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Mixmania : les grandes retrouvailles 20 ans plus tard
Tu t’en vas, c’est bien fait pour moi
Des gars comme toi, j’en ai plein les bras
Tu t’en vas et ne reviens pas
Non, non, non, non…
C’est une malédiction. Je ne connaissais encore hier absolument rien de l’émission Mixmania, la doyenne des téléréalités québécoises (après Pignon sur rue) qui a fédéré des centaines de milliers de jeunes québécois.es au tournant du millénaire.
Mais voilà que j’écris ces lignes avec l’un de ses classiques comme vers d’oreille, au lendemain de la projection du documentaire-événement Mixmania : 20 ans plus tard (réalisée par la comédienne Bianca Gervais), tenue en grande pompe au cinéma Starcité lundi en présence des candidat.e.s des quatre saisons.
Ils et elles étaient presque tous là, paraît-il : les participant.e.s de la première saison (la plus marquante), Pierre-Luc Blais, Frank Hudon et Emmanuel Juteau-McEwan (membres de Défense Urbaine) ainsi que Ariane Laniel, Annabelle Oliva-Denis et Julie St-Pierre (Aucun Regret).
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Ceux et celles des autres saisons se mêlaient aussi à la foule, notamment Claudia Bouvette, Tommy Tremblay et Réginald Bellamy.
J’ai l’air de connaître ça, mais détrompez-vous. Ces noms n’évoquent rien pour moi, sauf celui de Julie St-Pierre, une animatrice à Rouge FM.
C’était ça, le concept, d’ailleurs. J’accompagnais à la projection ma collègue Laïma, fan finie, qui avait 13 ans à l’époque où l’émission cartonnait. Elle est venue avec sa jeune sœur Nora, puisque Mixmania était vraisemblablement une tradition familiale chez les Abouraja Gérald. « Moi, j’étais la plus jeune, j’avais environ sept ans. On n’avait pas de câble chez nous, mais je me souviens qu’on écoutait les émissions sur une cassette VHS chez mes grands-parents », raconte Nora, 27 ans et désormais prof d’éducation physique.
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Pour sa part, Laïma se remémore la ferveur qui l’habitait en 2002. « On pouvait vraiment s’identifier à ces jeunes-là. On les voyait apprendre, évoluer, douter. On partageait leurs joies et leurs peines et on pouvait prendre part à leur développement en tant que groupes. C’était incroyable! » La grande nostalgique ajoute qu’il lui arrive encore à ce jour de visionner des extraits des épisodes sur YouTube et confie connaître toutes les chansons par cœur. Je confirme : je l’ai déjà entendu chanter Tu t’en vas au karaoké. Un classique, paraît-il.
Quant à moi, j’ai complètement raté la période Mixmania, trop occupé à porter des colliers de bois et à faire mes premières armes comme journaliste au journal L’Éveil de Saint-Eustache.
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C’t’un party, c’t’un party
C’est donc avec un regard neuf et pur que j’ai poussé la porte du Starcité vers 18 h, sans aucune attente ni appréhension.
Environ 250 personnes étaient présentes, des gagnant.e.s de concours pour la plupart, qui se voyaient remettre des cossins (gourde d’eau, macaron, paire de bas, écouteurs) aux couleurs de Mixmania. Une arche en grosses ballounes menait sur une sorte de tapis rouge (bleu?) à l’entrée, en phase avec l’idée d’un conventum mise de l’avant par le documentaire. Les gens s’étaient d’ailleurs grimés pour l’occasion, s’amenant en robes rose bonbon à travers un stationnement en garnotte devant une rue Pierre-De Coubertin éventrée.
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On est loin de la Croisette, mais bon, le comité organisateur a mis le paquet à l’intérieur au moins (et j’ai reçu un coupon pour un popcorn gratuit).
En attendant Laïma et sa petite soeur, je ne sais pas trop quoi faire ni à qui parler. J’aperçois au loin la sympathique réalisatrice du doc, Bianca Gervais.
Elle raconte la genèse du projet, où on l’a approchée pour piloter le film, elle qui était une inconditionnelle de l’émission… en cachette. « J’avais 16 ans, donc j’avais pas vraiment “le droit” d’aimer ça. Et comme je n’ai pas été à mon propre conventum, j’ai décidé de raconter le phénomène sous ce thème, de manière festive et ludique », raconte la comédienne-réalisatrice, qui envisage son futur derrière la caméra après avoir passé la moitié de sa vie devant.
Si le documentaire est une célébration, sa réalisatrice n’a pas hésité à visiter des recoins plus sombres du succès instantané vécu par une bande d’adolescent.e.s. « C’est quoi, ta vie, quand tout s’arrête à 17 ans et que tu vas vendre des chaussures chez Aldo? », illustre Bianca Gervais, qui jouait déjà dans Le monde de Charlotte lorsque Mixmania a déferlé sur nos écrans.
Avant d’abandonner la réalisatrice à la frénésie ambiante, on s’immortalise sous l’arche de ballons, en faisant avec nos doigts le signe officiel des Mixmaniaques.
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Je t’aime et c’est tout
Laïma et sa sœur débarquent enfin. Ma collègue frôle l’évanouissement en voyant Ariane Laniel.
Pour les fans comme elle, c’est un peu comme Noël en avance. Les ancien.ne.s candidat.e.s sont partout et se prêtent gentiment aux requêtes de selfie. « J’ai entendu une fille dire qu’elle a attendu ça toute sa vie », rapporte Laïma, professionnelle malgré tout.
« Je suis une vraie de vraie Mixmaniaque », déclare ma collègue le plus sérieusement du monde. « Je ne suis pas une vulgaire fan de type “opportuniste” qui me réveille juste pour l’anniversaire. Pour faire un parallèle avec le hockey, je ne suivrais pas le Canadien juste le temps des séries, je les suivrais toute l’année! »
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Laïma, presque en transe, me raconte des anecdotes en vrac : la fois où Annabelle a « pleuré parce qu’elle n’aimait pas son top » (moment qu’elle qualifie d’ailleurs de culte), les mèches de cheveux mythiques d’Ariane et la réaction des filles quand cette dernière a été élue soliste d’Aucun Regret par le public. Sa sœur Nora mentionne d’ailleurs que les filles ont failli s’appeler Crème Soda, une information qui me laisse pantois.
Les sœurs se mettent alors à faire des blagues sur un certain Paco l’oiseau rebelle (if you know, you know), mais j’avoue que c’est là que j’ai décroché.
En attendant la projection, j’essaye de parler avec des ex-participant.e.s connu.e.s. Laïma me les pointe semi-discrètement et je fais la file derrière d’autres journalistes.
Je ne sais pas trop quoi leur demander, mais Laïma me suggère des questions. Les quelques journalistes sur place accaparent les ex-vedettes longtemps, lorsque celles-ci ne se font pas barouetter d’un bord pis de l’autre pour des photos de groupe. J’ai beau avoir attendu Madonna durant douze heures en face de son hôtel dans une autre vie pour l’apercevoir trois secondes avant qu’elle ne s’engouffre dans un SUV, ma patience a des limites. Si bien, que j’opte pour espionner les réponses aux questions des autres journalistes.
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J’ai ainsi appris que pour Annabelle, c’est la famille qui est aujourd’hui la chose la plus importante sur terre. Bien.
Plusieurs ex-candidat.e.s ont d’ailleurs trimballé leur progéniture. Emmanuel Juteau-McEwan, par exemple, était accompagné de sa blonde et de ses quatre enfants. « C’est super touchant d’être ici, j’avais pas vu le film en plus », me confiera-t-il en sortant après la projection.
Come on everybody c’est le temps de s’envoler
Quant au documentaire, il plaira certainement aux fans qui revivront un peu l’euphorie d’antan, faite de cris stridents au Centre Bell ou de foule monstre entassée dans les Galeries de la Capitale.
D’autres se souviendront peut-être de la première séance de dédicaces des « Mix », qui s’était déroulée justement ici, au Starcité, il y a vingt ans.
Une façon de boucler la boucle, à entendre Bianca Gervais, qui a pris la parole, fébrile, avant le visionnement. « C’est ma façon de vous dire merci, mes Mix, de m’avoir permis de rêver en grand », a-t-elle résumé, émue.
Durant les 42 minutes du documentaire, la foule a parfois spontanément applaudi en voyant apparaître des personnages marquants de l’histoire de Mixmania. Parmi eux, citons Nancy Fortin, la prof de chant de l’époque, qui mentionne avoir une admiration infinie pour ces jeunes qui « ont chanté pour vrai, du début à la fin ». En plus des ancien.ne.s candidat.e.s, des personnalités fans finies (Marie-Lyne Joncas, Katherine Levac) et des journalistes (Chantal Guy, Nabi-Alexandre Chartier) viennent commenter ce phénomène inattendu, qui a pris le Québec un peu par surprise.
Bianca Gervais mène également une table ronde avec les six Mix présent.e.s (Benjamin Laliberté et Caroline Marcoux-Gendron brillant par leur absence) afin d’interroger leur expérience : aimaient-ils leurs chansons? Une rivalité existait-elle au sein des groupes? Quels sont leurs plus beaux souvenirs?
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La discussion se termine sur une réflexion douce-amère sur les écueils du succès instantané, tout particulièrement à une époque où le phénomène en était à ses balbutiements. Ce sont les yeux humides que certain.e.s ex-Mix constatent le chemin parcouru, certains de leurs rêves ne s’étant pas réalisés comme ils et elles l’auraient souhaité il y a vingt ans.
Mentionnons que Laïma fait une apparition dans le documentaire, parmi les témoignages de fans expliquant l’impact de Mixmania dans leur vie. Elle peut donc mourir en paix (elle a un sourire béat estampé dans la face depuis), et continuer de scander que le samedi soir, elle a « les cornes qui poussent ».
Le documentaire MixMania : 20 ans plus tard sera lancé sur Crave le 22 juin.