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Une soirée de porte-à-porte avec Jean Airoldi

Après « Quel âge me donnez-vous? », quel vote me donnez-vous?

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Des pancartes d’Ensemble Montréal et de Projet Montréal rivalisent sur un terre-plein d’un carrefour giratoire dès qu’on quitte l’autoroute Bonaventure pour entrer sur L’Île-des-Soeurs. Je gare ma spacieuse Kia Rondo un kilomètre plus loin dans un secteur résidentiel mal éclairé, où j’accompagne le candidat du district dans son porte-à-porte, nul autre que Jean Airoldi.

J’ai récemment jasé de vedettariat avec le designer de mode et animateur bien connu, mais je voulais aussi voir à l’œuvre le politicien en herbe.

J’ai été exaucé à deux semaines du scrutin, rue de la Noue, un endroit tranquille avec de belles maisons décorées pour l’Halloween.

« Il fait noir ici, l’éclairage fait justement partie de mes priorités! », lance d’emblée le candidat de Champlain–L’Île-des-Soeurs en sortant de nulle part, flanqué de son attaché de presse Guillaume et d’Annick, qui s’occupe du pointage.

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Leur mission : aller frapper aux portes des endroits où ça ne répondait pas la dernière fois.

Jean Airoldi habite le quartier, Annick aussi, ce qui devrait normalement jouer en leur faveur.

Le candidat frappe à une première adresse et s’exclame en voyant une jeune femme ouvrir. « Allô Laurence! », lance-t-il en reconnaissant une des étudiantes qui lui avait prêté main-forte lorsqu’il a démarré une compagnie de masques pour les personnes malentendantes avec Rosalie Taillefer-Simard au début de la pandémie. Une aventure qui s’était terminée un peu en queue de poisson d’ailleurs.

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Mais il ne faut pas mélanger le travail et la politique, c’est pourquoi Jean Airoldi y va de son pitch électoral habituel. « On est une équipe nouvelle avec plein de projets, mais le plus important est d’aller voter! », résume-t-il avec enthousiasme.

Laurence, 19 ans, promet de se rendre aux urnes, une première au municipal. Ses parents sont présents dans le cadre de porte et s’engagent aussi à faire leur devoir démocratique. « Peut-on compter sur votre appui? », demande le designer de mode.

« On va y réfléchir », répond, prudente, la mère de famille.

Avant de partir, le candidat souhaite à Laurence bonne chance dans ses études en entrepreneuriat, en plus de lui dédier ce sage conseil : « Je peux juste te dire une affaire : ne fais pas des masques! », lance-t-il dans un éclat de rire contagieux.

Jean Airoldi admet avoir parfois l’impression que les gens aiment le candidat, mais pas le parti qu’il représente ou son chef.

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Une fois la porte fermée, Jean Airoldi admet avoir parfois l’impression que les gens aiment le candidat, mais pas le parti qu’il représente ou son chef. « Dans ce temps-là, j’essaye de donner les points forts de Denis (Coderre). J’explique aussi que si je gagne mais que mon équipe perd, ça ne nous avance pas trop, comme un gouvernement minoritaire », explique-t-il avec transparence.

Lors du dernier scrutin, deux élu.e.s de Projet Montréal et deux d’Ensemble Montréal (dont le maire sortant de l’arrondissement devenu indépendant Jean-François Parenteau) ont remporté les postes dans le district qu’il brigue.

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En français svp!

Les choses se corsent à la deuxième adresse, où le propriétaire demande sèchement – et dans la langue d’Eugénie Bouchard – quelle est sa position sur l’anglais. « Montréal va rester une ville francophone, mais je n’ai aucun problème avec l’anglais », répond du tac au tac Jean Airoldi, ajoutant que si on ne protège pas le français, on risque de le perdre. Le citoyen n’est pas d’accord et cite le Danemark, où les gens torchent en anglais malgré la préservation de leur langue maternelle.

Le candidat revient à la charge, d’avis que les anglophones ne maîtrisent pas assez le français non plus. L’homme assure parler bien le français et switch aussitôt dans cette langue pour prouver son point. « Si je vote pour toi, j’aimerais avoir un rendez-vous », marchande enfin le citoyen, qui aimerait trouver une oreille attentive à l’hôtel de ville pour vanter les mérites de sa compagnie qui a des contrats dans 200 villes en Amérique, sauf à Montréal.

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« Oh ben tabarouette! », s’exclame un monsieur à une autre adresse, en apercevant Jean Airoldi sur son perron. Les deux hommes ont l’air de se connaître. « Ça fait longtemps que je vois ta binette sur les pancartes », souligne le citoyen sympathique, qui profite de cette visite impromptue pour piquer une jasette. « J’essaye de ne pas rester plus de trois minutes à chaque place, pour en faire le plus possible », m’explique en partant le candidat, qui assure que parfois, une seule porte sur vingt s’ouvre.

Mais les choses se passent bien ce soir jusqu’ici. Le temps est doux et le propriétaire de la maison précédente va clairement voter pour lui.

Les jeux sont toutefois loin d’être faits à la porte suivante, où répond un homme courtois, mais d’une froideur révélatrice.

« Mouin, lui, pas sûr qu’on va l’avoir », résume simplement Jean Airoldi, citant ensuite une scène cocasse survenue la semaine dernière. « Un homme est sorti dans la rue en criant : “Ramenez les Expos et je vais voter pour vous!” »

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Une leçon d’humilité

À la porte voisine, près d’un bucolique parc vallonné, visible grâce aux halos jaunes des rares réverbères, l’occupant ne laisse même pas le temps au candidat de vendre sa salade. « C’est beau! », tranche-t-il en refermant la porte avec une baboune.

Jean Airoldi encaisse le coup, il en a vu d’autres. « Des fois, je me dis que le monde n’est pas obligé d’être bête non plus. Mais bon, je fais peut-être pareil avec les témoins de Jéhovah… », admet-il en souriant.

On m’avait dit que le porte-à-porte constituait une leçon d’humilité pour les vedettes qui se lancent en politique, et j’en ai quelques exemples jusqu’ici. Mais bon, rien pour décourager Jean Airoldi. « Il y a des maisons où c’est plus facile que d’autres, mais rien n’est gagné », admet-il, bon joueur.

Le ton est nettement plus cordial à la prochaine adresse, où un homme sympathique placote d’accès au golf et de construction. « On n’est pas contre le développement, mais il faut que ça arrête un moment donné! », plaide le citoyen, qui habite sur l’île depuis 25 ans.

Autre porte, autre pitch.

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« Bonsoir, mon nom est Jean Airoldi. Je ne veux pas vous déranger, etc., etc. », récite le candidat en tendant un dépliant de son équipe. Il mentionne au passage que si elle était élue, sa collègue Nadine Gelly en mènerait sûrement large au sein d’une éventuelle administration Coderre.

La mère de famille écoute le candidat, déplore le manque d’infrastructures dans le quartier, comme des skateparks ou des patinoires. « C’est rendu que je dois aller à Verdun pour les activités de mes enfants », se désole la dame.

Jean Airoldi l’écoute en opinant, et s’engage à travailler pour redonner à l’île sa fierté apparemment perdue.

La porte se renferme, le candidat est confiant. « Je pense avoir des chances. La citoyenne est indécise et une visite comme ça peut être super importante », analyse le designer, qui rappelle ne rien tenir pour acquis.

Notre petit cortège s’ébranle à nouveau, au son de nos pas dans les feuilles mortes. Jean Airoldi appuie sur la prochaine sonnette, des jappements se font entendre. « Je pense qu’il y a plus de chiens que d’humains à L’Île-des-Soeurs », badine le candidat.

Airoldi complimente spontanément l’électrice au sujet de son pull. «C’est magnifique, votre chandail!», louange-t-il.

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Une bonne nouvelle, puisque la « pointeuse » Annick connaît pratiquement tous les chiens du quartier par leur petit nom.

« Je vous connais, vous! J’ai acheté beaucoup de vos masques! », souligne en ouvrant une femme pimpante. Décidément.

Jean Airoldi complimente spontanément l’électrice au sujet de son pull. « C’est magnifique, votre chandail! », louange-t-il. La femme rougit un peu. « Wow, venant de M. Airoldi! »

Sinon la soirée avance et la plupart des gens sont en pyjama. Jean Airoldi se garde de leur donner des contraventions de style, sauf peut-être à son attaché Guillaume, qui porte des rayures dans tous les sens frôlant l’hérésie.

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« Possible de cogner au lieu de sonner? »

Encore quelques portes avant de tirer la plogue.

Chaque fois, Jean Airoldi s’engage à « ramener L’Île-des-Soeurs » comme c’était avant.

Lorsque je lui demande à quoi il fait référence, le principal intéressé évoque plus de surveillance policière, l’éclairage des rues, un coup de pinceau sur les infrastructures et l’aménagement des parcs. Un projet d’école dans l’air retient aussi beaucoup d’attention, surtout pour Jean Airoldi, qui fait du bénévolat depuis sept ans pour la fondation de l’école de ses enfants, même si ces derniers n’y vont plus.

Lors du porte-à-porte, plusieurs citoyen.ne.s semblent d’ailleurs le reconnaître davantage pour cet engagement scolaire que pour sa carrière médiatique. Habile communicateur, le candidat sait pertinemment quel aspect de sa plateforme vanter aux profils d’électeurs et d’électrices qui se succèdent devant lui. « Quand ils ont des chiens, je parle des parcs à chiens. Quand ils ont des enfants, je parle de la troisième école », souligne-t-il avec candeur.

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La tournée achève. Une électrice reconnaît le candidat et lui demande s’il a mis une croix sur la mode. « Là, je me concentre sur la campagne et je veux aussi aller dans l’immobilier. C’est très dur la mode, vous savez », confie-t-il, l’informant quand même de la sortie prochaine de sa collection de pyjamas de Noël.

Il est passé huit heures. Un dernier arrêt chez un jeune couple avant la fin. Avant de refermer sa porte, la femme émet une suggestion. « Est-ce que ça serait possible de cogner au lieu de sonner? Les enfants dorment souvent à cette heure… »

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Jean Airoldi se confond en excuses, assure mettre de toute façon un terme à son porte-à-porte pour aller faire souper ses propres enfants. Du saumon est au menu.

En rentrant chez moi, je repense à cette phrase que Jean Airoldi m’avait dite lors de notre entretien téléphonique il y a quelques semaines.

« Je serais super content de gagner : sinon, je n’aurai aucune frustration parce que j’aurai essayé, et c’est ça l’important. »

Je confirme que le candidat Airoldi essaye fort.

Son avenir politique repose maintenant entre les mains de son voisinage.