Hugo Mudie a décidé de lâcher l’université pour partir en tournée non-stop avec The Sainte Catherines en 1999. Depuis ce temps, il a sorti 36 albums et il a brûlé plus de 10 moteurs de camions sur la route à travers le monde. Il est monté sur scène des milliers de fois, organisé des shows même en dormant, démarré des compagnies de disques, fondé des festivals, booké des rappers, géré des chanteuses, pogné deux fois la bactérie mangeuse de chaire, pleuré dans des loges, envoyé chier la moitié de la planète et faite le party avec l’autre moitié. Il veut aujourd’hui démystifier les dessous de l’industrie musicale telle qu’il l’a connue et la perçoit. Cette semaine, il nous parle des groupies!
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Mauvaise réputation
Je n’ai jamais aimé le terme «groupie». J’ai toujours trouvé que c’était souvent pitché sur n’importe qui, pour décrire des filles qui tripent sur la musique avant tout. Je trouve aussi sexiste le fait qu’une fille qui veut vivre une sexualité libre avec des gars / filles qu’elle trouve cool sur un stage ou sur un album, se fasse traiter de groupie-slut-plotte à band, quand un gars qui fait exactement la même chose est considéré comme un «homme à femmes» ou même un héros.
Qu’est-ce qu’il y a de mal à vouloir hanger out avec quelqu’un qui fait quelque chose que tu admires?
Quand j’ai vu le film Almost Famous et par la suite lu les livres de Pamela Des Barres, inspiration pour le rôle de Penny Lane dans le film, j’ai pu enfin mettre des mots sur ce que je pensais. Qu’est-ce qu’il y a de mal à vouloir hanger out avec quelqu’un qui fait quelque chose que tu admires? La musique peut agir comme psychologue ou comme religion le temps d’un album, d’une soirée, d’une chanson. Ce n’est que normal d’avoir le goût d’être le plus proche possible de cette énergie, des fois, de ce génie.
Moi pis Dolores
Je me souviens que quand j’étais un jeune ado, je tripais ben raide sur The Cranberries. Je m’imaginais frencher (j’étais encore jeune pour imaginer autre chose) Dolores O’Riordan, la chanteuse qui avait 10 ans de plus que moi. Quand j’ai vu dans un magazine qu’elle s’était mariée (divorcée en 2014), j’ai couru dans la mer et brailler en dessous de l’eau en cachette (ben oui, je lisais des revues à potins avec ma mère on the beach aux States au moment de ce coup de poignard).
Avoir eu une invitation dans sa loge, je serais entré.
Ce que je veux dire, c’est que je tripais sur elle, sans la connaître, sans avoir la moindre chance de même la croiser (Repentigny-Irlande, pas super proche). Avoir eu la chance de la connaître, je l’aurais pris. Avoir eu une invitation dans sa loge, je serais entré. Avoir pu la suivre à l’hôtel après le show, je l’aurais fait. Est-ce que ça fait de moi une slut–groupie-plottes à band? Non.
Quelle aurait été l’opinion générale si une autre dimension m’avait permis ce rêve:
- Dude, Hugo Mudie s’est pogné la fille de Cranberries!!
- Fuck yeah! Ostie de champion!
Même histoire version féminine:
- Dude, Marie-Ève Lanthier s’est pogné le drummer de Cranberries?!
- Hein? Ostie de slut. Criss qu’est groupie. Y’est fucking laid en plus.
Upgrade d’expérience
Pour revenir au film Almost Famous, la «groupie» jouée par Kate Hudson explique au jeune journaliste en herbe qu’elle pis sa gang sont là pour la musique en premier lieu. Elles ne sont pas des groupies, mais des «band aids». Elles supportent les musiciens en tournée en chillant avec eux. Si on ne se ment pas ici, la plupart des musiciens qui jouent du rock, ont rêvé d’avoir plein de belles filles cool backstage qui relaxent avec eux, qui parlent de pleins de trucs intéressants (oui oui les gars, y’a plein de filles qui parlent de pleins de sujets variés), qui fument du weed, font des p’tites clés de poudre, shit talk les autres bands et rendent la soirée plus le fun que six dudes qui check leur phone autour d’un pot du hummus non? Parce qu’en général, ce qu’il se passe backstage est plate en criss.
S’il y a une relation entre deux adultes qui savent ce qu’ils font, who cares?
Pourquoi ne pas rendre l’expérience plus le fun pour tout le monde? C’est un bon deal je trouve… qu’il y ait une relation sexuelle ou pas dans l’équation. Pis s’il y a une relation entre deux adultes qui savent ce qu’ils font, who cares? C’est qui la police du plaisir charnel? Parce que tout le monde sait que “All Cops Are Bastards“.
Pour moi ça aucun rapport. Pourquoi je tripais sur Dolores O’riordan? Parce que je tripais ben raide sur ses tounes, parce qu’elle était fucking cool. Parce qu’elle me faisait sortir de ma chambre sur le bord de la 40 et me faisait voler jusqu’en Irlande… Jusque dans ses bras.
C’est de l’amour
Je pense en fait que les «groupies» cherchent exactement la même chose que les musiciens. De l’attention du monde cool. Quand on est jeune et qu’on veut être dans un band, c’est pour que les gens qu’on trouve cool, nous regardent, nous approuvent. Pour qu’ils aiment nos chansons, comme moi j’ai adoré celles de Bright Eyes, Tom Waits ou Lucinda Williams (j’me pognerais les trois d’ailleurs). Quand tu es musicien, au lieu de juste être un membre du public, tu deviens l’acteur, le chanteur, le sujet, le personnage principal.
C’est quoi la meilleure façon d’être proche de quelqu’un? Ben de fourrer avec.
C’est la même chose avec ces fans de musique qu’on appelle à tort des «groupies». Ils ou elles veulent seulement être cool et avoir de l’attention aussi, mais de façon encore plus ambitieuse: de la part des gens qui sont les top cool dans ce domaine: les musiciens.
Pis c’est quoi la meilleure façon d’être proche de quelqu’un? Ben de fourrer avec. Et la roue tourne. L’amour se donne, l’amour se prend, l’amour se redonne. Comme dit si bien Caroline Néron, entre deux designs de bague pour Lapointe «C’est juste de l’amour».
Et ceux qui jugent sont ceux qui aimeraient eux aussi que ça leur arrive. Mais ils n’ont pas le guts.
Pour lire un autre texte d’Hugo Mudie: «Musique : La vérité sur les réalisateurs de disque».