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Se faire voler. Et en revenir

Chronique d'un (pas si vieux) camper van.

Par
Mélanie Leblanc
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Avec les chroniques d’un (pas si vieux) « camper van », Mélanie Leblanc vous emmène sur la route, la vraie. Des chemins sans filtre Instagram, pas toujours glam, souvent bordéliques, mais ô combien divertissants. À bord de John Mel & Camper, son truck de 21 ans (pas de rouille, pas de trou), c’est un départ vers la liberté… et le chaos.

Des fois, j’aimerais ça être une youtubeuse. Me semble que tout ce que je raconterais et vivrais serait trop « lol », « amazing » et « seriously guys, it’s the best day of my entire life ». Mais c’est pas moi et surtout, c’est pas le deal avec URBANIA et parfois, la vie c’est juste pas ça. En tout cas ça ne l’a pas été en cette fin de mai.

Plus on remonte vers le nord, plus on se rapproche de la maison. Chaque étape est marquante et déchirante. Quitter le Mexique via Baja California, donne le petit coup de poignard attendu. Bye bye le beau Sud, la météo suffocante d’amour, le pollo asado, poulet cuit au charbon, sur la rue, base de notre alimentation mexicaine. Cette vie de rêve, malgré ses creux de vague, tire immanquablement à sa fin. Et ça m’attriste. Mais y’a pas juste ça. Malheureusement, la dernière nuit au Mexique ne s’est pas déroulée comme prévue. Un petit fucker s’est arrangé pour nous brasser la dernière soirée, en nous volant. Je n’entrerai pas dans les détails, c’est impertinent. C’est juste du matériel, on est shakés, mais pas blessés, donc rien de grave. Ça fait quand même chier.

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Honnêtement, j’aurais préféré que ça arrive à Rosemont plutôt qu’à Tecate. Ça ne me tentait pas de gonfler les statistiques de ce pays que j’aime tant. Depuis 20 ans que je le défends bec et ongle en clamant « le Mexique, c’est sécuritaire, si tu ne cherches pas le trouble, tu ne le trouveras pas». Je n’ai pas cherché le trouble, mais cette fois-ci, c’est arrivé pareil. N’empêche, si vous me posez la question, je vais encore clamer la même chose.

Non, ça ne changera rien aux fabuleux souvenirs que j’accumule depuis deux décennies et aux tous nouveaux créés dans les trois derniers mois. Oui, je vais revenir au Mexique l’année prochaine. Ça ne changera rien non plus à mes recommandations de visiter le pays, comme je recommande de visiter Montréal. Est-ce qu’on va s’empêcher de voyager à l’étranger ou de se stationner dans les rues montréalaises ? Bien sûr que non. Est-ce que je vais devenir une voyageuse du type peureuse-qui-veut-faire-peur-aux-autres ? Claro que no !

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J’hésite toujours à raconter ce genre d’événement. Le Mexique a souvent mauvaise presse sur ce plan, mais ici c’est un peu mon journal-pas-tant-intime de voyage. C’est ici que je partage mes hauts, mes bas, mes fous rires, mes moments « wtf », mes crises, mes anecdotes et ma gratitude… et les bouts un peu plus plates comme celui-là.

Plate pas plate, je te dis à très bientôt, Mexique.

Des fois (souvent) on se fait voler avec consentement

On est revenus aux States depuis une semaine, une semaine donc qu’on se fait joyeusement crosser sur l’essence. En janvier dernier, au Texas, on payait la moitié du prix qu’on paie en ce moment en Californie.

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Le paysage est comme le gas : à couper le souffle. 4,99 le galon. On va en mettre juste 2, merci. Au pire, on mourra icitte.

Oui ça fait partie de l’aventure, mais ça arrive en fin de parcours et ça nous oblige à développer des nouvelles astuces. On est rendus champions dans le bundocking, aka dormir dans la rue. Nos skills de lecture de pancartes de stationnement (de « non stationnement », plus souvent qu’autrement) sont de niveau olympique. En théorie, on n’a pas le droit de dormir dans un véhicule en Californie. En pratique, on le fait tous les soirs. John Mel &Camper fait partie d’une vraie communauté ici. Wikipédia m’apprend que plus de 9 000 Californiens vivent à temps plein dans un véhicule. Ça fesse. Oui, y’a des super cutes surfers de 20 ans les cheveux bleachés qui vivent dans leur van. Moi aussi j’aimerais mieux ne pas faire dans le cliché, mais qu’est-ce tu veux, ils sont cutes, ils ont 20 ans ET les cheveux bleachés, je le sais, je les ai vus ! Mais il y a aussi le clash des « presque » sans abris qui vivent dans leur motorisé. Stationnés toujours au même endroit, du stock empilé plein le toit, comme s’ils avaient dû fuir leur ancienne vie.

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D’un côté l’abondance, de l’autre la pauvreté. Entre les deux, Antoine et moi, le cœur un peu éclaté de constater tout ça. Impuissants. On essaie de chasser de nos esprits les réflexions creuses et faciles du type « chez-nous, en hiver, ils ne pourraient pas être full timer dans leur van ». Le réconfort à cinq cennes pour s’auto-déculpabiliser d’être nés sous une bonne étoile… pas trop notre genre. C’est pas ça la vraie vie. Pis ici, c’est la vraie vie. C’est mon deal avec URBANIA et mon deal avec moi-même, ça fait que confronte-toi la grande, confronte ton bonheur sur quatre roues et confronte ta « chance », même si t’es ben allergique au mot « chance ».