.jpg)
URBANIA se donne (enfin) Legault
«Je ne voudrais pas que ça soit la pandémie. Je ne suis pas venu en politique pour gérer une pandémie», tranche après réflexion le premier ministre François Legault, lorsqu’on lui demande ce qu’il aimerait qu’on retienne de lui dans les livres d’Histoire.
Avec un taux de popularité à rendre jaloux un régime nord-coréen, son histoire n’a certes pas fini de s’écrire, mais le chef de la CAQ a bien voulu revenir avec nous sur quelques chapitres récents — et non les moindres —vécus sous son gouvernement.
Transparence totale: décrocher cette entrevue n’a pas été une mince affaire. Nous avons fait une dizaine de demandes depuis mars 2020, sans succès.
Dans l’attente que le vrai nous trouve un spot dans son agenda, nous avions même réalisé des entrevues avec « des faux » François Legault.
Oui, OK, notre logo est un chien qui fait caca et on comprend que notre PM est un homme occupé, mais quand on l’a vu aller faire un tour chez Peter MacLeod, on s’est dit: HEILLE!
Enfin, la persévérance c’est payant les jeunes, puisque nous avions enfin M. Legault dans le blanc des yeux pour nous autres tu seuls lundi après-midi, dans son bureau montréalais situé au coin Sherbrooke et McGill.
Et j’aimerais ajouter ici que malgré les embûches, nous avons eu le premier ministre en entrevue avant d’en obtenir une avec l’ex-chanteuse politicienne Jacynthe.
LA journée François Legault
Pour tout dire, c’était vraiment LA journée Legault pour URBANIA.
En plus de l’entrevue, nous avons été conviés au chic shooting de la deuxième dose du chef de la CAQ en matinée au Stade olympique.
Il y avait presque autant de monde qu’au show de Pink Floyd pour l’occasion.
Des gens pour recevoir leur vaccin, mais aussi beaucoup de médias pour immortaliser la vaccination du PM.
Juste avant la piqûre, ce dernier avait traversé une sorte de haie d’honneur constituée de dignitaires de la santé, au son d’une musique triomphante à saveur olympique.
Ses gardes du corps veillaient au grain, pendant que les photographes et caméramans mitraillaient ses moindres mouvements, depuis un enclos en retrait.
.jpg)
C’est nulle autre que l’infirmière à la retraite Régine Laurent qui tenait la seringue, celle qui a présidé la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dans la foulée de la mort tragique d’une fillette de Granby en 2019. «Régine veut absolument me chicaner!», lançait M, Legault, un brin cabotin, pendant que l’infirmière lui demandait de rester focus sur ses consignes.
Trempés à lavette dans le bureau du PM
Quelques heures plus tard, un orage électrique frappe le centre-ville lorsqu’on débarque à son bureau. Le jeune et ténébreux collègue Alexandre Sarkis m’accompagne pour immortaliser cette rencontre au sommet.
J’ai mis mon chandail «Horacio Arruda» pour amadouer le PM (ou pas).
Nous entrons dans le building trempé à lavette, surpris par le déluge.
On nous donne rendez-vous au quatrième étage. Avant de nous laisser entrer, une agente de sécurité demande nos pièces d’identité dans une sorte d’antichambre aux portes verrouillées.
Alexandre a oublié les siennes. «Vous devriez avoir vos cartes en venant visiter le premier ministre», le gronde l’agente de sécurité.
Comme il est Français d’origine, Alexandre a dû passer le test des valeurs pour accéder à une salle d’attente comme chez le dentiste, où une réceptionniste sympathique nous jasait ça.
Puis, Ewan, l’attaché de presse du PM, déboule enfin le couloir pour nous chercher. C’est l’heure. Il nous guide jusqu’à une pièce, au fond, où nous accueille chaleureusement le chef d’État.
Ce dernier semble dans une forme splendide, peut-être galvanisé par le bilan du jour hautement encourageant. Il prend place derrière son bureau et moi dans un fauteuil confortable en face, pendant qu’un agent de sécurité de gabarit «Ivan Drago dans Rocky IV» se tient devant la porte.
.jpg)
Le premier ministre m’amadoue facilement, en m’interrogeant spontanément sur mon nouveau livre (oui oui!) et sur cet autre écrit dans le passé sur la santé mentale avec Katia Gagnon, une journaliste dont il dit apprécier le travail.
On small talk un peu sur la famille. M. Legault demande l’âge de mes enfants, m’encourage lorsque je lui dis que mon ado se transforme graduellement en Gollum, autoconfiné dans sa chambre sans couvre-feu. «C’est un bout rough, les enfants reviennent un jour et nous aiment à nouveau», m’assure-t-il, en référence avec ses deux fils âgés dans la vingtaine, qui vivent toujours sous son toit.
Mon temps est compté et le sien précieux, j’attaque avec une première question : pourquoi diable était-ce aussi long avant d’avoir cet entretien? Était-il fâché parce qu’on a offert des tribunes à Éric Duhaime et Catherine Dorion dans le passé?
«Ah oui? Je ne savais même pas… mais on reçoit beaucoup de demandes», patine-t-il un peu, avant de se ressaisir quand je lui dis que c’est pas une vraie de vraie question, là.
Et puis, nous n’entretenons aucune rancune chez URBANIA, sauf envers Jacynthe (ben non).
Un peu de sérieux
On sait que la pandémie a fauché des milliers de personnes âgées, mais les jeunes ont pour leur part vécu leur lot de détresse psychologique, en plus de faire largement leur part de sacrifices. Notre PM s’est-il senti connecté à eux?
«C’est le mal de la post-pandémie : trouver des gens pour donner des services, entre autres aux jeunes qui ont des problèmes de santé mentale»
D’emblée, l’ancien ministre péquiste de l’éducation assure être entouré de jeunes (son équipe et ses élu.e.s) et se considère bien branché sur leurs enjeux. «On a été un des endroits dans le monde qui a été le plus sévère pour le confinement, sauf pour les écoles. Pour moi ça a toujours été la dernière place qu’on ferme, et la première qu’on ouvre», affirme M. Legault, ajoutant être conscient que les cycles supérieurs ont mangé la claque avec l’école à distance sur plusieurs longs mois. «Ça a fait exploser les cas en santé mentale», admet François Legault, relevant le manque de ressources pour faire face à cette autre crise. «On a l’argent, les postes sont affichés, mais on manque actuellement de psychiatres, de psychologues et de travailleurs sociaux. C’est le mal de la post-pandémie : trouver des gens pour donner des services, entre autres aux jeunes qui ont des problèmes de santé mentale», poursuit le premier ministre.
.jpg)
Quant à sa propre santé mentale (le gars a quand même géré une pandémie), il assure qu’elle se porte bien. «Je suis avec la même femme depuis trente-et-un ans, mes deux gars ont été à la maison pendant toute la pandémie, j’avais du monde dans notre bulle et je travaille dans des bureaux. C’est pas comme une infirmière dans un CHSLD qui a des patients et qui n’est pas capable d’arriver parce qu’il y a plein d’autres préposées qui ont soit attrapé le virus ou sont en congé de maladie. Moi, j’ai pas à me plaindre», confie M. Legault, qui admet avoir un peu nagé dans le flou au début de la pandémie. «C’est sûr que j’ai passé beaucoup de temps à lire ce qui se faisait ailleurs dans le monde pour voir où on s’en va. Parce qu’on ne savait pas où on s’en allait.»
Mais vous M. Legault, est-ce que vous parlez à un.e professionnel.le pour ventiler? À cette question, le premier ministre répond à la blague avoir passé beaucoup de temps avec des médecins depuis le début de la crise. Il estime que la population a pu voir à l’œuvre son équipe. «J’ai travaillé pendant des années, avant qu’on forme notre gouvernement, à ramasser du monde qui n’était pas nécessairement connu de la population, mais que je savais qu’ils étaient compétents», souligne-t-il, citant entre autres le ministre Lionel Carmant, un neurologue qui s’occupait de santé mentale auprès des jeunes à Sainte-Justine avant son saut en politique.
Je crois beaucoup au sport, la meilleure façon d’évacuer le stress, plus que n’importe quel médicament.
Pour faire le vide, François Legault prévoit prendre quelques jours de vacances cet été, dans un hôtel des Cantons-de-l’Est et dans Charlevoix. Il joue régulièrement au tennis avec ses gars aussi, en plus de faire de l’elliptique. «Je crois beaucoup au sport, la meilleure façon d’évacuer le stress, plus que n’importe quel médicament », dit-il.