.jpg)
Pendant le mois de février, je marche dans les souliers de mon patron qui est en vacances. Je fais les horaires, je réponds aux appels et aux courriels concernant toutes les opérations du bar. Je gère les imprévus, je forme les nouveaux employés et je bois des consommations à boire d’un trait. Bref, je travaille tous les jours, ce qui a eu pour effet de remplacer mes élans philosophiques des semaines précédentes par des soucis beaucoup plus anodins.
(Aviez-vous lu le 16e épisode: La moyenne n’est pas un rude adversaire?)
Le bar est ouvert sept jours par semaine, douze heures par jour. Pour être en paix d’esprit complète, il faudrait travailler de l’ouverture à la fermeture soit 84 heures par semaine. C’est beaucoup considérant que je suis habitué à des semaines de 21 heures. Autre que d’être toujours là, l’autre option envisageable est d’avoir de bons employés. Des gens sur qui on peut se fier quand on ne peut pas être là.
Il a quelques semaines, je discutais avec une collègue afin de formuler des questions d’entrevue qui permettraient de déceler la fiabilité dans le peu de temps dont on dispose lors d’un entretien d’embauche.
Les entrevues auxquelles j’ai assisté pour le bar furent souvent très brèves. Moins de cinq minutes pour la plupart. La majorité de l’entretien est non verbal: si la personne nous paraît sympathique, vive d’esprit et d’apparence soignée, c’est déjà une grosse partie de ce que l’on doit savoir. Dans le domaine du service, on ne fait pas de la physique quantique, on ne fait qu’apporter des verres du point A au point B. Si tu ne l’as jamais fait, ça s’apprend. C’est pour cette raison que les qualités humaines priment davantage sur les habiletés techniques.
Les questions sur les expériences passées ne nous révèlent également pas beaucoup sur la fiabilité d’un employé.
« Oui tu as travaillé dans un autre restaurant, mais cela ne dit pas combien de fois tu es arrivé en retard et attrapé le rhume. »
Il y a certains employés qui n’appellent jamais pour dire qu’ils sont malades et d’autres qui le font pour deux. Est-ce que les employés qui ne s’absentent jamais ont un système immunitaire hors norme? Sont-ils à l’abri des virus, des ruptures de couple et des soupers entre amis? Bien sûr que non, les gens en bonne santé et responsables ne sont pas de super héros, ils ont seulement une conscience professionnelle de base.
Comment réussir à cerner ces qualités lors d’une entrevue? Voici quelques essais avec la réponse souhaitée:
« Est-ce que tu es pauvre? »
– OUI ! »
Les gens qui ont vraiment besoin d’argent vont généralement être présents et même disponibles pour remplacer les autres employés mais, est-ce que cette question se pose en entrevue? Les humains n’aiment pas en général parler de leur argent. C’est secret.
«Décris-moi ce qui arrive lorsque tu te fais remplacer à la dernière minute?
– Il faut que quelqu’un qui est en congé annule sa soirée pour faire le travail à ma place. »
Dans un bureau, lorsque l’on prend nos journées de maladie, la personne qui doit nous remplacer sera déjà sur les lieux. On ne dérange personne. C’est parfois drôle de penser qu’apporter une bière est une opération plus urgente que bien des tâches administratives. Si ce n’est pas fait à l’intérieur de dix minutes, les plaintes commencent à rentrer et nous perdons déjà des clients. Le vendredi soir, si la serveuse ne rentre pas, on ne peut pas simplement dire au barman de faire les deux fonctions. Le service serait très lent et le bar se viderait rapidement.
La personne recherchée doit donc être capable d’un minimum d’empathie. J’ai lu ça sur Wikipédia :
« Le bâillement est un acte communicatif touchant 75 % de la population, 25 % étant peu ou pas sensible à cette contagion. Acte de réplication, le bâillement d’une personne implique bien souvent le bâillement des personnes se trouvant dans son entourage et est corrélé à l’empathie. »
Afin de vérifier le degré d’empathie, il suffit de poser quelques questions en bâillant. Si la personne se met à bâiller elle aussi, c’est qu’elle affiche des signes d’empathie. Si elle vous trouve juste bizarre, c’est qu’elle se fout de vous!
«Sur une échelle de 1 à 10, comment qualifierais-tu ton système immunitaire?
– 10 sur 10 (pour les gens confiants en leur système)
ou
— 9 sur 10 (pour les gens humbles de leur système)»
Considérant que l’on se montre souvent sur notre plus beau jour en entrevue, nous sommes en droit de nous attendre à ce que les personnes qui répondent des notes plus basses que huit soient souvent absentes.
Et vous, gens des ressources humaines, gestionnaires et penseurs libres, avez-vous des trucs pour déceler la fiabilité? Si oui, placez-les en commentaires ci-dessous.
Pendant les vacances de mon patron, j’ai fait des semaines de plus de cinquante heures. Toutes mes pensées étaient dédiées à la gestion de détails de petite taille et de soucis minimes que j’en ai presque oublié de réfléchir à l’importance de vivre pleinement, à l’inévitabilité de notre propre mort et de notre petitesse dans l’univers qui calcule tout en milliards de kilomètres et en billions d’années!
David Malo
[email protected]
Twitter: @HommeMoyen
http://www.facebook.com/pages/Les-Aventures-de-Lhomme-Moyen/262405733831648
Le 18e épisode est ICI.