« C’est quelque chose qui est arrivé très vite. J’ai interprété tellement de rôles au fil des années et là, quand Bellefleur est sortie, mon visage a été associé à une idée de la masculinité plus moderne et décomplexée. Moi, ça me ravit. J’ai aucun problème avec ça. »
Il a beau partager la même bouille, Guillaume Laurin ne renvoie toutefois pas la même énergie que l’humoriste Nicolas Bellefleur. Plus relax, un peu plus bohème, aussi, le besoin dévorant de plaire qui anime son alter ego fictif ne transparaît pas au-delà du petit écran. Venu jaser de la nouvelle saison de la série de Sarah-Maude Beauchesne sur le toit des bureaux d’URBANIA dans la cacophonie d’un chantier de construction avoisinant, il semble aussi à l’aise que s’il était dans son propre salon.
Depuis le 4 juin dernier, Bellefleur est de retour sur Crave. Dans cette nouvelle saison, le groupe d’amis le plus uni et solidaire du petit écran commence à se fissurer et les valeurs mises de l’avant durant la première saison sont remises en question. Les liens qui unissent Nico Bellefleur à sa gang seront testés, soulevant de nouvelles questions en lien avec la masculinité positive.
L’an dernier, je vous parlais de Bellefleur comme d’un portrait d’hommes en temps de paix. Cette année, Sarah-Maude Beauchesne et Nicola Morel jettent l’ombre du conflit sur l’amitié et la famille de choix qui leur sont tous si précieuses en laissant planer la question suivante : un conflit doit-il absolument se terminer dans le déchirement et la douleur?
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Les hommes en temps sombres
« Dans la deuxième saison, Nico réalise l’ampleur des dégâts qu’il a créés en priorisant son amitié avec Minh. Pour Mia, mais pour lui aussi », explique Guillaume Laurin.
Nicolas Bellefleur n’est pas le seul personnage à se remettre en question. Raphaëlle (Sarah-Maude Beauchesne) et Yan (Marc-André Grondin) ont ouvert leur couple et sont rapidement confrontés aux conséquences qui viennent avec, Maxime (Maxime de Cotret) est incapable de s’investir auprès de Claudie (Sarah-Jeanne Labrosse) et Minh (Jean Bui) devra choisir entre le souvenir de Marie et un avenir sans elle.
Pour Guillaume Laurin, ce qui rend Bellefleur si particulière, c’est la transparence dont les personnages font preuve les uns envers les autres ou du moins la confiance qu’ils s’octroient.
« Oui, Bellefleur met de l’avant des hommes qui se montrent vulnérables, mais tout le monde vit de la vulnérabilité. C’est pas tout le monde qui la gère de la même façon, par exemple. Cette saison, on met de l’avant ce qui se passe quand tu caches tout et ce qui se passe quand t’es honnête. Être vulnérable, c’est en partie être capable d’accepter l’erreur et de composer avec pour évoluer en tant qu’être humain », raconte le comédien.
Selon lui, la peur de se tromper empêche certains hommes de cheminer dans la direction qu’ils souhaitent prendre : « Faire des erreurs, c’est une étape importante dans le développement personnel. Faut que t’en fasses pour te rendre compte de ce que tu veux et de ce que tu veux pas. »
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Au cours de cette deuxième saison, Bellefleur et ses amis seront donc soumis à diverses tensions. Le manque de conflits et le soutien inconditionnel de la bande de copains avaient d’ailleurs été une des critiques faites à l’endroit de la première saison. Après tout, deux personnes qui s’aiment peuvent avoir des désirs qui s’opposent et les chocs sont alors inévitables.
Selon Laurin, c’est par leur manière d’encaisser les coups et de gérer les conséquences que les personnages de Bellefleur offriront pour une deuxième saison une vision qui peut sembler contre-intuitive à l’écriture dramatique, mais qui dépeint malgré tout une vision alternative et rafraîchissante de la gestion de conflits.
« L’écriture de Sarah-Maude prône un féminisme qui tend la main aux hommes contrairement à un féminisme qui cherche à s’en affranchir. Je comprends que cet affranchissement-là fasse l’objet de beaucoup de luttes, mais la vision de Sarah-Maude donne le goût de s’impliquer et de participer au dialogue. »
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Le visage de la masculinité positive
La carrière de Guillaume Laurin est en plein essor. Après Bellefleur, il a continué de faire parler de lui grâce à la série Veille sur moi où il incarne un personnage un tantinet moins sympathique, rôle qui ne met toutefois pas un terme à l’association entre l’acteur et l’écriture de Sarah-Maude Beauchesne et Nicola Morel et les valeurs qu’elle prône.
« Je trouve ça bien qu’on parle de masculinité, sérieux. C’est quelque chose qu’on a beaucoup remis en question depuis quelques années pour s’affranchir du patriarcat, mais c’est aussi important de la démystifier pour en comprendre les rouages. »
« Je pense qu’il y a moyen de tendre la main créativement pour approfondir le dialogue et ça me fait plaisir de porter ce message-là à travers la série », admet Guillaume.
Le comédien nuance cependant que pour lui, aller de l’avant avec une masculinité nouvelle repose avant tout sur l’idée de la rendre plus flexible et de ne pas l’ancrer dans des qualificatifs essentialistes : « La droiture, le courage, l’honneur ; je trouve tout ça extraordinaire. Mais ça devrait-tu être le propre de l’homme? Y a plein de femmes qui sont droites et courageuses. J’ai pas envie d’associer ça à la masculinité. Être une bonne personne, ça n’a pas de genre. »
À ce sujet, la popularité des discours masculinistes auprès des jeunes garçons l’inquiète profondément, mais il voit le phénomène comme faisant partie d’une montée plus générale des valeurs conservatrices.
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Pour lui, la réplique à cette violence n’est cependant pas dans l’affrontement : « Ce genre de discours entretient tellement un rapport de peur et de défaite. Si j’avais à convaincre un jeune influencé par tout ça, j’essaierais même pas d’argumenter avec. Je l’inviterais à passer du temps avec moi pour lui montrer que c’est possible de s’actualiser et d’être bien sans entretenir ce genre de rapport avec les femmes. »
La masculinité n’est pas un code de conduite rigide auquel on doit se tenir afin d’appartenir à un club dont on ne voudrait même pas être membre. Il existe autant de modèles que de milieux et de différences entre les hommes. Pour en observer quelques-uns en action, de nouveaux épisodes de Bellefleur sortent chaque mercredi pour les prochaines semaines.