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On a célébré le solstice d’été à l’occasion de la Journée nationale des Autochtones

Elisapie Isaac, Mike Paul Kuekuatsheu, Drezus et Cris Derksen ont offert des performances.

Par
Laïma A. Gérald
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Depuis 1996 au Canada, la Journée nationale des peuples autochtones est célébrée le 21 juin, à l’occasion du solstice d’été.

Pendant des générations, de nombreux groupes et collectivités autochtones ont célébré leur culture et leur patrimoine à cette période de l’année étant donné la signification que revêt le solstice d’été : le jour le plus long de l’année.

Mardi soir, je me suis rendue au square Cabot à Montréal, où POP Montréal organisait des performances et des activités gratuites pour souligner l’événement.

Là où l’on guette l’orignal

Le ciel est nuageux cet après-midi. Le square Cabot, à un jet de pierre du métro Atwater, bourdonne de vie. Autochtones et allochtones sont réuni.e.s pour célébrer le solstice, malgré les fines gouttelettes et l’absence de soleil.

Sur scène, Mike Paul Kuekuatsheu chante, parle, joue du tambour. Au moment où je me joins à la foule rassemblée devant les musiciens, l’auteur-compositeur-interprète ilnu, né sur les rives du lac Pekuakami à Mashteuiatsh, entame un morceau tiré de son troisième album Ashuapmushuan.

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« Ça signifie “Là où l’on guette l’orignal”, explique le chanteur, bienveillant. Pendant la création de mon album, l’esprit de l’orignal est venu me rendre visite en rêve. Cet animal est une espèce en voie de disparition, ça nous rappelle l’importance de prendre soin de notre Mère la Terre. »

Avant d’entamer sa prochaine chanson, Mike Paul prend le temps de présenter Joanie Picard, venue directement de Wendake, pour danser et célébrer le solstice.

La jeune femme, vêtue de plumes et parée d’un sourire lumineux, invite la foule à venir danser avec elle. Des personnes de tout âge s’avancent, certaines sont timides, d’autres enjouées. Parmi elles, je note la présence de Manon Massé, militante féministe et femme politique québécoise.

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Nuageux solstice

Les artistes prennent une petite pause. J’en profite pour me promener dans le square Cabot. Je découvre différents kiosques, où l’on vend de l’artisanat autochtone : boucles d’oreilles, porte-clés, perlages variés.

À côté, un petit chapiteau abrite un atelier de sculpture sur pierre à savon par Simiuni Nauya et Abelie Napartuk Jr. Des enfants et des adultes autochtones et allochtones s’affairent à scier, couper et polir leur œuvre d’art, qu’ils pourront rapporter à la maison. Ça me donne envie d’essayer un jour.

Dans la foulée, Scott Sinquah fait son apparition sur scène, aux côtés de son père. Vêtus de costumes et de plumes colorées, les deux hommes m’expliquent qu’ils sont venus directement de l’Arizona pour l’occasion. J’apprends également que Scott Sinquah est le champion du monde de danse du cerceau (hoop danse) et qu’il pratique la Fancy war dance.

Il n’en faut pas plus pour que l’artiste s’adonne à son impressionnante performance, sous les applaudissements de la foule. Tout de suite après, c’est M. Sinquah qui prend la scène d’assaut afin de livrer un numéro de hoop danse.

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« Regardez bien les cerceaux tourbillonner, vous verrez peut-être une fleur, un oiseau, un cheval, un loup », annonce-t-il. J’observe les mouvements fluides des cerceaux. J’y vois une vague un jour de tempête, un oiseau qui déploie ses ailes, un loup qui hurle, un paon qui fait la roue. C’est hypnotisant.

De retour devant le micro aux côtés de son fils, le performeur explique qu’il est bien content d’avoir présenté son numéro sous une fine pluie. « Nous venons d’Arizona, où il y a le désert et la sécheresse. Nous dansons souvent pour invoquer la pluie. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous sommes contents de voir tous ces nuages. »

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Land back

La famille Sinquah fait alors place à Drezus, un rappeur et activiste autochtone originaire de la Saskatchewan, aujourd’hui basé à Calgary, en Alberta.

Je ne connais pas l’artiste, je m’empresse donc de le googler avant que ne commence sa performance.

« Les réalisations de Drezus (Jeremiah Manitopyes) dans le domaine de la musique comprennent les prix du meilleur vidéoclip, du meilleur producteur, du meilleur album de rap/hip-hop et de l’artiste autochtone de l’année », m’apprend Internet. Impressionnant!

Au même moment, le rappeur Cree-Anishinaabe s’avance sur scène avec un bâton de sauge enfumé, laissant échapper une effluve faite pour purifier le lieu.

My skin’s red, I bleed red, I’m seeing red

I’m praying for my people out there who ain’t seen it yet

His blood is cold, he’s living lies forever told

By his ancestors 500 years ago

Le rap de Drezus est engagé, politique, revendicateur. Entre chacune de ses chansons, il s’adresse au public : il reconnaît par exemple que la performance se déroule à Tiohtià:ke, territoire mohawk non cédé. Il en profite également pour remercier la nature, les mains vers les arbres ornant le square Cabot. « What’s up trees, thank you guys! » [« Salut les arbres, merci les amis! »], s’exclame-t-il, plein d’humour mais non moins sensible à la cause de la préservation de l’environnement.

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Il confie alors au public qu’il a été résident d’un des derniers pensionnats de la Saskatchewan, saluant au passage ses consoeurs et ses confrères présents dans la foule, reconnaissant le traumatisme que les établissements ont représenté pour eux et leurs ancêtres. « I choose to uplift » [« Je choisis d’avancer »], lance-t-il, avant d’ajouter fièrement qu’il est sobre depuis un peu plus de cinq ans.

C’est en encourageant la foule à lever le poing dans les airs et en criant « Land back » [« Reprendre nos terres »] que Drezus quitte fièrement la scène en annonçant les prochaines performances, celles d’Elisapie et de Cris Derksen.

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En quittant le square Cabot (malheureusement avant la fin des spectacles qui se prolongeaient jusqu’à 19 h), je repense à une conversation que j’ai eue avec Dominic, le jeune conteur rencontré lors de ma visite à l’Hôtel-Musée Premières Nations à Wendake en mai dernier.

Ce jour-là, Dominic me parlait avec passion des jeunes autochtones qui réapprennent leur langue, qui renouent avec des techniques d’artisanat traditionnel, comme la confection de raquettes, le perlage de ceintures de wampum ou la sculpture sur pierre à savon et qui, incidemment, retrouvent la fierté que l’on a cherché à enrayer pendant des siècles.

Et c’est précisément ce qui émanait du square Cabot mardi soir, jour du solstice d’été : de la fierté.