Logo

Les heureux fantômes de Joël Martel

À l’aube du lancement de son deuxième roman « Le chien ne meurt pas à la fin », le prince du temps revient sur sa carrière atypique.

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

« En sortant de l’école, je voulais écrire des romans ou composer des chansons à succès. C’était pas mal ça mon plan de carrière. »

C’est difficile de savoir si Joël Martel est sérieux quand il parle. Souriant et volubile, il semble perpétuellement sur le point d’éclater de rire. Ses histoires sont à la fois loufoques et mystérieuses, mais toujours plausibles. Même si je me fais niaiser, j’aime mieux croire que tout est vrai. Ça fait partie de son charme d’être un brin irréel.

D’entrée de jeu, Joël Martel est une créature énigmatique. Chroniqueur, humoriste, musicien et maintenant auteur, il jongle avec les chapeaux créatifs depuis maintenant deux décennies. Tapi au fond de son Lac Saint-Jean natal, Martel n’a jamais succombé aux charmes de la grande ville et s’est fait principalement connaître sur le web aux côtés d’autres pionniers du médium comme Murphy Cooper, Gran Talen, Poncho Martineau et autres personnages moins recommandables qu’on ne nommera pas.

« Vers la fin de mon bac, j’ai démarré mon blogue Creton-Concombre », raconte Joël Martel pour justifier le décalage entre sa sortie de l’école il y a vingt ans et la publication de son premier roman Comme un long accident de char en 2024. « Le monde avec qui je suis allé à l’école me demandait pourquoi je perdais mon temps à écrire ça. Je leur répondais que pendant qu’ils passaient deux ans à écrire leur livre plate que quelqu’un allait peut-être acheter un jour, moi j’avais entre 100 et 150 personnes qui me lisaient quotidiennement. »

Publicité

C’était le début d’une longue ellipse qui allait le ramener à la case départ, plus mature et mieux préparé à vivre sa meilleure vie d’écrivain.

Les aventures de Joël au Far Web

Joël Martel s’est tout d’abord fait connaître comme une sorte d’ovni internet, un Pokémon numérique à l’humour absurde susceptible de surgir à tout moment sur nos fils de réseaux sociaux. Ses blagues et ses sketchs sont toujours courts et extrêmement simples, mais complètement divorcés de l’écosystème humoristique du Québec.

Son sketch de français qui imite l’accent québécois est l’un de ses plus grands succès. 44 secondes qui l’auront fait voyager chez nos voisins de l’Hexagone:

Publicité

« C’était pas mal l’autoroute vers le succès à l’époque d’intimider quelqu’un ou un groupe de personnes en ligne. Ma blonde qui voyait ça d’un œil extérieur m’avait dit: ‘Joël, j’t’empêcherai jamais de rien faire, mais la seule chose que je te demande c’est de pas rire des autres.’ C’est une des raisons pour lesquelles j’suis jamais tombé là-dedans. Si j’avais versé dans ce type d’humour, je serai peut-être plus là. Je me serais peut-être brûlé les ailes sur quelque chose de trop edgy », affirme-t-il.

C’est pourtant l’étrangeté et l’unicité de Joël Martel qui en fait un objet de fascination pour les internautes. « J’ai longtemps été jaloux de mes contemporains à cause de ça. Je voyais du monde avec qui je suis allé à l’école passer à la télé pendant que moi je faisais des jokes sur internet. J’avais l’impression que ça ne comptait pas. Que je me mettais moi-même des bâtons dans les roues en faisant ça et en ne prenant pas un chemin plus conventionnel. »

Les blagues de l’époque le suivent pourtant encore. Bientôt dix ans après s’être emmailloté dans une couverture tel un E.T. du Lac Saint-Jean, pris en photo avec une horloge et autodéclaré prince du temps, Martel se fait encore reconnaître par son titre de noblesse lorsqu’il navigue sur internet.

La prince du temps
La prince du temps
Publicité

« Écoute, c’était un gag d’une seconde. Les 48 heures suivantes, j’avais peut-être sept ou huit photos par heure sur mon mur Facebook de gens qui se déclaraient le prince des melons d’eau ou la princesse des aiguilles à tricoter. J’en ai eu peut-être 500 en tout. Encore l’autre jour, j’ai écrit un commentaire sur Twitch et tout le monde s’est mis à dire ‘hey, c’est le prince du temps’ ».

Même chose pour son salut, devenu en quelque sorte sa marque de commerce. Un geste tout simple qui l’a fait connaître chez nos voisins du Sud. Le voir apparaître de la sorte sur des pages anglophones lui conférait une aura surnaturelle : « C’est tellement con. J’ai commencé ça après avoir vu la photo de Ted Bundy sur Wikipédia. Pareil monstre qui avait l’air aussi sympathique hors contexte. Je me suis fait des amis partout dans le monde avec ça. C’est capoté. »

Le grand reset pandémique

Si Joël Martel s’est finalement lancé dans l’écriture romanesque, c’est grâce à la Covid-19. Confiné à la maison comme tout le monde, il s’est retrouvé avec le temps et l’énergie nécessaires pour concevoir ce qui deviendra Comme un long accident de char.

« Mes chroniques sont vite devenues un travail quand je suis sorti de l’école. Dans le Voir et dans Le Quotidien. J’avais deux chroniques par semaines qui me rapportaient genre 100$ chaque. C’était un revenu d’appoint, mais c’était beaucoup d’ouvrage. »

Publicité

C’est finalement lorsque le confinement a tout fermé que Joël Martel s’est donné la permission de se mettre à l’ouvrage. « Quand Akim Gagnon a publié Le cigare au bord des lèvres, ça m’a fait réaliser que le temps file ».

Ceux et celles qui ont lu Comme un long accident de char le savent, le ton est on ne peut plus différent de celui des publications humoristiques de son auteur. Il y plane une tristesse abstraite sur le récit des morts qui ont marqué la vie du principal intéressé. Martel affirme cependant que la rédaction s’est faite de façon rapide et sereine.

« Je suis quand même pas pire pour parler des morts parce qu’ils ne sont plus là. Si j’exagère un petit quelque chose, il m’appelleront pas pour me dire que c’est pas ça qu’ils avaient dit », affirme-t-il à la blague.

Publicité

Centré autour du décès de son père Jici, le roman fait revivre les personnages qui ont quitté l’univers de Joël Martel. Il s’estime d’ailleurs privilégié d’avoir pu les faire revivre pendant quelques pages.

Son nouveau roman, comme le titre l’indique, est en quelque sorte le même exercice vu à travers ses différents animaux de compagnie. Il a trouvé d’exercice beaucoup plus difficile parce que, contrairement à son premier roman, l’exercice consistait à se regarder lui-même et non les autres.

Jeune Joël, son ex-blonde et son fidèle destrier Frimousse (1998)
Jeune Joël, son ex-blonde et son fidèle destrier Frimousse (1998)
Publicité

« Il a fallu que je me replonge dans des époques de ma vie plus difficiles, comme lorsque ma mère a eu le cancer et que mon beau-père est devenu en quelque sorte mon père et j’ai vraiment pas été correct avec. Ça m’est souvent arrivé de fondre en larmes pendant la rédaction », confie Joël Martel.

Sa conjointe et son éditeur Sébastien Dulude n’ont pas partagé la tristesse de Joël envers son nouveau roman. Ce dernier lui a même affirmé qu’il avait tellement souri en travaillant sur le projet qu’il en avait eu mal au visage, ce qui est de bon augure pour les adeptes de longue date!

Celui qui se décrit comme un homme de variétés voulait au départ écrire un livre sur tous ceux et celles qui lui ont vendu du pot dans sa vie avant que ça devienne légal, mais sa conjointe l’a convaincu de faire passer Le chien ne meurt pas à la fin en premier.

« Julie, ça fait 20 ans qu’elle croit en moi et ça fait 20 ans que je ne sors pas de livre. Une fois que c’est commencé, je lui dois au moins de l’écouter, et son avis m’importe. Elle ne se trompe pas non plus », philosophe Martel.

Publicité

Si vous avez envie de lire les péripéties de Billy, Champion, Frimousse, Maggie, Charlotte et toutes les autres bibittes de la vie de Joël Martel, Le chien ne meurt pas à la fin sort en librairie le 6 août, aux Éditions de la Mèche. Au moins vous avez déjà l’assurance que ça ne finira pas comme Marley & moi. Du moins je l’espère.

C’est difficile de savoir si Joël Martel est sérieux quand il parle.

Joël et Billy
Joël et Billy
Joël et Billy
Publicité
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!
À consulter aussi