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Mush, kétamine, éphédrine : quelle est le drogue de choix pour écouter Harmonium?

On a voulu savoir quelle substance s'accordait le mieux à la musique du légendaire groupe québécois.

Par
Anonyme
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Il y a quelques semaines, on m’a lancé un drôle de défi : « Tsé le nouvel album symphonique d’Harmonium, là… es-tu game de l’écouter sur trois drogues différentes pis d’écrire un article là-dessus? » Ça pourrait avoir l’air niaiseux comme sujet, mais j’y ai vu une belle occasion de répondre à une question qui pique ma curiosité depuis un bon moment. Je me suis dit… pourquoi pas?!

Harmonium, ça rime avec Montréal, avec les beaux jours du mouvement indépendantiste québécois, avec le prog rock et avec la décennie 1970. Et ça rime aussi, veut veut pas, avec drogue. « C’est de la musique de poteux »; combien de fois je l’ai entendue, celle-là. Même Guy A. Lepage et Dany Turcotte font le lien lors du passage du groupe à Tout le monde en parle en 2016 : ils parlent de pot avant même que les cinq premières minutes d’entrevue se soient écoulées. Pourquoi? La musique d’Harmonium a su se tailler une place de choix dans l’imaginaire collectif québécois, mais comment se fait-il qu’on l’associe aux plombs de hash et aux trips de mush?

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La récente sortie d’Histoires sans paroles, un album symphonique de plus de deux heures célébrant l’héritage musical de Serge Fiori et compagnie, me semble être l’opportunité parfaite pour mettre cette association à l’essai. Est-ce que l’album sera vraiment meilleur si je l’écoute sous l’influence d’une drogue? J’en ai fait l’expérience avec les champignons magiques, la kétamine et l’éphédrine pour trouver la réponse.

À JEUN : UNE BELLE RÉTROSPECTIVE D’UNE CARRIÈRE IMPRESSIONNANTE

Évidemment, je devais écouter l’album à jeun avant d’ajouter des épices à l’équation. La presque totalité des chansons d’Harmonium s’y retrouvent interprétées par l’Orchestre symphonique de Montréal, sous la direction de Simon Leclerc. Je n’irai pas trop dans les détails, mais voici mon avis général sur l’album après une première écoute.

Les arrangements sont superbes et créatifs

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En général, c’est assez bien réussi. Les arrangements sont superbes et créatifs, surtout sur les chansons tirées de L’heptade ou des Cinq saisons. L’exécution des titres du premier album me semble un peu plus maladroite par moments, mais c’est probablement parce que c’est l’album le plus folk, donc qui se prête le moins bien à ce genre d’exercice.

Est-ce que les versions symphoniques sont meilleures que les originales? Ça dépend des goûts. Si vous êtes un novice de la musique d’Harmonium, je ne pense pas que ce soit l’introduction parfaite du haut de ses 140 minutes et plus de musique. Par contre, je le recommande fortement à n’importe quel fan, qui y trouvera une rétrospective complète et réussie de la carrière de ce groupe mythique de la musique québécoise. Ils n’ont peut-être sorti que trois albums au cours de leur existence, mais il ne fait aucun doute que ce sont trois classiques.

Mon verdict sera-t-il le même après m’être prêté à notre petite expérience? Voyons voir.

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Psilocybine : passer du rire aux larmes

Psilocybe Cubensis est une espèce de champignon hallucinogène contenant de la psilocybine, une substance psychédélique qui provoque des distorsions visuelles et un état psychologique caractérisé par l’ouverture émotionnelle et l’introspection. Ses effets s’apparentent à ceux du LSD, de l’ayahuasca et de la mescaline, et durent généralement de quatre à six heures.

Je mange deux grammes de champignons séchés accompagnés d’une belle lichée de beurre de peanuts. Après une demi-heure, je commence déjà à ressentir les effets : j’entame l’album et je m’installe confortablement dans mon lit.

On dirait que l’orchestre est dans ma chambre, je ressens chaque vibration jusqu’au plus profond de mon âme.

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La première chose que je remarque, c’est la clarté du son. Pendant que les couleurs de mon champ de vision deviennent de plus en plus saturées, je perçois plus facilement les détails de l’enregistrement. On dirait que l’orchestre est dans ma chambre, je ressens chaque vibration jusqu’au plus profond de mon âme. Les parties chantées sont particulièrement frappantes, comme si la chorale et les solistes avaient pris possession de la pièce.

Les champignons amplifient aussi mes émotions, ce qui a un impact sur ma perception de la musique. Les titres plus joyeux (Dixie) me donnent le goût de danser et le sourire aux lèvres, alors que les pièces plus tristes (la première moitié de L’exil) me poussent à l’introspection et à la mélancolie. Je remarque que mon état émotionnel peut basculer brusquement d’un côté à l’autre en l’espace de quelques minutes seulement.

Sur le mush, j’ai de la difficulté à prendre le projet au sérieux.

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Un autre point à noter : sur le mush, j’ai de la difficulté à prendre le projet au sérieux. Par moments, je trouve la musique un peu pompeuse et je décroche. La deuxième partie de L’exil, qui a des airs de fête foraine, me fait pouffer de rire. Pourtant, je suis certain que c’est pas si drôle que ça. Aussi, certains morceaux plus grandioses sont un peu too much sur les shrooms ; je pense notamment à Comme un sage, dont la finale en apothéose semble tout droit sortie d’un film de Disney.

des formes géographiques et des hiéroglyphes de toutes les couleurs défilaient devant mes paupières fermées

Ceci étant dit, l’expérience était très plaisant. Si on oublie les moments où mon esprit s’est égaré, mon voyage m’a fait vivre beaucoup d’émotions. Les effets visuels offraient un spectacle qui accompagnait la trame sonore à merveille : les murs de ma chambre passaient du vert au mauve et les meubles semblaient chargés d’énergie. Fermer les yeux donnait de tout aussi beaux résultats : des formes géographiques et des hiéroglyphes de toutes les couleurs défilaient devant mes paupières fermées. Par contre, l’inconfort physique généré par la digestion des champignons m’a empêché de me concentrer sur la musique à quelques reprises.

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Pour ces raisons, je donne à l’album sur le mush la note de 7/10.

éphrédrine : envie pressante d’écouter autre chose

L’éphédrine est un stimulant de la famille des amphétamines substituées. On la retrouve dans certaines plantes du genre Ephedra, ou en pharmacie comme médicament pour traiter la congestion nasale. Ses effets ressemblent à ceux de l’amphétamine, mais sont moins intenses et euphoriques : stimulation, hausse de concentration, d’endurance et de libido, et perte d’appétit.

Je prends quatre comprimés pour un total de 32 mg, la dose quotidienne maximale recommandée par Santé Canada. À forte dose, les effets indésirables (anxiété, nausées, étourdissements…) surpassent les effets recherchés ; son potentiel récréatif est donc assez restreint comparativement à ses cousines, l’amphétamine et la méthamphétamine.

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L’éphédrine commence à faire effet : je parle plus vite, je pense plus vite, je bouge plus vite, pis je sue comme un cochon. Honnêtement, j’ai une réticence à écouter l’album d’Harmonium. J’ai plutôt envie d’écouter de la musique rythmée et intense, comme du metal ou du hip-hop. Too bad, me dis-je en commençant Histoires sans paroles.

J’ai vraiment essayé de me concentrer sur l’album sans faire autre chose, mais j’en suis tout à fait incapable. Après trois tounes, j’ouvre mon ordi pour me divertir un peu. J’écris, je fais des recherches, et je me dis que je préfèrerais écouter autre chose. Je suis tout de même d’excellente humeur, presque euphorique, et je me sens très productif.

Ça progresse pas assez vite à mon goût, pis ça manque cruellement de percussions

Quand je m’arrête pour porter une attention plus soutenue à la musique, je deviens impatient. Ça progresse pas assez vite à mon goût, pis ça manque cruellement de percussions. En plus, puisque ça fait plusieurs fois que je l’écoute, je commence à le trouver très prévisible. On est à l’opposé de la sérénité de la kétamine ou de la sensibilité du mush.

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Le temps passe à une vitesse folle, l’album est fini et j’ai l’impression de l’avoir déjà oublié. Quelle surprise, l’album symphonique d’Harmonium et les stimulants, ça ne va pas super bien ensemble.

Je donne la note de 4/10 à cette expérience étant donné que la musique me paraissait franchement ennuyante, et que j’avais envie d’autre chose.

Kétamine : vague de nostalgie

La kétamine est une substance chimique utilisée en médecine pour initier et maintenir l’anesthésie, et consommée récréativement pour ses effets euphorisants et dissociatifs. Elle donne l’impression que l’esprit se sépare du corps, ce qui peut générer toutes sortes d’expériences inusitées dépendamment de la dose. On la retrouve sous forme de poudre à sniffer (comme celle que j’ai sous la main) ou de liquide pour injection intramusculaire. Les effets durent généralement entre une et deux heures.

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Je prépare une ligne de 85 mg de kétamine avec l’aide de ma balance : une dose assez forte pour un dimanche après-midi. Puisque la substance peut être incapacitante et que la musique n’est pas très dansante, je vais passer mon trip couché dans mon lit avec des écouteurs. Quelques minutes seulement après la prise, je me sens prêt à lancer l’album.

L’effet anesthésiant de la kétamine est vraiment remarquable : je ne sens plus mes mains, ni mon visage, ni mon corps. Quand je marche, j’ai un peu l’impression de flotter tellement je me sens léger. Je remarque aussi que mon sens de l’équilibre est profondément affecté. Couché dans mon lit, les yeux fermés, j’ai l’impression que mon corps tourne lentement sur lui-même dans un profond néant, au rythme de la musique. Par moments, j’ai même l’impression d’être couché à la verticale. Je me sens calme, paisible, méditatif : je laisse la musique me transporter sans le moindre souci du monde.

Je suis moins sensible d’un point de vue émotif, mais j’ai une appréciation plus profonde de la musique.

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Contrairement au mush, la kétamine n’améliore pas la qualité sonore de l’album. J’ai l’impression de percevoir une légère distorsion dans la musique, comme si mes écouteurs étaient de mauvaise qualité, ou que la personne qui devait mixer l’album n’était pas formée pour le faire. Malgré l’inconvénient, l’expérience demeure fascinante et agréable. Je me sens extrêmement calme, un bien-être total s’empare de moi.

Je suis moins sensible d’un point de vue émotif, mais j’ai une appréciation plus profonde de la musique. Chaque pièce me semble absolument magnifique, empreinte d’une mystérieuse divinité. J’ai l’impression que l’album a été réalisé par des anges. Tout au long de l’expérience, je pense à mon enfance, une thématique qui revient souvent quand je consomme de la ket. C’est comme si ma mémoire épisodique devenait ultrapuissante : je suis capable de me projeter dans le passé et de me rappeler de petits détails habituellement inaccessibles.

Par exemple, en écoutant Un musicien parmi tant d’autres, je me suis soudainement rappelé de mon tout premier contact avec la musique du groupe : je suis en voiture avec ma famille, et on écoute le CD de Star Académie 2003, qui contient un cover de la chanson, pour la première fois. Je suis capable de me visualiser sur le siège arrière, et je me rappelle même de notre destination! J’ai eu d’autres flashbacks de la sorte pendant l’expérience, mais celui-ci était le plus impressionnant.

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Je donne la note de 8/10 à l’album sur la ket. Même si la clarté de la musique laissait à désirer, l’expérience était généralement plus positive que celle avec les champignons, et les éléments qui me dérangeaient un peu sur le mush devenaient presque des points forts sur la kétamine. En plus, la relaxation induite par cette dernière m’a permis d’accorder toute ma concentration à la musique et aux souvenirs, sans avoir à gérer de nausées passagères.

Épilogue

Finalement, est-ce que la musique d’Harmonium est meilleure sous l’influence d’une drogue? Ça dépend d’une foule de facteurs. Quelle drogue? Sur quelle dose? Dans quel contexte? Chaque substance avait ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Autrement dit, l’album n’était parfait sous aucune drogue, et les obstacles à l’appréciation changeaient d’une expérience à l’autre. Le mush et la kétamine ont relevé certains aspects de la musique, mais ont aussi révélé des défauts jusqu’alors inexistants.

Quelle drogue? Sur quelle dose? Dans quel contexte? Chaque substance avait ses avantages, mais aussi ses inconvénients.

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N’oublions pas que chacun d’entre nous réagit différemment aux drogues, mon expérience pourrait ne pas être représentative : ce qui est ectasique pour pitou peut être cauchemardesque pour minou. Trouver la substance qui permet d’apprécier pleinement deux heures d’Harmonium en version symphonique sous influence n’est pas une science exacte. Bon trip, faites vos recherches avant de prendre une drogue pour la première fois, et soyez prudents!