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Nowell

ou la dictature du bonheur

Par
Brigitte des Rosemomz
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L’an passé, à pareille date, on n’était pas encore les RoseMomz. Mais on avait cette envie qui commençait à prendre forme dans nos têtes, et on lançait, Manue, Émilie et moi, plein d’ébauches de billets sur l’écran. Certains n’ont jamais été publiés. Pour les Fêtes, comme je suis la reine des cadeaux recyclés, je vous en ressors un de 2013, mais je vous promets une conclusion très 2014! Flashback.

25 décembre 2013
J’ai toujours écrit Nowell au lieu de Noël. Par genre de dérision. Pour montrer que je ne suis pas si touchée. Reste que c’est tellement inscrit au fond de nous… cette idée de bonheur, d’étoiles plein les yeux, d’amour en famille, de tonnes de cadeaux et de bouffe qui sent le réconfort à plein nez.

L’an passé, en 2012, j’étais en état de choc à Noël. Je ne me souviens à peu près de rien. Je venais de me faire crisser là par le père de mes enfants.

Cette année, j’essaie de me convaincre. Voyons, je suis rendue ailleurs, tellement en voie de guérison. Mais bon Dieu que je voudrais être loin, de l’autre bord, en 2014… non, tiens, en 2016, tant qu’à faire. Me semble que rendue là, je serai la sérénité incarnée et j’assumerai parfaitement mon statut de mère mono.

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Mais là, pognée dans le temps des fêtes qui s’étire alors qu’il vient juste de commencer, j’ai juste envie de crier : J’HAGUIS NOWELL! Quelle dictature du bonheur que cette fête qui te fait remonter dans face toutes tes détresses en même temps.

Les cris et les rires des petits voisins, amis de mes enfants, traversent le mur du salon.

Je me fais couler un bain et me mets de la musique pour enterrer leur bonheur. Avec de l’huile de lavande. Et un verre de vin. Je travaille fort pour empêcher mes pensées de voyager vers la maison de mon ex-belle-mère, là où tous ces gens que j’ai tant aimés sont en train de fêter avec mes enfants. Où ils se construisent de nouveaux souvenirs dont je ne fais pas partie. Je ne peux me résoudre à croire que plus jamais je ne fêterai avec ces personnes qui font partie de ma vie depuis près de 20 ans. Je m’ennuie même des sujets d’obstination qui chaque année nous attendaient dès la porte franchie. Il fallait choisir son camp. En général, les chefs de camp étaient, d’un bord, mon ex-beau-père, auquel se joignait mon ex, et de l’autre, mon ex-belle-mère, que je soutenais.

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Bon ben, joyeux Noël, je m’en vais me coucher, en espérant que 2016 arrive vite.

***

22 décembre 2014
Retour dans le présent. Ainsi, l’an passé, je m’imaginais qu’en 2014, je serais en bonne voie vers la guérison. Pas parfaitement, mais quand même pas pire. Quand j’ai eu cette idée de recyclage de billet, je pensais vous écrire que Nowell faisait remonter un peu de nostalgie, mais qu’en gros, c’était OK, qu’avec les enfants, on s’arrangerait pour que ce soit chaud et bon, avec plein de journées-pyjama et de Ciné-cadeau. Je pensais sincèrement – je me connais mal, me direz-vous – faire un billet plein de joie retrouvée, qui se serait peut-être même terminé par des bons vœux lancés à tous vents.

Les festivités s’en venaient, pis ça me faisait même pas peur. Jusqu’à ce que… entre chez moi un beau sapin, roi des forêts. Qui demandait à être décoré. Pis ça a donné lieu à une vraie de vraie journée de MARDE! Le sapin perdait l’équilibre, les guirlandes s’emmêlaient au fur et à mesure qu’on les démêlait, la moitié des lumières étaient brûlées, ma fille boudait parce que « moi, j’en ai même presque pas accroché des boules », les gars se montraient le « mauvais doigt » et se frappaient à coups de tuyaux d’ABS (pas de questions, pas de commentaires, des fois, y a des choses de même qui se passent chez moi).

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Je suis partie à la recherche d’un bout de quelque chose de dur pour donner de l’aplomb à mon sapin, pis là, dans un coin du débarras, je me suis effondrée, la face dans mes mains qui sentaient la résine. Pus capable de refermer le robinet. Dans le salon, ça hurlait, moi, je m’essuyais les yeux, je déglutissais un peu de salive épaisse et salée, pis dès que je faisais mine de ressortir du débarras, ça repartait de plus belle. J’avais juste envie de faire une petite boule de Nowell de moi-même dans mon lit.

C’était quoi, ça? Encore une fois, ma tu-seul-litude qui m’éclatait en pleine face. Fallait régler tu-seule les problèmes de l’arbre qui tient pas, des lumières qui marchent pus, des enfants qui se chicanent. Pas d’amoureux dans le décor pour me soutenir dans cette entreprise, pour m’aider à mettre de la magie dans les yeux des enfants, pour embellir le dehors, montrant à tout le monde qu’on avait le décompte plein d’expectation et d’effervescence.

Mais ça va-tu partir un jour? Qu’est-ce que ça va me prendre? Va-tu falloir absolument que je me fasse un nouveau chum pour pus brailler à Nowell? Est-ce que c’est mathématiquement impossible de traverser le temps des fêtes en mono heureuse et assumée?

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J’ai fini par me patenter une face pour ressortir de ma cachette. J’ai même réussi à trouver ma fille (qui boudait roulée en boule en dessous de mes couvertes, la chanceuse), de la convaincre de venir se joindre à notre bonheur. J’ai expliqué un peu le pourquoi de mon impatience, de mon motton… J’ai pensé aussi à ma mère qui a braillé à chaque Nowell après la séparation d’avec mon père. Je m’étais juré de ne jamais faire subir ça à mes enfants. Ouain.

On a réussi notre mission, malgré les chicanes et la bouderie qui n’ont jamais totalement cessé. Et mon motton qui ne s’est jamais dissipé. Reste que ça a été une de nos pires journées en famille de l’année. Je me dis qu’à Nowell, ça pourra juste être mieux.

P.-S. Quand j’ai envoyé ce billet à Émilie et à Manue, elles m’ont répondu en cœur avoir elles aussi pleuré en essayant d’installer leur criss de sapin. Alors je propose que l’an prochain, on fasse ça communautaire, la féérisation de la maison. Genre : on prend l’apéro chez Émilie en installant son sapin, on déménage chez Manue avec la marmaille pour décorer le sien en avalant quelques bouchées, et on migre chez moi pour l’heure du digestif et du dessert (pis, si on n’est pas trop soûles, on met quelques patentes colorées dans mon arbre).

Brigitte, des RoseMomz

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Pour lire un autre texte de Brigitte des RoseMomz: Avoir su…

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