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Petit guide à l’intention de l’automobiliste urbain

J’ai une voiture, mais ne capotez pas : elle est toute petite et je l’utilise à peine.

Par
Judith Lussier
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Étant travailleuse autonome, j’essaie de sortir de la maison le moins souvent possible. Je mange à la maison, je me divertis à la maison, et le gym est au coin de la rue. Je n’ai donc presque pas besoin de linge et j’ai quasiment oublié comment on se maquille. Si mon mode de vie me rapproche chaque jour un peu plus de la mésadaptation sociale, en matière de transport urbain, je suis irréprochable. Un modèle à suivre.

Afin de continuer à ne presque pas utiliser ma voiture, toutefois, j’ai besoin de la collaboration de tous pour tourner en rond le moins longtemps possible les jours où je dois la changer de côté de rue, les mercredis et vendredis midis. Un enjeu urbain de taille. En premier lieu, c’est de la collaboration du banlieusard dont j’ai le plus besoin.

Je l’ai vu l’autre jour. C’est lui, qui stationne en laissant quatre pieds en avant et quatre pieds en arrière de sa voiture, juste pas assez d’espace de chaque côté pour que de petites voitures écolos comme la mienne puissent se stationner. Ce n’était pas écrit dans sa face, qu’il venait de Laval, mais sur son char : «Honda de Laval». J’aurais voulu l’arrêter et faire un brin d’éducation populaire, mais 1. J’haïs ça les gens qui me font la morale dans la rue, je fais exprès pour les regarder avec des yeux de poisson mort 2. J’ai eu un peu pitié de lui parce qu’il vient de Laval, il ne peut pas savoir, et 3. J’ai droit à une tribune chaque mardi dans Urbania, aussi bien en profiter. Pour ce qui est de l’option «laisser une note sous l’essuie-glace», je trouve que c’est se donner beaucoup de peine pour avoir l’air fou, aussi anonymement soit-il.

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Les gens de la banlieue se plaignent qu’il n’y a pas de place pour stationner en ville. C’est faux. On s’en rend bien compte lorsqu’une grosse bordée de neige enlève la moitié des places de stationnement. Où vont-elles, alors, toutes les voitures? Au même endroit : dans la rue. La neige rend juste les gens un peu plus débrouillards. Devant l’embûche, on use de système D. On stationne en biais, on enfouit une borne fontaine dans la neige et on feint de ne l’avoir pas vue, on stationne sur un banc de neige ou on construit un igloo pour sa voiture.

Chose certaine, il y a de la place pour tout le monde.

Évidemment, il n’y a pas autant de place qu’en banlieue. Nos voitures n’ont pas chacune droit à leur stationnement privé devant la maison, laissant libres toutes les places de la rue pour les fois où on reçoit de la visite. L’espace est un luxe que nous n’avons pas, en ville. L’automobiliste urbain doit donc user de stratégie, c’est-à-dire, stationner en laissant au maximum un pied devant et derrière sa voiture. C’est pas mal la seule règle, et ça tient en une phrase. Pas d’excuses pour ne pas la suivre.

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Seule précision à ajouter. Dans le cas où l’automobiliste serait devant la situation rare où il y aurait une surabondance de places. Mettons trois places. L’automobiliste chanceux doit se rappeler que cette situation est passagère, et que les automobilistes qui arriveront dans la prochaine heure feront face, eux, à une pénurie de places. Il doit donc s’en tenir à la règle du pied devant, même s’il a du jeu en masse en arrière. En ville, on ne prend pas ses aises comme dans un lit king. Jamais.

Petit ajout encore pour les détenteurs de vignettes. C’est leur droit fondamental, même s’ils se pensent bons de s’être payé une vignette, de stationner où bon leur semble. Ils peuvent même stationner dans les zones sans vignettes lorsqu’il n’y a plus de place dans la zone de vignettes. MAIS : lorsque le détenteur de vignette a le choix entre une place à vignette et une place sans vignette, même si ça l’éloigne de dix pieds de sa maison, de grâce, qu’il utilise la place à vignette. Nous, les non-détenteurs de vignette, n’avons pas une tonne de choix de stationnement. Si en plus on s’en fait voler par ceux qui ont des privilèges… c’est un peu comme si un riche allait manger dans une popote roulante.

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Pour le reste, mon collègue Frédéric Guindon a raison : laissez donc votre voiture aux stations Montmorency ou Longueuil. De toute façon, ici, les ponts s’écroulent et c’est plein de cyclistes fous qui vous empêchent de tourner sur Rachel.

Note: La photo illustrant cet article a été prise sur ma rue. Ce n’est pas moi qui ai écrit cette savoureuse note (j’aurais mis un «s» à «place» évidemment), mais je connais l’«hostie de cave» qui prend toujours deux places: c’est mon voisin d’en face. Lui, contrairement au gars de Laval, n’a vraiment pas d’excuse.