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Ramasser des débris entre deux avions

Nous avons pris part à une corvée de nettoyage sur le tarmac.

Par
Hugo Meunier
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« J’aimerais t’inviter à notre événement automnal de récupération des débris sur le tablier principal (Foreign Object Debris (FOD) walk) à YUL, le vendredi 14 octobre de 10 h à 12 h.»

Voilà une invitation inusitée que je n’allais certainement pas bouder, reçue en marge des activités de la Semaine de la sécurité dans les aéroports canadiens qui se déroulait il y a quelques jours.

Une corvée de nettoyage plus symbolique qu’indispensable à la survie des passagers et passagères, mais bon, on ne fait jamais trop de zèle avec la sécurité à 40 000 pieds dans les airs.

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En gros, l’activité consiste à arpenter le tarmac entre les décollages et atterrissages d’avions dans le but de ramasser tout ce qui traîne par terre sur la piste. Une corvée collective annuelle, même si – rassurez-vous – le nettoyage se fait au quotidien dans les opérations régulières des équipes au sol.

Bien que l’aéroport de Montréal ne rapporte aucun incident majeur en lien avec des débris à la traîne, la moindre négligence pourrait entraîner des conséquences funestes.

Suffit de se rappeler le crash d’un Concorde en juillet 2000, moins de deux minutes après son décollage de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. La tragédie, qui avait provoqué la mort de 113 personnes, avait été causée par la collision entre un pneu de l’appareil et une lamelle métallique de 43 centimètres qui s’était détachée d’un autre avion ayant décollé cinq minutes plus tôt.

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Le rendez-vous était prévu devant la porte 56. Pour s’y rendre, il fallait d’abord passer le point de fouille. Une petite torture de se balader dans l’aire d’attente des départs sans prendre l’avion, surtout en croisant des voyageurs et voyageuses en bermudas et chemises fleuries sur le point de décoller vers leur destination soleil.

Mais bon, sauver la planète au lieu de la parcourir demeure une noble tâche. Je m’accroche à cette idée en débarquant au lieu de rendez-vous, où se trouvent une centaine d’employé.e.s de l’aéroport vêtu.e.s de dossards jaunes. « L’activité s’adresse à tous les départements et les participants s’inscrivent sur une base volontaire », résume Luc Nadon, le directeur adjoint, conformité et SGS (système de gestion de la sécurité) chez Aéroports de Montréal.

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C’est lui qui coordonne l’événement et briefe les gens sur les consignes à suivre. « Le but est de ramasser tout objet qui pourrait causer un risque : bouteilles en plastique, pièces de métal, vis, boulons, gobelets à café, etc. Un moteur d’avion est peut-être puissant, mais on ne doit prendre aucun risque », prévient Luc Nadon, pendant que les participant.e.s sirotent un café avant le coup de départ.

Les volontaires sont ensuite scindé.e.s en trois groupes pour se partager la tâche. Une équipe ira nettoyer le tarmac du côté des vols américains, une autre les vols domestiques, et enfin, un dernier contingent sillonnera la section internationale.

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On me place dans le deuxième groupe, celui des vols internationaux. « Le meilleur groupe! », s’exclame Anne-Sophie, une employée des relations publiques motivée avec qui je partage la passion du karaoké et des Filles de Caleb. « L’idée est de faire ma part, mais me promener sur le tablier, c’est particulièrement magique », admet la principale intéressée.

Pendant qu’on nous distribue un.e à un.e des gants et sacs en plastique pour y déposer nos trouvailles, Luc Nadon nous martèle une dernière fois quelques règles de sécurité. « On reste ensemble et on ne dépasse pas la ligne double blanche », ordonne-t-il, histoire qu’on ne se fasse pas écrapoutir par un Boeing et qu’on ne subisse pas trop concrètement l’expression « prendre l’avion ».

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Même si mon sac à émotions est vide depuis la naissance de ma fille il y a dix ans, pas le choix d’admettre que c’est quand même TRÈS COOL de se promener sur un tarmac. Le temps est bon, il vente et le passage sporadique d’avions au loin est aussi impressionnant qu’assourdissant.

« Je viens de trouver une vis », lance fièrement Sandrine comme si elle venait de grimper le Kilimandjaro sur les pouces, avant de la déposer fièrement dans son sac.

Cette employée du département de l’immobilier est ici avec sa camarade Ilana, d’abord pour socialiser un peu. « On est nouvelles et ça nous donnait une occasion de rencontrer des gens. Ça nous rejoint dans nos valeurs aussi », commente Sandrine, l’air heureuse de sortir de son bureau et de profiter du grand air sur le tarmac.

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Un peu plus loin, Laura aussi ne cache pas que sa motivation principale est de vivre une expérience nouvelle. « Je suis arrivée en juin et je ne savais même pas que ce type de corvée existait », souligne-t-elle, ravie.

En retrait, une patrouille de la sûreté aéroportuaire escorte notre petit groupe tout au long de la corvée. Le constable au volant a eu la présence d’esprit de mettre de la musique dans le tapis, crachée des haut-parleurs. C’est donc sur l’air de Bad Moon Rising de CCR que deux membres de mon équipe garrochent un gros morceau en métal ramassé sur le tarmac dans la boîte d’un autre camion qui nous suit.

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Pendant qu’un avion d’Air Canada accoste à la porte 67 en face de nous, notre équipe continue ses efforts, si bien que l’arrière du camion se remplit rapidement de gros débris trouvés par terre.

L’activité se termine sur le coup de midi, pendant qu’un avion accélère au loin sur la piste vers une destination inconnue.

« Bravo et merci tout le monde! », lance Luc Nadon, pendant que les employé.e.s vident le contenu de leur récolte dans un conteneur.

On quitte le tarmac au son de We Are the Champion à plein volume provenant de la patrouille de la sûreté aéroportuaire.

Bien dit. Les champion.ne.s de l’environnement, surtout.