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Papa, pourquoi je dois aller à l’école?

Aller à l'école pour apprendre, oui, mais c'est tellement plus que ça ma fille.

Par
Stéphane Morneau
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Ma fille, c’est la rentrée scolaire. Tu le sais, j’ai même vu une bonne dose d’émerveillement dans tes yeux quand tu flanquais ton nouveau sac à dos sur tes épaules pour la première fois.

Tu avais hâte de retrouver l’école, tes amis, notre routine. C’est beau à voir ton enthousiasme.

Mais bientôt, je présume, une question te brûlera les lèvres un matin où ça ne te tentera pas particulièrement de t’extirper du lit très tôt pour ne pas arriver en retard.

« Papa, pourquoi je dois aller à l’école? »

La réponse convenue, évidente, serait de te dire que tu vas à l’école pour apprendre des choses, plein de choses. Par contre, tu apprendrais plein de choses sans y aller. Ton quotidien est une découverte perpétuelle, du moins, c’est ce que j’en conclus devant ton avalanche de questions.

Tout ça, c’est bien beau, mais ça ignore le plafond de verre qui existe et sur lequel tu te buteras un jour.

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L’autre piste de réponse, ici, serait de t’expliquer que tu vas à l’école pour te forger un avenir, te permettre de faire un travail que tu aimeras plus tard et, surtout, t’ouvrir le plus de portes possible en prolongeant ton parcours scolaire.

Tout ça, c’est bien beau, mais ça ignore le plafond de verre qui existe et sur lequel tu te buteras un jour. Le marché du travail n’est pas une méritocratie et tes bonnes notes, avec le temps, ne seront que des bouts de papier empoussiérés dans le fond d’une garde-robe.

Ceci dit, je ne veux pas non plus te faire miroiter l’idée que l’école n’est que pour le travail. Prends moi, par exemple, mes études cinématographiques ne m’auront jamais mené dans un milieu connexe, mais elles ont clairement façonné l’homme que je suis devenu.

Tout est une question de perspective.

Vois-tu ma fille, l’obligation existe pour que le plus de gens possible obtiennent des chances égales de réussir.

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« Mais papa, pourquoi est-ce que je suis obligé d’y aller? »

Vois-tu ma fille, l’obligation existe pour que le plus de gens possible obtiennent des chances égales de réussir. C’est un minimum que l’on se doit de maintenir, ne serait-ce que pour être des humains décents.

L’école obligatoire, c’est essentiel pour maintenir l’éducation. Sans ça, j’ose à peine imaginer dans quel état ça serait dans certains quartiers et, surtout, j’aurais peur de voir l’impact négatif sur des jeunes dans des milliers plus défavorisés, par exemple.

Les chances sont bonnes qu’un jour ou l’autre l’école te semble être une corvée, pour ne pas dire un calvaire. La polyvalente a cet effet sur plusieurs jeunes.

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C’est difficile de valoriser l’école quand, adulte, le monde s’est écroulé sous tes pieds. Que ce soit à cause d’un traumatisme, d’une situation précaire, d’une maladie ou tout simplement d’une série de bad luck — se convaincre que Pythagore sert à quelque chose devient aussi futile que désagréable et c’est le genre de chose que l’on peut transmettre, malgré nous, à nos enfants qui eux, plus tard, le transmettront aux leurs.

C’est un cercle vicieux et l’école obligatoire le freine du mieux qu’elle peut.

Mais il faut persévérer.

« Mais papa, on fait quoi si on n’aime pas ça? »

Les chances sont bonnes qu’un jour ou l’autre l’école te semble être une corvée, pour ne pas dire un calvaire. La polyvalente a cet effet sur plusieurs jeunes.

Mais il faut persévérer. Pas seulement dans l’espoir de se trouver un travail, mais aussi pour se préparer au quotidien qui sera présenté à toi plus tard. Toutes les situations ne sont pas agréables, tous les gens ne sont pas amicaux et tous tes efforts ne seront pas forcément récompensés.

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Une chose est sûre par contre, c’est que tes efforts à l’école, tôt ou tard, développeront ton esprit critique et ça ma fille, c’est ce que je souhaite le plus au monde.

« C’est quoi l’esprit critique? »

C’est ce qui va te permettre, un jour, de te faire une tête sur ce que tu vois et entends partout autour de toi, que ce soit à la télé, si elle existe encore, ou sur le web. En aiguisant ton esprit critique, tu pourras juger adéquatement ce qui est bon pour toi et pour les gens que tu aimes. Tu vas prendre des décisions éclairées et éviter, autant que possible, la paresse intellectuelle qui entraîne des situations fâcheuses.

Sans les outils de base que l’école te donne, c’est difficile d’ensuite voir les différentes facettes du monde avec un œil autonome.

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L’école, c’est aussi pour ça. Te confronter à plusieurs choses qui ne croiseraient pas forcément ton quotidien et te donner les outils pour les interpréter et les utiliser ensuite. Comme quand tu apprenais à écrire. Au début, ce n’était que des traits de crayons sur du papier. Mais, éventuellement, des mots sont apparus sur les pages et ces mots sont devenus des phrases, des histoires et des connaissances pour toi.

Sans l’écriture, tout le reste serait caché. C’est un peu la même chose avec l’esprit critique. Sans les outils de base que l’école te donne, c’est difficile d’ensuite voir les différentes facettes du monde avec un œil autonome.

Quand je dis que je te le souhaite, c’est parce que j’ai envie de te voir épanouie, vivante et curieuse, ma fille. Ta curiosité et ton émerveillement pour des choses aussi simples qu’une nouvelle trousse pour tes crayons feront de toi une femme entièrement majestueuse et mon travail de papa, pas mal plus important que mon autre travail, c’est de souffler dans tes voiles afin que tu trouves le port qui te conviendra en temps et lieu.

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Pour le reste, l’école te donnera des outils, la vie des nuances et tu seras la locomotive de ce beau projet.

C’est pour ça que tu dois aller à l’école ma fille – et aussi pour ne pas que ta prof me chicane, déjà qu’elle trouve qu’on est trop souvent en retard. Mais ça, c’est une autre histoire.

Pour lire un autre texte de Stéphane Morneau : « Papa, c’est quoi l’intimidation? »

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