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Réconfort, répit et musique de Noël
Les musiciens interprètent J’ai vu maman embrasser le père Noël pendant que Brigitte, une bénévole, essuie un peu bave qui s’échappe de la bouche grande ouverte et hilare de Jasmine*. Devant la fillette, la petite Leila, clouée à son fauteuil roulant, agite ses bras et ses jambes énergiquement au son de la musique.
*Les prénoms sont fictifs.
Impossible de rester insensible devant la scène. Quatre musiciens de l’Orchestre Métropolitain présentent un concert de Noël à une demi-douzaine d’enfants de passage au Phare, une ressource unique de soins palliatifs pédiatriques du Québec.
Si les mots « enfant » et « soins palliatifs » ne devraient jamais aller de pair, bizarrement, l’ambiance n’est pas triste et n’a rien de celle d’un mouroir. Les enfants contemplent les musiciens et expriment, à leur façon, leur bonheur de pouvoir profiter d’un spectacle de Noël.
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« On enchaîne avec un rigodon, dansez si vous voulez! », lance l’altiste Monica Duschênes, en terrain connu puisqu’elle a elle-même fréquenté, durant plusieurs années, des installations du Phare avec sa fille Charlotte, décédée en 2017. Elle est flanquée de son conjoint et violoncelliste Christopher Best, qui regarde l’auditoire avec attendrissement. Le couple continue de fréquenter l’endroit, dorénavant à titre de bénévoles.
Les violonistes Ariane Bresse et Florence Mallette complètent le quatuor, qui mène actuellement une petite tournée dans plusieurs CHSLD et à l’Hôpital de Montréal pour enfants pour répandre un peu d’esprit des Fêtes à ceux qui en ont bien besoin.
C’est la conseillère en communications Gabrielle Cassagnes-Lemoine qui m’a accueilli, une heure plus tôt. Pour être honnête, il s’agit d’une première visite que j’appréhendais un peu. En tant que parent d’enfants dont le principal défaut est l’ingratitude, je me demandais si j’avais les nerfs assez solides pour côtoyer des enfants atteints de maladies limitant leur espérance de vie, dont certains vivront peut-être leur dernier Noël.
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Il y a de cela quelques années, j’avais visité, dans un contexte similaire, un centre de soins palliatifs. Mais, selon moi, la mort des personnes âgées a quelque chose de moins contre nature.
« La grande majorité des enfants, ici, y sont pour le service de répit, mais on offre quand même la gestion de symptômes de fin de vie, malheureusement », explique Gabrielle. Par le fait même, celle-ci souligne que si certains enfants atteignent leurs 18 ans, ils ont ensuite du mal à trouver des services en soins palliatifs.
Les parents qui fréquentent le Phare ont le droit d’y laisser leur enfant jusqu’à 30 jours par année, afin de leur permettre de souffler un peu. Ces répits salutaires font parfois toute la différence, assure Christopher, qui en sait quelque chose. « Ça peut faire toute une différence avec les problèmes de santé mentale et l’épuisement physique. Les parents deviennent des infirmiers à domicile, ça répond donc à un besoin essentiel pour eux », assure le musicien.
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Construit en 2007, le Phare compte une douzaine de chambres, dont deux suites familiales pour les patients en fin de vie. Ces suites ressemblent à des chambres d’hôtel spacieuses. « Ça permet aux parents de passer leurs derniers moments avec leurs enfants sans devoir penser à rien d’autre », souligne Gabrielle.
L’endroit est joliment décoré, coloré et truffé de vitrines et de grandes fenêtres, donnant sur un secteur résidentiel tranquille du quartier Rosemont. La nourriture servie à la cafétéria ne se compare en rien avec celle qu’on associe généralement aux hôpitaux, et ce, même si plusieurs enfants sont nourris par intraveineuse.
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Malgré la présence d’un médecin de garde en tout temps, d’infirmières et de préposés, l’endroit n’évoque pourtant pas un milieu hospitalier. « Oui, on a des cas difficiles, oui, on côtoie la mort d’un enfant, mais c’est tellement lumineux. On met de l’avant la lumière et non la mort. Ici, c’est un milieu de vie », décrit Gabrielle.
Des paroles qui trouvent écho chez Monica, qui garde en mémoire de magnifiques séjours, ici, avec sa fille Charlotte. « C’était son Club Med. Quand elle venait ici, elle hurlait de joie, surtout en voyant les préposés masculins, surtout Freddy, son préféré. Pour elle, c’était un camp de vacances et pour nous, un répit », souligne Monica, qui a aussi eu deux autres enfants avec Christopher.
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Comme plusieurs enfants ont des problèmes de cécité ou de surdité, l’organisme mise sur une foule d’activités sensorielles. Par exemple, une pièce est entièrement consacrée à des activités qui visent à stimuler leur motricité. Le Phare comporte aussi une salle de musicothérapie et des animaux phosphorescents sont peints sur les murs des corridors. Dans la cour, il y a aussi une balançoire adaptée aux fauteuils roulants.
Mais les meilleurs attraits sont sans conteste la piscine chauffée et la présence de Dipsy, le chien d’assistance en soins palliatifs pédiatriques, qui a même son propre bureau. « Tout ça vise à permettre aux enfants d’être des enfants. Et pour les parents et la fratrie, c’est super! », admet Gabrielle.
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Que le spectacle commence
Le spectacle débute dans quelques minutes, les musiciens prennent place dans un salon radieux, décoré aux couleurs de Noël, avec, notamment, une arche gonflable.
Dehors, le soleil brille.
Les enfants – tous en fauteuil roulant – sont disposés en demi-lune en face des artistes coiffés d’une tuque de circonstance, qui terminent d’accorder leurs instruments.
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À ma gauche, une fillette de l’âge de ma propre fille manipule un jouet comportant une série de clés clinquantes. Celle d’en face tape sur la table ou dans les mains de la bénévole qui l’accompagne.
Un garçon attend calmement le début du spectacle. Il cogne même des clous, surtout lorsque la préposée Tamara vient spontanément lui flatter les cheveux.
Un contraste avec une autre fillette en crise, qu’on amène à l’écart pour l’aider à se calmer. Le son peut parfois être irritant.
Finalement, le concert s’amorce sur les premières notes de Il est né, le divin enfant.
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Dans la salle, ça bouge. La petite Leila continue de vibrer de partout, tandis que Jasmine joue avec son bidule à grelots, la langue sortie, sous le regard attendri de Brigitte, la bénévole. Celle-ci est nouvelle. « C’est mon deuxième samedi, ici. J’ai été gestionnaire 35 ans dans le réseau de la santé et, après cinq ans de retraite, j’avais hâte de retrouver ce côté humain qui m’a manqué. Cette clientèle n’est pas plus difficile qu’une autre. Avec les enfants, c’est le jeu qui importe et ça, ça rejoint tous les enfants », souligne-t-elle.
Mon beau sapin, Sainte Nuit, Minuit chrétien, Le petit renne au nez rouge: tous les classiques de Noël y passent et les musiciens arborent un grand sourire, même si le public est décidément plus turbulent qu’à la Maison Symphonique. « On a mis des sourdines sur nos instruments pour les petites oreilles sensibles. L’expérience est d’abord sensorielle. Ça ne veut toutefois pas dire qu’ils n’apprécient pas, au contraire », assure Monica.
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Leila, pour sa part, manifeste bruyamment son appréciation, tout comme Jasmine qui se met à chanter le Hallelujah de Leonard Cohen. Sans farce, je pense que c’est la plus belle chose que j’ai vue, cette année. Une image renforcée par les étoiles dans les yeux des bénévoles qui les veillent de près.
À la fin du concert, Leila joue avec un slinky fluo pendant que Jasmine semble pogner un coup de fatigue.
Les musiciens remballent leurs instruments, pendant que les enfants reviennent se mettre en cercle pour une autre activité.
Si Ariane a déjà joué ici, il s’agit d’une première pour la violoniste Florence. « C’est touchant, de voir ces petits cœurs-là», confie-t-elle.
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Et dire que tout ce projet est né il y a trois ans dans un party de Noël de l’OM. Une idée de Monica et Christopher, qui étaient déjà bénévoles au Phare.
Une idée qui a fait du chemin et qui incarne le mieux l’esprit de Noël.
On quitte le Phare le cœur léger, en relativisant nos angoisses bourgeoises de trop manger ou boire pendant le temps des Fêtes, ou de décevoir des enfants qui ont déjà trop de cadeaux sous le sapin.
Une campagne est en cours pour permettre à ces enfants d’avoir droit à un peu de magie et à d’autres activités comme le concert de l‘OM. Les dons sont possibles ici: jedonneauphare.com