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Qu’est-ce qu’on fait maintenant, à part te pleurer, Anthony Bourdain?

Tatiana Polevoy nous a écrit un texte touchant à propos du décès du chef et animateur de renom.

Par
Tatiana Polevoy
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Cher Anthony,

D’abord, what the fuck?!

Je te savais cynique et narquois. Je voyais bien dans ma télé que tu ne devais jamais t’en faire passer une, mais de là à capituler sur la vie? Ton suicide m’a laissée pantoise.

Je me souviens t’avoir découvert d’abord en français, il y a 6 ou 7 ans sur Évasion. J’avais trouvé le générique où tu glissais sur la glace avec le gros « Saaaaans réservatiooon » dit à la française bien drôle.

Puis, je t’ai suivi en version anglo, dans Parts Unknown, sur CNN, dont tu tournais la 11e saison en France lorsque tu t’es suicidé. Récemment, je me suis abonnée à ton compte Instagram. Il y a quatre jours, tu as mis une photo de choucroute.

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Une choucroute? Ça fait que tu nous quittes sur une photo de saucisse alsacienne. C’était-tu voulu? Un genre de métaphore profonde sur le sens de la vie?

Parce que ç’aurait tellement été ton genre. Tu avais le tour de nous émouvoir là où on s’y attend le moins. Les gens pensent que tu parlais de bouffe dans tes émissions, mais c’est faux.

La nourriture, ce n’était qu’un trivial prétexte pour te laisser aller à tes pérégrinations philosophiques. T’étais assez brillant pour savoir qu’on te laisserait jamais un 52 minutes de télé pour parler de l’apartheid en Afrique du Sud ou de la Russie sous le contrôle de Poutine. Tu nous appâtais avec du bon manger pour nous faire mieux réfléchir.

Tu m’as ainsi appris qu’on pouvait manger à la télé sans avoir l’air d’un gros porc fini (salut, Guy Fieri). Mieux, tu as démontré qu’on pouvait faire ressentir les saveurs d’un plat en parlant d’autre chose : de culture, d’immigration ou de transmission de génération en génération.

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Les narrations et introductions que tu rédigeais toi-même étaient brillantes. Comme celle, où, seul au bar avec ta bière, tu compares ta première visite à Tokyo au moment où Eric Clapton a dû entendre du Jimi Hendrix pour la première fois!

C’est un moment de télé magistral qui se termine sur la phrase : « What do I do now? »

Qu’est-ce qu’on fait maintenant, han, à part te pleurer, Anthony? Je ne serai sûrement pas la seule à dire ça aujourd’hui, mais je pense que tu m’as un peu appris à vivre. Ce soir, ça tombe bien, je reçois à souper et je vais faire une maudite grosse paëlla.

Là, je m’en vais voir s’il y a du (vrai) safran au IGA tout en sachant que ma paëlla ne sera qu’un prétexte. Parce que au fond, tout ce que je veux, c’est savoir si ça va bien à la job pour Oli, si Jo a une date bientôt pis si Michel veut encore déménager à Ville-Émard.

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