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On a écouté le nouvel album de James William Awad, l’ostrogoth derrière le « Sunwing Gate »

On peut y entendre des rappeurs de renom comme Lil Baby, Rick Ross et Gucci Mane.

Par
Billy Eff
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Si on connaît surtout James William Awad comme étant le cerveau derrière le fiasco du #SunwingGate, le cyberentrepreneur caresse depuis quelque temps le rêve de devenir chanteur de rap, ayant fait paraître un premier album, I Feel Better Alone, en octobre 2020, puis break & tell en juillet 2021.

Si ses deux premiers projets n’ont pas suscité un grand engouement, son nouvel album intitulé Ostrogoth, Pt. 1 – en référence au commentaire de Justin Trudeau à la suite du #SunwingGate – pourra peut-être ajouter de la légitimité à son claim to fame, aussi artificiel soit-il. Senior – le nom de scène d’Awad – s’appuie notamment sur la présence de collaborateurs de renom, dont Rick Ross, Gucci Mane, A Boogie with a Hoodie et Lil Baby, ainsi que des productions de ATL Jacob (Future, Gunna) et du montréalais Lens Dupuy (Damso, Jok’air).

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En 15 chansons et un peu moins de 41 minutes, la production savante et les featurings de première classe laissent toute la place à Senior pour briller. Malheureusement, c’était peut-être un exercice encore trop périlleux pour le Montréalais de 29 ans.

S’il fallait tenter de décrire Ostrogoth, Pt.1 à quelqu’un qui n’aurait aucune idée de qui est James William Awad, et de pourquoi cet album existe, je me risquerais à l’analogie suivante :

Pensez au nerd le plus énervant de votre classe, celui qui trippe sur Elon Musk et qui écoute trop de Drake pour son propre bien. Maintenant, imaginez-vous qu’après avoir dit à qui veut bien l’entendre qu’il deviendrait richissime un jour, il finit par vraiment le devenir, style Artie Ziff. Par un miracle économique, il réussit enfin à lancer sa carrière musicale avec certains de ses artistes préférés, malgré qu’il soit peu doué avec les mots. La version rap (et payante) de Make-a-Wish.

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Surfer la vague de hype

Lorsqu’Awad fut identifié comme l’organisateur du party dans l’avion nolisé de Sunwing qui a fait les manchettes en décembre dernier, plusieurs internautes ont fait remarquer que le compte Instagram du jeune homme donnait l’impression qu’il faisait déjà partie de la jet-set du hip-hop. En effet, on peut l’apercevoir aux côtés de certains des rappeurs qui figurent sur l’album. Tout le monde a eu des théories sur comment et pourquoi cela aurait pu arriver.

Senior aurait aussi reçu du feedback de Drake, qui l’aurait poussé à retourner peaufiner ses talents d’écriture.

Selon des articles en ligne (à prendre avec un grain de sel, vu que plusieurs semblent avoir été commandités par Awad ou, du moins, quelqu’un qui aurait à gagner de son éventuel succès), il aurait été sélectionné pour une performance à Rolling Loud, l’une des plus grosses séries de festivals de hip-hop en Amérique du Nord, mais celle-ci aurait finalement été annulée après que la scène se fut affaissée. Le gérant de Senior lui aurait donc trouvé un gig en première partie de Gunna, puis le lendemain de Lil Baby, et finalement de Rick Ross.

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À un certain moment dans tout ça, Senior aurait aussi reçu du feedback de Drake, qui l’aurait poussé à retourner peaufiner ses talents d’écriture. A-t-il soumis une version finale de l’album à Drake pour que ce dernier l’approuve? Probablement pas, à en juger par le contenant et le contenu des paroles.

Nommer son album en référence à une insulte que le dirigeant de ton pays a dû ressortir des oubliettes pour adéquatement décrire l’ampleur de la stupidité de tes actions, c’est ballsy. Et comme l’album s’intitule Ostrogoth, Pt. 1, ça veut dire qu’une partie 2 s’en vient. La tracklist tentative de ce deuxième opus révèle d’autres collaborations avec des artistes notoires, dont Gunna, Lil Keed, Nav et 42 Dugg.

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Une opportunité manquée

Alors, qu’est-ce qu’il vaut, cet album? Il s’ouvre avec Come Up, dont Lil Baby est l’invité. Les paroles et la prod trap efficace, bien qu’un peu « type beat », mettent la table pour le reste de l’album : on y retrouve les tropes habituels et peu inventifs sur la gloire, l’argent, le sexe, la drogue, l’insouciance.

She’s Like continue dans le même sens, avec de légères influences à la Playboi Carti, un flow légèrement off-beat et des voix aiguës, des lignes sur l’argent et les voitures. Sur Picasso Designer, Senior explique être si bien habillé que ce serait son sobriquet, à Atlanta. La chanson inclut quelques références à des comptes dans différentes banques à travers le monde.

Rendu à cette quatrième chanson, on se rend vite compte que si l’on cherchait de la substance, une histoire captivante ou un insight quelconque, on est au mauvais endroit.

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Avec son interpolation du classique What You Won’t Do for Love de Bobby Caldwell, Don’t Give Up est probablement la pièce que je vois le plus facilement jouer dans les clubs de la rue Saint-Laurent. Par contre, rendu à cette quatrième chanson, on se rend vite compte que si l’on cherchait de la substance, une histoire captivante ou un insight quelconque, on est au mauvais endroit.

Un peu comme à sa malhabile conférence de presse, Senior s’offre à lui-même une plateforme parfaitement exploitable, mais les sujets qu’il aborde et son vocabulaire se montrent plutôt limités, ce qui rend tout aussi limitée notre appréciation de l’album.

Enfin, sur Ostrogoth, le cyberentrepreneur aborde ce qui a mené à ses 15 minutes de gloire au Québec.

« My money making money, money making money fast

Hey, hey

Last time I threw a party, Sunwing’s blowing money fast

And how you know

Is when you find out Trudeau calling me an Ostrogoat

Now I’m the goat

The haters acting cold, so I went out to buy them coats »

Comme je vous disais, il ne gagnera pas de prix Pulitzer pour ce projet, et on aurait volontiers pris un peu plus de jeux de mots, de subtilités, d’explications. Ou même d’irrévérence; un peu d’esprit aurait été le bienvenu sur cet album. On a plutôt droit à des rimes si enfantines qu’elles paraissent parfois parodiques, des tropes recyclés et battus à mort. À preuve : en environ 40 minutes, Senior réussit à lui seul à dire « b*tch » 27 fois et « fuck » 46. C’est peut-être le fait le plus notable d’Ostrogoth Pt.1.

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L’album est sorti sans tambour ni trompette le 5 août dernier, et l’intérêt ne semble pas au rendez-vous jusqu’à maintenant, mis à part le demi-million d’écoutes sur Spotify pour sa chanson avec Lil Baby (spoiler : les gens l’écoutent pour le couplet de Lil Baby) et une grande célébration sur son domaine dans les Laurentides pour le lancement de l’album.

La partie 2 d’Ostrogoth devrait paraître en octobre, ce après quoi Senior dit vouloir clore ce chapitre de sa vie. Avec un peu de chance, je n’aurai pas à vous en faire la critique…