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Quoi regarder en fin de semaine : « The Greatest Beer Run Ever »
L’expression « masculinité toxique » a la cote dans le discours culturel depuis quelques années. Les comportements associés à une vision étroite de masculinité traditionnelle et qui perpétuent des idées faisant à la fois violence aux hommes et à leurs proches sont bel et bien réels et causent encore aujourd’hui énormément de dommages. Je suis l’un de ces hommes qui croient que c’est correct de s ’émouvoir, de faire preuve de vulnérabilité, de demander de l’aide, etc.
Sauf que.
Il y a un principe de la masculinité dite « traditionnelle » qui me plaît encore beaucoup. C’est cette capacité unique que possède une bande de copains un peu chaudailles de créer un peu de magie quotidienne en utilisant l’occulte formule « t’es pas game ». Cette douce hystérie collective qui permet de lâcher son fou et de créer des souvenirs, entouré de gens qu’on aime. La version inoffensive du boys will be boys, si vous voulez. Bien sûr, tout le monde y a droit : il n’y a pas que les gars qui peuvent être niaiseux en groupe.
Dans les défis de type « t’es pas game », une seule règle d’or est à respecter : l’unique personne à qui on peut faire mal, c’est nous-même!
Si ce sentiment vous dit vaguement quelque chose ou si vous savez exactement de quoi je parle, The Greatest Beer Run Ever (disponible sur Apple+) est exactement ce dont vous avez besoin en fin de semaine. Basé sur un fait vécu, ce film raconte peut-être le projet le plus incroyable né d’un « t’es pas game ».
Le meilleur bro de l’univers
The Greatest Beer Run Ever raconte l’histoire de John « Chickie » Donohue (joué par un Zac Efron limité, mais pas inintéressant), un jeune marin américain qui décide de faire une tournée de bière à ses amis d’enfance conscrits au Vietnam pour combattre son sentiment d’impuissance face à l’instabilité politique qui ravage les États-Unis.
Cette prémisse est profondément niaiseuse, mais ce qui la rend touchante, c’est que c’est arrivé pour vrai. Un jeune américain a déjà risqué sa vie pour que ses amis se sentent moins seuls au front.
On ne naît pas extraordinaire, on le devient. The Greatest Beer Run Ever, c’est un peu l’histoire de cette prise de conscience.
Réalisé par Peter Farrelly (There’s Something About Mary, Dumb & Dumber) The Greatest Beer Run Ever est un film comique, mais qui n’est pas exactement une comédie. C’est une sorte d’hybride entre une comédie dramatique et un film d’aventure. On y présente Chickie Donohue comme un jeune homme drôle, charismatique et profondément torturé par l’idée que ses amis soient à la guerre alors que lui demeure encore chez ses parents.
Personne ne prend Chickie au sérieux avant qu’il ne passe à l’action. On le perçoit comme une grande gueule, un fils à maman à l’imagination débordante qui manque de courage pour s’engager dans le conflit.
On ne naît pas extraordinaire, on le devient. The Greatest Beer Run Ever, c’est un peu l’histoire de cette prise de conscience. De cette décision consciente de sacrifier son confort personnel et de risquer sa vie pour apporter du réconfort à ses amis d’enfance.
Chickie est bel et bien une grande gueule et un fils à maman, mais The Greatest Beer Run Ever relate sa transformation en « le meilleur bro de l’univers ».
La violence du patriotisme
The Greatest Beer Run Ever se démarque également par son point de vue sur le patriotisme. Les films américains qui racontent une histoire de guerre en essayant de demeurer le plus objectif possible sont extrêmement rares.
Peter Farrelly explore les deux côtés de la médaille : le combat idéologique contre l’impérialisme américain des manifestants antiguerre et la réalité pragmatique d’une classe ouvrière coincée dans le conflit et qui s’offusque du manque de soutien de la plus jeune génération et des intellectuels du pays. Le film offre une réalité compréhensible et un point de vue raisonnable aux deux côtés du conflit qui déchire la nation. Pas de bons courageux. Pas de méchants cupides et froussards. Juste des gens bien intentionnés qui agissent en accord avec leurs valeurs.
Pas de bons courageux. Pas de méchants cupides et froussards. Juste des gens bien intentionnés qui agissent en accord avec leurs valeurs.
L’objectivité idéologique ne dévie pas lorsque Chickie se rend au Vietnam. On y présente des êtres humains excédés, horrifiés et impuissants devant les affrontements armés qui s’enchaînent, mais aussi un flou idéologique propulsé par une machine à désinformation absolument terrifiante. Le coût moral de la guerre est exploré à travers le personnage d’Arthur Coates (joué par un Russell Crowe parfait pour le rôle), un correspondant de guerre rigoureux qui se sent responsable d’illustrer la réalité du conflit à la population américaine.
Coates est un personnage minimaliste, mais tragique à sa façon. Il traverse les conflits avec sa caméra, impuisssant devant la destruction et la mort. Il porte le poids de toute cette horreur sur ses épaules.
Ne vous méprenez pas. The Greatest Beer Run Ever n’est pas un film idéologiquement lourd. C’est drôle, touchant et parfois difficile à regarder sans être étouffant ou claustrophobe. C’est surtout un film qui présente la guerre et l’amitié d’une manière totalement originale. Ça donne envie de faire des niaiseries, même si c’est dangereux.