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S’entrainer au temps du Plexiglas

Par
Jasmine Legendre
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On se questionnait depuis un bout de temps sur la manière dont les gyms et les cours de groupe allaient reprendre. Masque ou visière obligatoire? Un tapis roulant de distance? Prendre une douche de Purell avant de passer les portes du gym? Les établissements n’ont évidemment pas eu le choix de tenir compte des règles sanitaires en vigueur pour reprendre leurs opérations.

Pour voir quelle forme tout ça prenait concrètement, nous sommes allés nous entraîner à des endroits différents, joyeux prétexte pour se remettre en forme après avoir abusé de poulet frit (allo Roch le Coq), notre confort food pandémique favori.

Hugo au Énergie Cardio

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Les gyms sont ouverts depuis le 22 juin et j’ai déjà quelques séances à mon actif à mon Énergie Cardio.

Anecdote : je suis assurément le plus vieux membre de l’endroit, après avoir profité d’un obscur rabais de prix bloqué à vie datant de l’époque où FouKi avait deux ans et n’était pas encore FULL ZAY GAYÉ.

Bon, j’entends d’ici les mauvaises langues dire : « ouin mais me semble que t’as pas l’air super en forme pour t’entrainer au même endroit depuis le début du millénaire… » À ces impertinents, je répondrais que l’important c’est de bouger et lâcher son fou WOUHOUHOU.

Alors voilà, j’attendais comme plusieurs impatiemment le retour des gyms.

Comme tout est différent dans la nouvelle société, mon Énergie Cardio n’y échappe pas. Pas question donc de se pointer là n’importe quand avec sa serviette et ses virils petits gants pour lever des dumbells

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Et comme tout est différent dans la nouvelle société, mon Énergie Cardio n’y échappe pas. Pas question donc de se pointer là n’importe quand avec sa serviette et ses virils petits gants pour lever des dumbells. Nenni. Il faut désormais réserver via leur site web, en bloquant une plage horaire. Même chose pour les cours en groupe, puisque je suis depuis plusieurs mois un fier adepte du spinning avec ma valeureuse collègue Arianne.

Les réservations servent évidemment à limiter le nombre de visiteurs entre les murs de la succursale. Lorsqu’on se présente à un rendez-vous, on doit attendre quelques minutes dehors en file, afin de donner le temps aux employés de nettoyer le gym entre les sessions d’entraînement. Un employé masqué se présente ensuite à nous avec une liste pour barrer les noms des gens qui ont réservé. Oui, des sportifs triés sur le volet.

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Mais attention, si vous décidez de ghoster vos séances comme les abonnés de résolution du Nouvel An deux semaines après leur inscription, il faut appeler les employés pour les avertir. Si vous oubliez d’annuler à trois reprises, les employés vous forcent à faire 300 push-ups sur les pouces en écoutant en boucle Tueur à gages, la nouvelle chanson de Lucie Laurier.

Pour le reste, l’expérience est différente, mais les derniers mois ont démontré notre grande capacité d’adaptation. La moitié des elliptiques sont « au repos» pour maintenir une distance et les poushpoush de produits nettoyants trainent sur la plupart des machines. Les employés sont tous masqués, ce qui est rare chez les usagers.

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Dans le cours de spinning, l’énergique Ines pédalait derrière un panneau de Plexiglas et les vélos ont été espacés. L’air conditionné fonctionne mais les ventilateurs ont été enlevés car le mouvement d’air qu’ils créent favorise la circulation des gouttelettes.

Les vestiaires aussi sont partiellement condamnés par des rangées de casiers mais l’accès aux douches demeure permis, même si leur nombre a été restreint.

C’est sinon assez bizarre comme ambiance. Le nombre limité de clients renforce évidemment l’impression de vide. Les employés ne chôment pas par contre, débordés par les mille et une questions de la clientèle qui aimerait reprendre le plus possible l’entraînement comme dans l’temps. L’avenir dira si la santé financière des gyms sera compromise par tous ces gens qui se sont garrochés dans le jogging ou même le rollerblade au début de la pandémie.

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En attendant, je continue à m’entrainer 2-3 fois par semaine, en plus de faire mon spinning avec Arianne, même si cette dernière a clairement de la misère à suivre la cadence.

Masquée et essouflée

L’entraînement est populaire chez URBANIA. C’est pourquoi nous sommes beaucoup plus en santé que tous nos collègues des médias concurrents.

Devant mon incapacité à aller m’entraîner en salle avec des gens qui semblent tout droit sortis du dernier Sport Illustrated, mon amie-collègue Gabrielle m’a incité à venir essayer le spinning chez Spin Énergie, l’automne passé.

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Depuis quelques années à Montréal, on voit apparaître ce nouveau concept: suer sur un vélo, dans le noir pour éviter de se comparer à ceux qui ont l’air d’avoir appris à pédaler avant de marcher, avec une coach qui nous encourage à tout donner au son de la plus récente musique pop.

Je suis tombée en amour. J’y allais au moins deux fois par semaine, puis la pandémie a frappé. À l’inverse de mes collègues Barbara et Raphaëlle qui ont saisi l’opportunité du confinement pour s’entraîner sur du Tracy Anderson dans leur salon, j’ai davantage profité de la fermeture du spinning pour manger mes émotions à coup de Deep and Delicious.

Lorsqu’ils ont annoncé leur réouverture le 29 juin dernier, je me suis empressée de booker ma séance de 45 minutes à 22$ (tout pour arrêter d’être essoufflée en montant les 8 marches du bureau).

Trois-quatre changements marquent le retour : plus d’accès aux douches et aux casiers, un vélo de distance entre les participants et on doit porter un masque pendant notre entrainement, alors que notre prof se démène derrière un plexiglas.

Habituellement quand je m’époumone sur un vélo, je le fais en respirant par la bouche. Plus difficile quand elle est couverte par un masque qui m’étouffe presque chaque fois que j’inspire. Étrangement, ils permettent aux participants de pas avoir le masque sur le nez…

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J’arrive donc à 7h30 lundi matin dernier (en retard, parce que l’avenue Parc est truffée de cônes orange comme environ toutes les grandes artères de la métropole) à mon premier cours, lampe de poche à la main pour trouver mon vélo. Une fille est assise à ma place, je m’affaire donc à ajuster celui juste à côté en oubliant la première règle : un vélo de distance. Je me le ferai vite rappeler par la voleuse de place.

Je change de vélo et je commence à pédaler. Premier constat : habituellement quand je m’époumone sur un vélo, je le fais en respirant par la bouche. Plus difficile quand elle est couverte par un masque qui m’étouffe presque chaque fois que j’inspire. Étrangement, ils permettent aux participants de pas avoir le masque sur le nez… Consigne qui permet probablement de respirer un tant soit peu normalement, mais qui me laisse perplexe: on émet moins de gouttelettes potentiellement covidiennes par le nez?

Après 45 minutes à pédaler masquée, je ne suis pas convaincue de vouloir répéter l’expérience. L’ambiance est plus froide qu’à l’habitude. Les adeptes ne crient plus autant qu’avant lorsque la prof nous demande comment ça va. À capacité réduite, l’esprit de solidarité qui résonnait autrefois entre les murs de cette petite salle se fait moins présent. Mon mal de tête, conséquence probable de ma respiration entravée, ne se fait pas prier.

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J’embarque dans ma voiture trempée de sueur et un peu fâchée après la COVID.

Dans l’univers du Pro Gym

Quelques jours plus tard, en passant devant le Pro Gym de la rue Hochelaga, feu repère des danseurs du 281, je crois remarquer que l’entraînement prend des allures « pré-pandémie », loin des tapis roulants entre plexiglas et des cours de spinning masqués.

Peut-être n’est-ce qu’une impression. Décidée à en avoir le coeur net, je m’y rends par un chaud après-midi de juillet pour témoigner de l’intérieur, malgré la réception mitigée de mon premier article sur l’univers des gros bras.

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J’appelle. Ici, pas besoin de prendre rendez-vous préalablement. «C’est ça, va t’entrainer grosse chienne», lance un passant de la rue Hochelaga à une cliente qui entre au même moment que moi. Beau comité d’accueil.

À l’entrée, la réceptionniste emprisonnée entre quatre plexiglas me remet mon bracelet pour la journée que je devrai remettre à la fin dans un bac rempli de désinfectant.

Je lui achète aussi une serviette à l’effigie du gym, parce que j’ai oublié la mienne. Un souvenir qui me servira probablement dans un futur échange de cadeaux.

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Ici, les vestiaires et les douches sont accessibles. Il faut juste y entrer masquée. Les quelques filles rencontrées en portaient tous, mais les gars qui entraient dans le vestiaire adjacent ne semblaient pas respecter la consigne sanitaire. J’ai le sentiment que dans leur vision du monde, « virilité » et « port du masque » ne sont pas compatibles.

J’observe une haltérophile (ou peut-être juste une fille qui lève deux fois mon poids pour le fun) laver ses haltères avant de les utiliser, mais pas après. J’ai du mal à m’y retrouver dans les consignes de la place.

Je m’installe sur un tapis roulant pour avoir une vue d’ensemble sur cet immense refuge pour gens sur la whey et j’observe. J’observe deux «gros gars» faire leurs séries sur la même machine, en s’alternant sans pouish-pouishter. J’observe deux filles venues faire leur small talk quotidien en prenant une marche côte à côte sur leur tapis roulant, un milkshake aux fraises à la main. J’observe ce qui semble être une haltérophile (ou peut-être juste une fille qui lève deux fois mon poids pour le fun, mais qui m’impressionne) laver ses haltères avant de les utiliser, mais pas après. J’ai du mal à m’y retrouver dans les consignes de la place.

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Le gym en soit, sans COVID-19, pourrait être sujet à reportage tellement il fascine (bon OK, il l’a été 10 000 fois). Sur les écrans bien en vue se côtoient des annonces sur la distanciation sociale et des «memes» de filles cut en maillot qui chialent sur leur « shape de plage ».

Le Pro Gym est comme un petit village, avec son restaurant, ses diverses salles d’entrainement et même son salon de coiffure et de bronzage. D’ailleurs, si votre dernier rendez-vous avait des airs post-apocalyptiques, au salon du Pro Gym la consigne visière et/ou masque pour soins corporels ne semble pas s’être rendue. La seule visière croisée pendant ma courte immersion était portée par un client à qui je souhaitais de ne pas trop suer pendant son entraînement.

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Les habitués semblent être de retour. «Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu», lance une dame bien ancrée dans sa machine à un homme aux biceps imposants. En avant de moi, un homme fait un high five à un autre coureur. Distanciation? Connait pas. «Awaye tiens-lé», lance-t-il pendant son sprint final.

Si ce n’était que des flèches au sol pour essayer de respecter une certaine distanciation, on pourrait croire que tout est revenu à la normale à cet endroit. Il faut dire que la superficie impressionnante de l’établissement permet néanmoins de maintenir un bon 2 mètres pour celles et ceux qui prennent les consignes au sérieux.

Malgré tout, j’aime encore mieux suer et respirer laborieusement à travers mon masque. Le temps qu’il faudra.