*L’auteur est professeur de sociologie
C’est reparti, la machine d’OD prend son envol pour une autre saison. Des candidat.e.s s’apprêtent à sortir de leur zone de confort et vont bientôt se démener sur un tapis rouge dans l’Ouest, offrant des performances variables (quand elles ne sont pas carrément cringe). Mais savent-ils vraiment dans quoi ils s’embarquent? Sont-ils conscients de ce qui les attend avant, pendant, après? J’ai eu envie d’en discuter avec Charles Montigny dans un confessionnal (sociologique) pour voir ce qu’il retenait de son expérience, un an après son passage dans l’antre de capitaine rebondissement.
Socio extra
Faire OD c’est « vraiment épuisant, exténuant, c’est comme l’expérience physique la plus difficile que j’ai vécue dans ma vie. » D’emblée, il faut savoir que de trouver le sommeil ne sera pas nécessairement de tout repos : « La nuit, les premières semaines, souvent [la production] laissait les lumières allumées » me raconte l’ex-participant d’OD Chez nous, qui s’est parfois servi de masques anti-COVID comme loup pour les yeux, question de se donner une petite chance de tomber dans les bras de Morphée. Ajoutez à ça le fait que les candidats se couchaient très tard lors des tournages et que les journées commençaient très tôt, et on peut comprendre pourquoi la fatigue s’est vite installée. « Tout est long. La définition de participer à l’émission c’est : attendre » ajoute-t-il pendant notre entretien sur ZOOM. Une fois arrivé dans le chalet des exclus, il a pu récupérer et reprendre ses esprits : « les deux premières semaines [comme exclu], je me couchais vers 9-10h le soir, puis je me levais vers 2-3h l’après-midi ».
«t’as jamais vraiment accès à de la musique, tu peux pas lire, tu peux pas écrire»
Charles admet que d’autres candidats ont mieux géré les courtes nuits, l’accès limité au gym et l’inactivité, mais pour sa part un grand sentiment d’impuissance l’a habité tout au long de l’aventure. « Ça tire de l’énergie de n’avoir aucun pouvoir sur ce qui se passe, de pas pouvoir faire une différence dans ton quotidien, d’être 100% contrôlé en permanence ». Il précise qu’à OD « t’as jamais vraiment accès à de la musique, tu peux pas lire, tu peux pas écrire ». Ce à quoi s’ajoute « la pression d’être regardé en continu » qui génère énormément de stress. Comment chacun y réagira? Nul ne peut le prédire avant d’y être confronté, on ne peut le savoir quand on signe pour une place dans la maison des gars.
Dans le regard de l’autre
On sait que l’aventure de la télé-réalité ne prend pas fin le jour où on retourne à la maison (sa vraie maison). Elle ne se résume pas, après coup, à une ligne de plus sur son cv. On doit aussi composer « en présentiel » avec le regard des téléspectateur.trice.s. Ça fera bientôt un an que Charles traîne son tag de leader comme un boulet. Il garde l’impression que « la majorité des personnes qui ont écouté OD » ont une opinion sur lui qui n’est « pas réaliste ». Au point où il se dit « soulagé de mettre le masque », pour éviter de se faire reconnaître au quotidien. « Je fais beaucoup d’anxiété sociale par rapport à ça […] maintenant j’ai peur de ce que le monde pense de moi », un état qui contraste avec sa vie d’avant. Cette année, nous dira-t-il, il n’a fréquenté que des filles qu’il connaissait déjà. Il se dit « plus craintif », comme s’il partait toujours « avec deux prises contre lui ».
Il garde l’impression que « la majorité des personnes qui ont écouté OD » ont une opinion sur lui qui n’est « pas réaliste ». Au point où il se dit « soulagé de mettre le masque », pour éviter de se faire reconnaître au quotidien.
L’étiquette OD le suit aussi jusque dans sa vie professionnelle. L’hiver dernier, l’ex-candidat a œuvré comme travailleur social dans un hôpital. Un défi de taille, car à peu près tous les patients de moins de 30 ans le voyaient comme le « Charles d’OD » donc « le lien se faisait vraiment difficilement ». Plus lourd encore? « La relation avec mes collègues », précise celui qui entendait des discussions à son propos dans les recoins de son milieu de travail… Après une crise d’anxiété dans le stationnement de l’établissement, il a dû se rendre à l’évidence : rien n’allait plus et un congé maladie s’imposait.
« À quoi ça sert de continuer? », « Est-ce que ce serait plus simple sans moi? », c’est le genre de réflexion qui l’ont d’ailleurs poursuivi dans les mois post-OD. Certes, l’année dernière une psychologue a été mandatée par la production pour accompagner les candidats avant et pendant l’aventure. Sauf qu’une fois retourné dans le vrai monde, malgré tout le ressac médiatique, Charles dit n’avoir eu droit qu’à cinq séances supplémentaires en psychologie. Il s’est donc remis sur pied par ses propres moyens, renouant avec des projets comme son EBOOK sur la confiance en soi et le podcast 1 conseil au Studio Kréateur.
L’épouvantail des réseaux sociaux
Participer au tournage d’Après OD, le printemps dernier, n’était donc pas dans ses plans, mais un échange avec Marie-Lyne Joncas l’a convaincu d’aller de l’avant. S’il se dit plutôt satisfait du résultat, il trouve que l’épisode a permis à l’émission de se délester de sa part de responsabilité pour ses déboires.
Après OD s’est conclu sur cette phrase : « Si y a une leçon à tirer de la dernière année d’OD, c’est […] surtout d’arrêter l’intimidation sur les réseaux sociaux », mais Charles estime aussi que la façon dont il a été présenté à l’écran, à travers les choix de réalisation et de montage, a alimenté les dérapages en ligne. « La personne que j’aimais le plus [à OD] c’était pas moi. C’était les gars avec qui j’étais. Surtout Jamie, Carl, Kev, Kiari : c’est des gars que j’aimais plus que moi dans ce show-là. J’admirais ben plus les gens autour de moi que je m’admirais moi ».
On peut supposer que de mettre de l’avant un personnage nuancé, c’est moins payant pour une télé-réalité qu’une bonne dose de controverse ou de bisbille. Diaboliser au moins un.e candidat.e par saison, tout en restant à l’intérieur de ce qu’elles perçoivent comme les frontières de l’acceptabilité sociale, ça semble être la recette des productions de toute « bonne » télé-réalité qui se « respecte »
OD la suite
Maintenant que la poussière est retombée, va-t-il regarder OD dans l’Ouest? Quand il voit passer des posts sur les futurs candidats, Charles jongle avec des émotions contradictoires : « C’est comme de la confusion encore pis oui c’est de la colère pis c’est de la peine ».
À vrai dire, celui qui porte la marque de leader au fer rouge souhaite que la nouvelle saison aide à mettre la sienne derrière lui, comme une étape de plus dans son deuil des télé-réalités.