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En attendant Legault
Depuis mars dernier, j’ai sollicité à plusieurs reprises une entrevue avec le premier ministre François Legault. Après avoir offert depuis le début de la crise une tribune à plusieurs personnalités politiques telles que Valérie Plante, Mélanie Joly, Gaétan Barrette et Jean-François Roberge, on se disait que ça serait pertinent de permettre au chef de la CAQ de s’adresser à notre communauté.
Son cabinet a jusqu’ici décliné toutes nos demandes, invoquant l’agenda chargé de M. Legault.
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Ok, on n’est pas épais et on sait bien que le PM a une pandémie à gérer, mais dans l’optique où 44,3% des cas recensés frappent actuellement les 20 à 50 ans selon des statistiques compilées par l’Institut national de la santé publique, on pensait qu’on avait des chances.
Le pire c’est qu’on a bien failli avoir le premier ministre en entrevue tout récemment. J’avais déjà commencé le présent reportage quand son entourage m’a approché par DEUX FOIS pour tâter le terrain, notamment en marge du lancement d’une web-série suspendue jusqu’à nouvel ordre.
J’avais même hâte de raconter au PM que c’est lui qui m’a accordé ma toute première entrevue sérieuse à vie. Il était ministre de l’Éducation au PQ et j’étais chez CISM.
On me disait qu’un mystérieux «Manu» (on le salue!) allait m’appeler pour m’organiser l’entrevue et tout. J’étais excité comme Ron Weasley lorsqu’il apprend qu’il a remporté le match de Quidditch grâce à son seul talent et non à cause du sérum de chance liquide – Felix Felicis – (un fake finalement) qu’Harry lui a donné.
J’avais même hâte de raconter au PM que c’est lui qui m’a accordé ma toute première entrevue sérieuse à vie. Il était ministre de l’Éducation au PQ et j’étais chez CISM.
Enfin, après un énième pitch, plus de nouvelles.
Qu’à cela tienne, on n’est pas du genre à se laisser abattre.
Puisque le « vrai » François Legault ( qui est responsable des dossiers jeunesse, rappelons-le subtilement ici entre parenthèses ) n’a pas de temps à nous consacrer, on s’est rabattu sur quatre homonymes qui ont gentiment accepté de faire de la place dans leur horaire.
Faux François Legault 4 – Vrai François Legault 0
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« On est prêt! »
« Salut c’est ton premier ministre », me lance au bout du fil François Legault, qui précise d’ailleurs être « le vrai » sur sa page Facebook.
On y croirait presque à entendre le quinquagénaire de Val-David, qui a déjà reçu des photos souvenirs d’une partie de golf destinées « à l’autre » François Legault.
À l’heure où la deuxième vague est sur toutes les lèvres, M. Legault s’est d’emblée fait rassurant. « On est prêts! On est toujours prêt à faire la répression et à imposer des mesures restrictives! », lance le principal intéressé, qui, vous l’aurez deviné, ne partage pas les mêmes idées que son célèbre homonyme.
Il se félicite d’ailleurs d’avoir interdit le karaoké et la danse, des mesures qui s’inscrivent dans son plan, visant à « faire en sorte d’empêcher toute activité sociale nourrissante ».
«On est prêts! On est toujours prêt à faire la répression et à imposer des mesures restrictives!»
Le François Legault de Val-David assure vouloir agir en bon père de famille, d’avis que les Québécois ont soif d’autorité. Il ne cache pas non plus son intention de fermer les écoles à nouveau. « S’il faut créer des mesures pour faire chier le monde, on va le faire! », promet-il avec aplomb.
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« Lâchez prise, détendez-vous »
Après une carrière de 30 ans en télécommunications, le consultant François Legault est devenu hypnothérapeute, question de donner un virage plus humain à sa carrière.
Déformation professionnelle oblige, il avait quelques conseils à nous donner pour mieux faire face à la pandémie qui s’étire. « Si vous avez la COVID, lâchez prise, détendez-vous. Ne soyez pas dans l’agressivité ou les tensions », raconte le sympathique gaillard au rire contagieux, ajoutant qu’être dans la bienveillance en général constitue la meilleure arme pour affronter les tempêtes. Et suivez les conseils de votre médecin, aurait-on envie d’ajouter.
Ce François Legault de Longueuil ne subit pas trop les contrecoups de partager son identité avec le politicien québécois de l’heure. « J’ai eu mon lot de jokes, mais je remarque surtout que le ton est agressif sur les réseaux sociaux et ça nuit même à ma business », explique l’homme, qui utilise la plateforme pour parler de ses services.
«Il me rappelle un peu Lucien Bouchard, mais plus à notre niveau. Il a l’air plus naturel, avec ses forces et ses faiblesses», souligne l’homme originaire de Pointe-Claire.
S’il compare la CAQ à l’Union nationale et souligne avoir perdu intérêt envers le PQ depuis la charte des valeurs, François Legault estime que son homonyme gère bien la crise depuis six mois. « Il me rappelle un peu Lucien Bouchard, mais plus à notre niveau. Il a l’air plus naturel, avec ses forces et ses faiblesses », souligne l’homme originaire de Pointe-Claire, qui connaît beaucoup de Legault dans la région où le premier ministre a grandi, tout près à Sainte-Anne-de-Bellevue.
S’il salue la gestion du PM, l’hypnothérapeute lui reproche toutefois les messages contradictoires liés au masque en début de la pandémie et le départ de la ministre McCann qui a fait reculer la parité au sein de la cellule de crise gouvernementale. « Il n’existe aucune garantie pour le vaccin. La seule garantie passe par la distanciation et la patience, puisque le retour à la normale sera un processus sur le long terme et c’est ça notre challenge », résume François Legault.
Avant de raccrocher, je lui demande ce qu’il ferait avec Noël s’il était l’autre François Legault. Sa réponse pleine de sagesse m’a quand même déprimée. « On va le fêter autrement, à distance virtuelle et avec quelques proches seulement. Même chose pour le jour de l’an », prescrit M. Legault, qui a vu d’assez près les ravages causés par le virus. « Une amie a perdu son père. Une collègue l’a eu il y a quelques mois et conserve encore des séquelles. C’est comme à la guerre, on parle des morts, mais pas des estropiés », illustre-t-il.
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De meilleures tables au resto
J’ai vraiment rushé à trouver d’autres François Legault.
J’en avais contacté une dizaine via Facebook, sans succès.
J’ai même écrit à 3-4 Françoise Legault pour obtenir une sorte de parité, en vain.
Déterminé comme Daniel Larusso en train de peindre la palissade de M. Miyagi, je me suis tourné vers le bon vieux bottin.
«J’ai même reçu une lettre dactylographiée il y a quelques mois d’une dame qui réclamait de l’argent au premier ministre.»
Le premier François Legault du 411 – un Montréalais – avoue recevoir régulièrement des appels de gens croyant avoir affaire au «vrai». « J’ai même reçu une lettre dactylographiée il y a quelques mois d’une dame qui réclamait de l’argent au premier ministre », raconte ce retraité de Bell Canada, qui tire aussi parfois profit de la situation. « Ça m’est arrivé d’avoir une meilleure table dans les restaurants quand je réservais. Une fois sur place, le serveur changeait d’air en me voyant », raconte M. Legault.
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Ce dernier donne jusqu’ici une bonne note à son homonyme dans sa gestion de crise. « Il fait un bon travail à date. C’est compliqué comme situation et il réussit à bien la contrôler », estime l’homme, qui n’aurait pas fermé les restaurants et redoute celle des régions. « On devrait encourager au contraire les gens à aller se retirer dans leurs résidences secondaires s’ils le veulent », ajoute le François de Montréal, qui conserve toutefois un bon moral à 77 ans. « On est dans l’incertitude, c’est inquiétant, mais on se tient au courant des nouvelles et on se fait aider par nos enfants », résume-t-il.
Un ancêtre commun
Un petit dernier pour la route? Et non le moindre en plus.
Le dernier François Legault à qui j’ai parlé partage le même ancêtre que le premier ministre: Noël Legault, un militaire français d’Irvillac en Bretagne qui est arrivé en Nouvelle-France en 1695. « Je viens de la même lignée que lui, de la huitième génération, soit les Legault dit Deslauriers. Je l’ai même rencontré une fois, j’ai pris une photo avec », raconte au bout du fil le François Legault de Saint-Agathe, qui fêtera ses 80 ans dans une semaine.
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Ce dernier est revenu au Québec avec son épouse il y a deux ans, après avoir passé un demi-siècle à l’Île du Prince-Édouard, où il possédait un commerce en extermination. « Mes enfants et petits-enfants habitent toujours là-bas, mais avec Facetime je peux avoir des nouvelles », souligne M. Legault, qui semble conserver un moral d’acier. « On va bien, on respecte la distanciation. On habite en forêt, loin de tout le monde », résume-t-il, ajoutant n’avoir rien à redire contre le travail du premier ministre. « Il y aura toujours des “critiqueux”. Il n’est pas infaillible, a fait quelques gaffes, mais je n’aurais pas fait mieux. Moi je donne toujours la chance au coureur », philosophe-t-il avec sagesse.
Pour le reste, le véritable François Legault peut nous faire signe quand il veut. On a plusieurs questions pour lui:
Est-ce qu’il s’inquiète des effets psychologiques à long terme sur les jeunes? Après avoir enlevé les sports d’équipe, les bibliothèques, les cinémas, les bars, les restaurants et les amis aux jeunes, a-t-il des idées d’activités à leur proposer pour tuer le temps ?
On veut savoir comment il vit la crise aussi, d’un point de vue humain. Il va bien? Est-il tanné de Lucie Laurier et cie. ? Il lit beaucoup paraît, des suggestions? Voit-il un retour à la normale un jour ?
Et s’il n’a pas le temps de nous accorder une entrevue, on sait au moins désormais qu’un François Legault de perdu, quatre de retrouvés.