour théâtre principal la famille nucléaire et le couple hétérosexuel.
Sortir de l’injonction à faire couple avec un homme en devenant une vieille fille peut donc représenter pour bon nombre de femmes un moyen de se prémunir des violences conjugales et de la domination masculine, et ainsi de vivre en paix et en harmonie. Un constat qui permet d’entrevoir une façon d’accueillir et de revendiquer un choix de vie controversé mais émancipateur. Mais par-dessus tout, qu’il soit temporaire et définitif, ce choix peut également être l’occasion de revenir sur sa façon d’envisager ses relations amoureuses, et pourquoi pas, d’imaginer de nouvelles façons de faire couple autrement.
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Ce texte a d’abord été publié sur urbania.fr
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