Petit test de sociologie 101 pour la production d’OD

*L’auteur est professeur de sociologie.

Chère production d’Occupation double,

Nous avons suivi avec intérêt vos réactions des dernières semaines. Et nous attendions avec impatience l’opération sauvetage de dimanche dernier.

Au début de l’épisode, Jay Du Temple explique que votre conversation avec des expert.e.s a généré des réflexions dans les maisons d’OD, mais aussi dans votre équipe de production. Cette conversation inclut une psychologue, un didacticien et une autrice… Aucun.e sociologue?! Très étonnant. Vous présentez pourtant votre téléréalité comme un véritable « phénomène de société ».

Voici donc une formation complémentaire faite sur mesure pour vous. Cette formation propose d’atteindre les objectifs suivants :

– Poser un regard sociologique sur votre gestion de crise du 23 octobre

– Imaginer des pistes de solutions pour sauver OD du naufrage

P.S. – Dans la deuxième partie de ce texte se trouve un activité interactive qui permettra d’évaluer vos plus récents apprentissages.

Durant l’épisode de dimanche dernier et lors du passage de Julie Snyder à Tout le monde en parle, vous avez gardé le cap sur votre message initial. Si on résume : « La cause du dérapage à OD, c’est l’intimidation. Nous avons trop attendu avant d’agir, notre erreur, toutes nos excuses. Nous avons pris les mesures nécessaires en éjectant les candidats ayant commis des gestes d’intimidation et en remaniant les épisodes. Nous demandons au public de ne pas intimider les intimidateurs sur les réseaux sociaux. »

Le texte dévastateur de Patrick Lagacé, titré « Occupation hypocrite », vous interpelle sur les retombées lucratives de la bisbille. Les entrevues radio de l’ex-participant Charles Montigny puis la sortie de Karine St-Michel sur son compte Instagram vous mettent aussi sur la sellette quant au traitement réservé aux candidat.e.s… Or, au lieu d’engager le dialogue sur ces enjeux de fond, vous (et Jimy) martelez que « OD est un vecteur de changement social ».

Dans un segment de l’épisode de dimanche, votre idéateur dévie du spin en mentionnant ceci : « Les candidats à Occupation double, on veut leur bien. […] Le but des twists, le but des surprises qu’on fait vivre aux candidats, c’est jamais de soulever la polémique et/ou la haine. » C’est pourtant ce qui se produit chaque saison. Et pour gérer le feu de forêt cet automne, vous puisez dans la recette habituelle : convertir le dérapage en occasion d’avoir une « grande conversation » parce que OD, « c’est un microscope sur la société ».

Petite parenthèse. Occupation double n’a rien d’une « société miniature ». C’est plutôt un environnement qui se compare à des institutions comme la prison ou l’asile. D’abord, les candidat.e.s interné.e.s sont complètement coupé.e.s du monde extérieur. Ils et elles doivent négocier leurs interactions sociales dans la proximité, sur fond de compétition, avec une grosse cagnotte en jeu, sous la surveillance constante des caméras. Cela ne cadre pas exactement avec la définition de la société qui dort dans les manuels poussiéreux des sociologues old school.

Bref. Si vous voulez réellement susciter des comportements marqués par le respect et la tolérance, et mettre en scène une téléréalité ayant pour toile de fond l’harmonie et la dignité humaine, c’est sur le contexte social qui entoure les candidat.e.s sur votre plateau qu’il faut intervenir. En distribuant des livres sur la masculinité positive et en sortant de votre chapeau une formation sur l’intimidation, vous avez plutôt l’air de mener une campagne de relations publiques à la Mirador.

Consignes → Vous devez maintenant intégrer vos acquis en sciences humaines. Lisez le résumé ci-dessous, puis répondez au quiz.

Tel qu’expliqué par l’expert Stéphane Villeneuve, pour qu’une situation en soit une d’intimidation, trois critères doivent être satisfaits :

1) Il faut que l’acte soit répétitif. Par exemple, un.e candidat.e d’OD se fait malmener au montage durant une saison d’OD, et ce, à plusieurs reprises.

2) Il faut qu’il y ait des conséquences négatives pour la personne. Par exemple, un.e candidat.e d’OD visionne les épisodes dans le chalet des exclu.e.s et constate que son image publique s’en trouve entachée.

3) Il faut qu’il y ait un rapport de force inégal entre l’intimidateur.trice et l’intimidé.e. Par exemple, un.e candidat.e d’OD n’a pas les ressources (financières, juridiques) d’une maison de production de téléréalité.

À la lumière des trois critères certifiés par M. Villeneuve, qui sont les candidat.e.s qui ont vécu de l’intimidation durant leur passage à Occupation double?

a) Camille Dufresne d’OD Afrique du Sud.

b) Karine St-Michel d’OD Bali et d’OD Chez nous.

c) Charles Montigny d’OD Chez nous.

d) C’est une zone grise. Il faudrait revoir la formation complète disponible sur le site de NOOVO pour se faire une tête sur le sujet.

Guy A. Lepage : « Est-ce que c’est la dernière année d’Occupation double? »

Julie Snyder : « On espère que non. »

L’avenir d’Occupation double dépendra de l’évolution du débat public et de la manière dont vous allez y répondre, comme production de téléréalité. Depuis quelques jours, des candidat.e.s prennent position sur les réseaux sociaux – que ce soit pour vous critiquer ou vous défendre en relatant leur expérience négative ou positive.

Au lieu de balayer du revers de la main le discours de ces candidat.e.s qui remettent en question vos pratiques, vous auriez sans doute intérêt à leur donner une voix dans le processus de refonte que vous aimeriez mettre en place.

Julie affirme que « toute l’équipe est de bonne foi ». Votre défi, pour sauver les meubles à long terme, sera d’en faire la démonstration authentique.

− Un sociologue serviable

*Réponse du quiz : a), b) et c).