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Terminator 2: le futur a-t-il bien vieilli?

Pour les 30 ans du film, on passe à la loupe le futur tel qu'on le concevait à l'époque.

Par
Benoît Lelièvre
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Le 3 juillet 1991, j’avais huit ans et demi, Terminator 2: Judgment Day prenait l’affiche partout dans le monde. La suite tant attendue de The Terminator, le film qui avait cimenté la réputation d’Arnold Schwarzenegger comme le dur à cuire en chef au grand écran sept ans plus tôt.

Trente ans plus tard, l’héritage du film parle de lui-même : un succès critique, des profits de 500 millions de dollars au box-office, quatre autres films et une série télé. La franchise est un véritable phénomène culturel, au point où, aujourd’hui, on fait référence à Skynet sans même parler directement du film. La vision d’une guerre apocalyptique entre l’humain et la machine de James Cameron est devenue une sorte d’allégorie pour notre peur du futur.

Mais de quoi avait-on peur au juste? Avait-on raison de s’en faire? J’ai revu Terminator 2 : Judgment Day pour vous cette semaine et force est d’admettre qu’on imaginait le futur avec la même précision que les marins imaginaient le fond des océans en 1492. On était pas pantoute sur la coche.

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Le monde a beaucoup changé… mais juste un peu après le tournage

Terminator 2, c’est l’histoire de John Connor (Edward Furlong) un p’tit bum de 11 ans qui fait du motocross à Los Angeles avec son ami coiffé d’une magnifique coupe Longueuil rousse. Bien qu’il l’ignore, l’apocalypse aura lieu 18 mois plus tard alors qu’une intelligence artificielle nommée Skynet déclenchera une guerre nucléaire avec la Russie qui fera plus de trois milliards de morts. John deviendra leader de la résistance. Humains contre machines.

Fucké, hein? Attendez, j’ai pas fini.

Le film a beau n’avoir que 30 ans, il s’est passé tellement de choses depuis qu’il aurait pu être présenté au Ouimetoscope sur Ste-Cath en 1909.

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En 2029, John apprend que Skynet a envoyé un robot tueur (Robert Patrick) dans le passé pour lui faire la peau à l’âge où il ne pouvait pas encore vraiment se défendre. Pour se sauver de ses griffes métalliques, il envoie UN AUTRE robot tueur dans le passé (notre cher Arnold) programmé pour le défendre. Ce second robot tueur ressemble en tous points à celui qui essayait de tuer sa mère, Sarah Connor (Linda Hamilton), dans le premier film.

Bon, me suivez-vous toujours? Pour bien saisir la vision du futur de Terminator 2: Judgment Day, il faut comprendre l’époque dans laquelle le film a été conçu. Le film a beau n’avoir que 30 ans, il s’est passé tellement de choses depuis qu’il aurait pu être présenté au Ouimetoscope sur Ste-Cath en 1909 et il n’y aurait pas eu une grande différence.

Le plus près d’un ordinateur dans nos foyers à cette époque était les consoles Super Nintendo et chez vos amis malchanceux, une Vidéoway.

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Le film a été conceptualisé, écrit et tourné AVANT Windows 95. Les modems 56K monopolisant les lignes téléphoniques avec leur bruit infernal n’existaient pas. Ce qu’on avait de plus près d’un ordinateur dans nos foyers à cette époque? Un Super Nintendo ou, chez vos amis malchanceux, une Vidéoway (console dont on parle dans le documentaire sur le fondateur de Vidéotron).

Dans Terminator 2, on a des cabines téléphoniques, des machines d’arcades, des ordinateurs qui roulent sur MS-DOS – qu’on retrouve seulement dans l’hôpital psychiatrique où se trouve Sarah Connor – des guichets automatiques, des voitures téléguidées et des systèmes de sécurité électroniques dont personne ne semble comprendre le fonctionnement. Sans vraiment expliquer pourquoi d’ailleurs, John est capable de tout pirater avec son bidule techno qui ressemble au grand-père du Game Boy Advance.

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Bref, il n’y avait pas beaucoup de repères pour imaginer le futur à l’époque, ce qui permet à James Cameron et son équipe de se lâcher lousse.

Le futu- PIF! PAF! POUF!

Il y a peu ou pas d’ordinateurs dans ce film. Paradoxalement, la prémisse repose sur l’idée qu’une intelligence artificielle se soit emparée de missiles nucléaires américains afin de provoquer une guerre. Normalement, on aurait eu besoin d’un ordinateur quelque part en amont pour la création même de cette intelligence artificielle, mais les scénaristes ne se sont pas enfargés dans les fleurs du tapis.

Pendant ces 137 minutes, on voit beaucoup d’électricité pour symboliser la nature irréelle du voyage dans le temps, du métal qui lui symbolise la nature inhumaine du futur et des interfaces qui ressemblent à des captures d’écran de Sega Saturn. Malgré tout ça, ce qui semble réellement caractériser les deux robots tueurs qui s’affrontent comme deux lutteurs professionnels pendant tout le film, c’est leur invulnérabilité. Le T-1000 de Robert Patrick se fait écraser, congeler, couper en deux, il reçoit d’innombrables décharges de calibre .12 et revient toujours à sa forme initiale. Arnold lui, est complètement indécoiffable. Il se déplace à haute vitesse sur une moto (sans casque bien sûr), se fait lancer de toutes sortes de structures et passe au travers d’explosions sans jamais qu’une seule mèche de sa crinière soit déplacée.

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Fait cocasse, ses lunettes fumées ne bougent pas d’un poil non plus jusqu’à ce que quelqu’un les brise à exactement 56 minutes.

Avec ce film, James Cameron léguait à la société une nouvelle classe de méchants unidimensionnels renouvelables à l’infini.

En fait, Terminator 2: Judgment Day s’en sacre du futur. Hollywood a une longue et fière tradition de production de méchants sans âme, de personnages qui n’ont pas d’autre utilité que d’être vaincus et/ou violemment assassinés : les vampires, les zombies, les robots. Avec ce film, James Cameron léguait à la société une nouvelle classe de méchants unidimensionnels renouvelables à l’infini. À moins de voir des androïdes de notre vivant et qu’ils soient beaucoup plus chill qu’anticipé, on peut encore avoir la chienne de ce futur encore hypothétique.

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2029, c’est dans huit ans. À la vitesse où les innovations technologiques s’enchaînent, l’intelligence artificielle hostile à l’humain et les robots tueurs seront peut-être parmi nous… Mais je crois qu’on peut dire, sans trop se tromper, qu’on a établi une relation beaucoup moins sanglante avec les machines depuis.

L’important là-dedans, c’est qu’un Arnold Schwarzenegger et un Robert Patrick qui se battent à coups de poing alors qu’ils viennent d’une époque où les fusils laser existent, ça ne vieillit tout simplement pas!