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Survivre aux vidéos morbides : petit guide pratique

Voir une scène gore sans le vouloir peut avoir un impact réel sur votre santé mentale.

Par
Camille Lopez
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Pour voir la première partie de ce reportage, où on plonge dans l’univers des vidéos morbides et ultraviolentes diffusées sur le web, c’est par ici.

C’est fait : vous avez accidentellement vu le contenu le plus choquant de votre vie. Et depuis, vous revoyez l’image chaque fois que vous fermez les yeux? Vous avez envie de mettre votre cerveau au lave-vaisselle? De revenir dans le temps?

Ne vous en faites pas, vous êtes au bon endroit. Voici comment limiter les dégâts sur votre santé mentale.

Traumatisant, même pour les plus endurcis

Premièrement, peut-être trouverez-vous un peu de réconfort dans le fait que vous n’êtes pas seul. Du gore, c’est effectivement traumatisant.

Des chercheurs américains ont identifié des symptômes s’apparentant à ceux du trouble de stress post-traumatique (TSPT), comme les idées intrusives et les flashbacks, chez des patients ayant vu, trois ans plus tôt, des images d’attentats terroristes.

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Même les plus habitués finissent par y passer. Plus de 10 ans après avoir vu « la pire vidéo de sa vie » par accident, Tommy Gaudet, archéologue autoproclamé du web, y repense encore. Alexandre*, grand consommateur de contenu gore, entend toujours, des années plus tard, les cris des victimes d’un accident d’auto filmé de l’intérieur.

Et il y a moi. Une fois la recherche pour ce dossier terminée, j’ai appelé le chercheur au Centre d’étude du trauma du Centre de recherche IUSMM, Christophe Fortin, en lui disant que j’aimerais pouvoir faire tremper mon cerveau dans de l’eau de javel. Question d’oublier certaines vidéos.

Par chance, ses conseils sont un peu moins radicaux.

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Tout de suite après avoir vu la vidéo

La première chose à faire est de fermer votre écran et de contrôler votre réaction physique, explique le psychologue. « Selon la boucle du stress, plus la réaction physiologique est intense, plus l’émotion [qui suivra risque de l’être] », m’explique-t-il.

Et puis, il faut respirer profondément.

Selon Christophe Fortin, votre plus grand outil d’autodéfense après avoir vu une image indésirable est la respiration diaphragmatique.

On pose donc une main sur l’abdomen et l’autre sur la poitrine. Puis, on inspire lentement et profondément en gonflant le ventre. L’expiration doit être aussi lente que l’inspiration. On répète le tout pendant minimum cinq minutes.

Les premières 48 heures

Dans les deux jours suivant le visionnement de la vidéo dérangeante, il faut parler, souligne le professeur à l’Université d’Ottawa. Trouvez quelqu’un qui saura vous aider à traiter l’information et à la rationaliser. « Ce que j’ai vu, est-ce que ça se passe partout? Non. Est-ce que ça a de fortes chances de se produire au coin de ma rue? Non plus », me dit-il.

Je vous conseille toutefois d’avertir votre interlocuteur que ce que vous vous apprêtez à lui dire est peut-être un peu dégueulasse et pourrait le choquer.

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Il faut aussi éviter de provoquer un nouvel épisode d’anxiété. Ne retournez pas sur le site ou l’application qui héberge le contenu problématique. Si vous risquez de voir l’image partout, par exemple après un événement très médiatisé, considérez prendre une pause des écrans tout court.

Et puis, prenez le temps de faire une activité qui vous fait du bien et qui vous change les idées. Lire, marcher, cuisiner. Socialiser, surtout.

Dans les mois qui suivent

Le psychologue recommande d’installer des extensions de navigateur qui filtrent le contenu violent ou pornographique.

« Plus on est exposé, plus on devient vulnérable », rappelle-t-il.

Entre-temps, ne négligez pas vos besoins de base (manger, dormir, boire, etc.). Si les pensées intrusives ou l’insomnie vous empêchent de prendre soin de vous, il peut être préférable de consulter un professionnel en santé mentale, conseille Christophe Fortin.

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Avant de raccrocher, le chercheur m’informe qu’il est possible de cohabiter avec quelques flashbacks et pensées intrusives lorsqu’on apprend à les déconstruire (avec l’aide, souvent, d’une thérapie). « Oui, elles s’incrustent, mais elles ne sont plus significatives », m’informe-t-il.

Je trouve ça rassurant.

***

Ce reportage a été rendu possible grâce aux bourses d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ).